Une longue journée de travail venait de s’achever pour moi. J’étais lessivé, mais ce n’est pas pour autant que j’avais envie de rentrer chez moi. Je n’avais pas la moindre envie de me retrouver seul entre quatre murs et repenser à ma vie à mes actions. Le bilan n’était pas très fameux. En l’espace de quelques années pour un mauvais comportement j’avais tout perdu. La seule chose positive qu’il me restait, c’était mon travail. Mon poste aux urgences de l’hôpital, un métier que j’adorais. J’aimais être médecin urgentiste. C’est ce que j’ai toujours voulu faire et je m’étais donné les moyens pour y parvenir. Heureusement, qu’il me restait cela. Cet amour de mon métier, la motivation de sauver des vies, c’était ce qui m’aidait à me lever chaque matin. Sans cela, je ne sais pas trop ce que je serais devenue, aujourd’hui. Ma famille, mes amis tous m’avaient tourné le dos. Ils me voyaient pour la plupart comme un monstre que je ne suis pas. J’ai commis des erreurs, j’ai mal agi et j’en avais confiance. Ces quatre dernières années derrière les barreaux m’avaient permis de bien réfléchir et de changer. Je voulais être un homme meilleur et réparer les torts que j’ai commis, panser les blessures que j’ai créé. Je voulais simplement réparer mes erreurs…

En sortant de l’hôpital, je m’étais dirigée vers le bar à mi-chemin entre mon lit de travail et mon domicile. J’avais besoin de boire un verre pour me détendre un peu. La journée avait été dure. J’avais besoin de décompresser un peu. Je rentrais dans le Black Rose et m’installais au comptoir. Je m’adressais au barman pour lui commander un verre de bourbon. J’aimais les alcools forts, mais j’allais devoir y aller doucement. Si j’appelais une nouvelle fois Cordelia pour me faire sortir de ma cellule de dégrisement, elle allait sûrement me tuer. Déjà que la première fois, elle avait été furieuse et d’une humeur glaciale. Ce n’était surtout pas la façon dont elle aurait aimé apprendre que j’étais sortie de prison. Puis je savais que sa vie n’était pas très rose, donc son humeur ne devait pas toujours être enjouée en ce moment. J’attrapais le verre de bourbon qu’on venait de me servir en remerciant le barman avant d’en boire une gorgée.

Ma famille a toujours eu une énorme importance dans ma vie. Aujourd’hui que j’étais privé d’eux, je souffrais de leur absence. Je regrettais de ne pas avoir passé plus de temps avec eux quand j’en avais l’occasion, quand j’étais encore le bienvenu chez eux. Depuis mon séjour en prison, j’avais perdu mes deux petites sœurs et mes parents. Ces derniers étaient venus me rendre visite en prison les premiers temps. Ils se faisaient de plus en plus rare, jusqu’à ne plus venir. Ils n’étaient pas au courant que j’étais sorti, sauf si l’une de mes sœurs avait vendus la mèche. La personne dont j’étais le plus proche, c’était Lux. Ma jeune sœur avec qui j’ai cinq ans d’écart. Dès le moment où elle avait su les raisons de mon arrestation, elle avait totalement coupé les ponts avec mois. Près de cinq ans plus tard alors que je jurais avoir changé, elle ne voulait plus avoir à faire à moi. Mais je ne comptais pas baisser les bras. Surtout pas avec elle, elle a toujours été mon roc, ma confidente, ma meilleure amie. J’avais tenté de la voir chez elle, mais elle ne vivait plus dans la belle maison qu’elle possédait autrefois avec Graham. J’y avais rencontré un nouveau couple à l’intérieur. Je m’étais sentie un peu bête face à eux. Désormais, j’ignorais où elle vivait. J’avais pensé à me rendre sur son lieu de travail, mais j’avais le pressentiment qu’elle n’apprécierait pas ma présence là-bas. Mais si elle continuait à ignorer mes appels, je n’aurais pas d’autre choix.

Ma vie était vraiment minable. J’avais dans mon entourage que des personnes qui me détestaient ou bien me méprisaient. Je ne m’étais pas encore fait de nouveaux amis. Évidemment, mes anciens amis m’avaient tous tourné le dos lorsque j’étais entré en prison. Ça ne m’étonnait pas vu que ma famille elle-même l’avait fait. Malgré la longue journée que j’avais passée à l’hôpital, je ne voulais pas rentrer chez moi. Je décidais d’aller dans un bar pour noyer ma solitude dans de l’alcool. C’était la seule chose qui voulait bien me tenir compagnie. Je commandais un second verre de bourbon quand un homme s’adressait à moi. « J’ai l’impression que chaque jour devient plus dure que le précédent. » J’étais juste honnête, je ne m’apitoyais pas. L’alcool déliait simplement ma langue. « Pour vous aussi dure journée ? » Il avait un verre de whisky en main et tout comme moi, il était seul au comptoir.

