La guérison n’est jamais si prompte que la blessure. || Devon&Ezra

Devon & Ezra

La guérison n’est jamais si prompte que la blessure

Clé dans la serrure, bouquet à la main, une nouvelle journée venait de se terminer. J'abaissais le grillage protecteur de la boutique, cadenassa le tout et me dirigea vers ma voiture. Depuis que j'étais installé ici, j'avais pris cette habitude de me recueillir sur la tombe d'Elisabeth une fois par semaine. En temps normal, Emily m'accompagnait mais pas ce soir puisqu'elle avait une soirée avec ses copines. Avouons le franchement, dans ma tête de parent, j'étais plutôt persuadé qu'elle avait été invitée à une fête, mais il fallait que j'apprenne à lâcher prise et à la laisser vivre un minimum. M'enfin, là n'était pas le sujet. Je m'installais derrière le volant, déposa le bouquet sur le siège passager, direction le cimetière.

Si, les premières fois, il fut difficile de retrouver la tombe d'Elisabeth, maintenant je connaissais le chemin par coeur. Je m'accroupis devant la pierre tombale, y déposant le bouquet, avant de ramasser les fleurs asséchées par le soleil et les chaleurs accablantes. J'allais les jeté dans la corbeille la plus près, quand j'aperçu un homme non loin de là. Je tâchais de ne pas faire de bruit pour ne pas le déranger dans son recueillement.

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Eternelle cicatrice J’te jure ma puce, je ne sais plus quoi faire…je prends une profonde inspiration, C’est comme parler à un mur. Il nie tout en bloc. Je vois bien qu’il déraille…Mais, on n’arrive pas à communiquer sans se brailler dessus. J’me dis que je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour l’aider…Mon regard fuit alors le marbre brillant de la pierre tombale et s’abandonne sur les chrysanthèmes violines que je viens de déposer.

Ce n’est pas comme si j’étais irréprochable…j’ai du mal à remonter la pente depuis que vous êtes partis…Mais je sais que tu voulais pas de cette vie pour moi. Alors j’essaie. J’essaie de toutes mes forces. Mais c’est dur. Vous me manquez tellement

Sur ces dernières paroles, je soupire avec un immense désespoir avant de plonger à nouveau dans un silence de plomb. Le cœur lourd et déchiré, mon regard se perd sur les prénoms dorés d’Andy et Lexie gravés sur le marbre. Plusieurs minutes passent quand les bruits sourds de quelques pas râpant sur le gravier de l’allée m’extirpent de mes songes endeuillés. Je tourne aussitôt la tête et remarque un homme d’à peu près de mon âge se recueillant lui aussi sur une pierre tombale. Je l’observe un instant prendre soin de cette dalle funèbre, rongé par Dame Tristesse. Quand elle décide nous frapper celle-là, peu importe qui nous sommes et ce que vous faites, ses foudres sont toujours affreusement douloureuses. Et, je revois ce même air mélancolique assombrir le visage de chacun.

Ses yeux éplorés rencontrent alors les miens. D’un simple réflexe et pour lui témoigner ma compassion, je lui fais un petit signe de tête, celui qui vous dit Je sais… tout en lui esquissant un léger sourire désolé.

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La guérison n’est jamais si prompte que la blessure

À force de venir sur la tombe d'Elizabeth, il m'arrivait parfois d'avoir rien à lui raconter. La dernière fois, je lui avais fais part de mes craintes par rapport a Emily. La peur de ne pas être un bon père. Trop ou pas assez protecteur? Est-ce qu'il m'arrivait d'être trop sévère avec elle? Et si elle finissait par se rebeller d'être sortie de sa zone de confort? La vie à la maison n'était pas toujours rose. Depuis toute petite, c'était ses grands-parents qui l'avaient élevée et c'était tout une adaptation. Autant pour elle que pour moi. J'avouais que parfois, je ne savais plus trop comment aborder mon rôle. Ce rôle dont j'avais été privé depuis bien trop longtemps.

Aujourd'hui, c'était dans le silence le plus total que j'étais venu me recueillir. Cela faisait parfois du bien. Je lui changeais ses fleurs, je nettoyais l'emplacement puis au bout de quelques dizaines de minutes, je rebroussais chemin. Ces journées là, je me ressassais les bons souvenirs de notre relation et cela apaisait un peu la peine. Cela dit, je pouvais affirmer que malgré les années passées, mon deuil n'était toujours pas fait.

J'avais repéré cet autre un peu plus loin. Malgré mes efforts pour ne pas attiré l'attention vers moi, nos regards s'étaient croisés et j'avais pu ressentir sa douleur a travers ses yeux. Sans le connaitre, j'avais eu cette impression que nous venions de nous comprendre, sans un mot. Je lui rendis son sourire, m'approchant doucement, les mains dans mes poches. "Peu importe le temps écoulé, on ne s'en remet jamais réellement, n'est-ce pas." C'était plus une affirmation qu'une question.

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