La rencontre

La maladie est un avertissement qui nous est donné pour nous rappeler l’essentiel

Encore et toujours la même chanson: Monsieur Hallinger, on se revoit le mois prochain.. Je connais le refrain par cœur. A force je ne fais même plus attention à tous ces tuyaux sur mon visage, c’est presque devenu…une vulgaire routine. Trois ans…trois que je suis ce foutu traitement, trois ans que mon état n’a montré aucun signe d’amélioration. Alors oui, vous me direz Mais au moins Dimitri, ça ne s’est pas aggravé.

Certes ! Mais trois foutues années à marcher sur un fil où je dois sans cesse garder l’équilibre afin de ne pas sombrer, à me priver de toutes ces choses qui vous font sentir humain : se retenir de boire une quelconque goutte d’alcool, fumer une toute petite cigarette, se cantonner à de simples petits breuvages pour enfants, repousser la moindre femme qui voudrais de moi car je ne peux lui offrir l’avenir quel souhaiterait, un avenir dont je ne pourrais jamais faire parti, ingurgiter chaque jour des médicaments pour m’aider à respirer…tant de sacrifices…pour rien.
Finalement, qu’est-ce qui me retient ?  C’est à ce moment précis que, quand je me pose la question...que je les vois… mes parents, Kris, Barbara, James…Je ne pourrais jamais leur faire ça.

Si seulement ils savaient…j’aimerais tant pouvoir leur parler...mais vu la réaction de mes parents, il est hors de question que mes propres amis aient pitié de moi ! Comme je vous l’ai dit, je ne veux pas de votre pitié!
Je suis peut-être malade mais je reste humain. Je déteste être sous le feu des projecteurs, avec tous les regards braqués sur moi, déferlant toute leur sympathie. Je ne suis pas handicapé, pourtant on me traite comme tel. Je ne supporte pas qu’on soit sympa avec moi sous prétexte que je suis malade, qu’on se retienne de m'envoyer bouler quand je dépasse les bornes car je suis diminué. Merde quoi ! Je veux être traité comme tout le monde. Alors oui, vous me trouverez peut-être un peu égoïste, ou inconscient, à vous de voir, mais je refuse que mes amis me prennent en pitié. Ils ne sont donc pas au courant. Pour eux, je suis juste, Dimitri.

Pendant que je rumine assis sur le sol froid de la salle d’attente, les patients passent à tour de rôle pour leur visite. J’attends toujours que le docteur Scott vienne me chercher. Les médecins pensent que si je fais de la kinésithérapie respiratoire, on sera en mesure de diminuer ma dose quotidienne de comprimés. Vous ne m’en voudrez pas j’espère, mais je ne m’en réjouis plus que ça, il y a bien longtemps que j’ai perdu espoir de me débarrasser un jour de ce putain de cancer.