Aujourd’hui, il ne me restait qu’une seule chose bien dans la vie : mon travail. J’étais reconnaissant envers le chef de l’hôpital qui avait accepté de m’engager. Il avait pris en compte mes compétences avant l’arrestation et avait en quelques sortes ignorées mon casier judiciaire. Il m’avait donné ma chance. Je savais qu’il m’avait tout de même à l’œil. Je n’avais pas le droit à la moindre erreur ou au moindre écart de conduite. Je me faisais discret et je tentais de faire au mieux mon travail. Je tentais de soigner et de sauver le maximum de vie comme je l’avais toujours fait. Une seconde chance m’était offerte dans le milieu professionnel. Maintenant, il fallait que quelqu’un me tende la main dans mon environnement personnel. Je ne perdais pas espoir. Un jour, l’une de mes sœurs finira bien par me pardonner et/ou par constater que mes changements étaient réels. Je tentais réellement de me repentir. J’avais pris conscience de mon problème de colère et de violence. Je faisais un travail dessus.

En ce moment, la seule chose qui me permettait de tenir le cap et de me réveiller chaque matin, c’était mon travail. Après une journée de travail ou durant les jours off, c’était la boisson qui m’aidait à tenir le coup. Le retour à la vie normale était beaucoup plus complexe que je l’aurais imaginé. Surtout quand personne n’attendait votre sortie. Je ne m’étais jamais senti aussi seul de toute ma vie. C’était compliqué à gérer et difficile à croire qu’on avait manqué à personne. Comme si mon existence était superflue, que je sois là ou pas, c’était exactement la même chose.

Je buvais un second verre de bourbon quand un homme m’adressait la parole. Apparemment, nous avions tous les deux, une vie compliquée. Nous avions vécu une sale journée et elle n’était pas une exception parmi d’autres. Il se présentait en trinquant. Je levais mon verre en indiquant à mon tour mon prénom. « Wyatt. » Il me demandait si j’étais du coin. « Pas vraiment, je viens de m’installer pour me rapprocher de ma famille. » C’était la réalité. Je voulais me rapprocher de ma sœur. Depuis que j’avais appris que Lux divorçait, mon envie de rester, c’était intensifiée. Elle disait ne pas avoir besoin de moi qu’elle se débrouillerait seule comme elle l’avait fait ses quatre dernières années. Je ne forçais pas, mais je tenais à ce qu’elle sache que j’étais quand même là pour elle. Elle le savait, je m’en étais assurée. Je lui avais dit en face et par messages. Enfin, si elle avait pris à peine de les lire ou de les écouter, faute de réponse de sa part. « Et vous vous êtes de Los Angeles ? »

Une routine monotone s’était installée dans ma vie. Une vie triste et misérable que personne ne pouvait me jalouser tellement elle était pathétique. Ma routine se résume à boulot, bar pour picoler, maison et on recommence comme dans ce cercle vicieux sans fin. Je ne pouvais pas retourner à Orlando où mes amis m’avaient tous tourné le dos sans la moindre question. Je ne pouvais pas rentrer à Baton-Rouge pour voir le regard accusateur de mes parents. J’avais également envisagé de m’installer dans le pays où j’avais vu le jour, l’Afrique de Sud, mais je ne m’y sentais plus chez moi là-bas. J’avais quitté Johannesburg depuis trop longtemps pour m’y sentir comme à la maison. J’avais donc décidé de rester à Los Angeles dans la ville où la personne qui comptait le plus pour moi vivait. Ma petite sœur, la seule qui pourrait peut-être un jour me pardonner et m’accorder sincèrement une seconde chance. En tout cas, je tenterais de mettre tous les moyens en œuvre pour redevenir de nouveau son grand frère. Devenir celui sur lequel, elle pouvait compter comme ça avait été le cas avant mon arrestation et qu’elle découvre mon côté obscur.

Dans ce bar où je buvais pour la énième fois un verre de bourbon, un homme s’adressait à moi. Nous discutions tranquillement. J’avais avoué être venue à Los Angeles pour me rapprocher de la famille. Il supposait que je rejoindrais ma compagne. Raté ! Ma vie amoureuse était encore plus aride que n’importe quel désert. « Non du tout ! Je me rapproche de ma jeune sœur qui vit un moment difficile en ce moment. » Enfin, elle ne me l’avait pas dit clairement. Mais je pouvais bien imaginer qu’un divorce après dix ans de mariage et d’amour ce n’était pas évident. D’autant qu’avant mon absence de quatre ans, tous les deux, semblaient encore très amoureux et ils parlaient même d’enfant. Un projet qui avait rejoint mes parents, ils devraient être anéantis à l’heure actuelle. Apparemment, j’avais dit quelque chose d’amusant puisque Devon rit. Je n’avais pas compris avant qu’il évoque à son tour sa famille. « Tu as visible pas fui assez loin. À moins, qu’ils soient là pour une mission de sauvetage. » Dis-je avant de boire une nouvelle gorgée de ma boisson. Pour moi, c’était le cas avec Cordelia, j’essayais de sauver ma relation avec elle. Mais je voulais aussi un soutien en cas de besoin, si elle vivait mal son divorce. Je savais à quel point, elle avait pu être dingue de Graham. Je me demandais vraiment ce qui avait bien pu se passer entre ses deux-là. Devon n’avait pas l’air dans son assiette. Il avait apparemment une vie complexe et il occupait sa soirée en buvant du whisky. Je ne pense pas qu’il avait une vie de rêve ou il la dissimule super bien.

Aucun de nous deux n’étaient originaire de Los Angeles. Il était donc logique qu’ils parlent de leur ville d’origine ou du moins d’où il venait précédemment. J’allais éviter de lui dire que je sortais d’un centre pénitencier évidemment. « Je débarque de l'autre bout du pays à Orlando. Ça va, je ne suis pas trop dépaysé, la Floride et la Californie ont pas mal de similitudes. »

Je restais à Los Angeles dans l’espoir de me rapprocher de nouveau de Cordelia. La seule supposait et disposait à m’accorder une seconde chance. Je devais simplement lui prouver que j’étais toujours le frère qu’elle avait aimé et sur qui elle pouvait compter. Mais ce n’était pas si simple que cela, les preuves étaient dures à trouver et à réunir. Elle ne m’accordait pas non plus le temps ou l’occasion de lui montrer que j’étais le même et que j’avais appris de mes erreurs. Plus jamais, je lèverais la main sur une femme. Je savais que j’avais fait une grossière erreur. Comment j’en étais arrivé là ? Je n’en avais pas la moindre idée, mais c’était clair qu’à cette époque, j’avais touché le fond. Je confiais à mon compagnon de beuverie que ma sœur traversait une passe difficile. « Un divorce. » Comment je comptais m’y prendre ? C’était une excellente question que me poser Devon. « Aucune idée… Mais je sais qu’elle rejette mon aide. Je ne veux pas trop la brusquer non plus. » Ça serait la meilleure façon de lui prouver que j’étais toujours l’homme sombre qui a fait quatre années de prison. « On verra demain comment aider ma sœur. Ce soir, j’ai déjà trop bu pour faire quoi que ce soit pour elle. » Il valait mieux que Cordelia ne me voit pas dans cet état.

Maintenant que j’avais évoqué un membre de ma famille, c’était au tour de Devon de parler de la sienne. Apparemment, ce n’était pas la joie non plus de son côté. Décidément, on s’était bien trouvé ce soir. Devon n’appréciait pas que sa famille vienne se mêler de ses affaires. Tiens, Cordelia devait penser exactement la même chose de moi. « Peut-être qu’ils estiment que tes problèmes sont plus importants que les leurs. » Ce n’était qu’une simple supposition évidemment. « Puis c’est plus simple de voir les problèmes des autres plutôt que ses propres problèmes. »

Ni lui, ni moi n’étions originaire de Los Angeles. On venait d’endroit bien différent. Lui de Seattle, moi d’Orlando. « Oui, ce n’est pas à côté. Mais il n’y avait plus rien pour moi là-bas et j’avais besoin de changement. » En sortant de prison, je ne savais pas du tout où aller. La présence de Cordelia à Los Angeles m’avait incité à rester ici. Bien que je sache, qu’elle se serait bien passée de ma présence dans les parages. « Qu’est-ce qui t’a poussé à t’installer à Los Angeles ? Ça doit changer de Seattle. »

Devon était persuadé de m’avoir déjà vu quelques parts. Je n’avais pas la même impression que lui. Son visage ne me disait rien de particulier. « Désolé, je ne sais pas dû tout où vous avez pu me voir. Peut-être que j’ai un visage commun, tout simplement. Tu vois des psychopathes tous les jours ? Tu fais quoi dans la vie ? » C’était quand même étrange comme réflexion. J’avais de quoi me poser des questions tout de même.