(Holly & Lou) Don't lock me up, please!

Don't lock me up, please!

J'entends les barreaux de la porte qui se referment dans mon dos. C'est glaçant ce bruit. Je me retiens de ne pas chialer. J'suis p'u un gamin, mais ce bruit, il signifie beaucoup. Il signifie que je ne reverrais plus la lumière du jour avant plusieurs semaines, voir des mois. En tout cas, pas libre. J'aurai dû... faire attention, j'aurai dû... lacher ma fierté maladive et... rester dans les clous. Je regrette ce que j'ai fait, mais en même temps, ce con, il l'avait bien cherché. "On appelle ton avocat". Tu parles, j'ai pas d'avocat. Comment tu veux que je le paie? En nature, de toutes manières, je ne sais faire que ça. Je soupire et vais m'assoir, les bracelets aux poings. Il fait froid dans leur gourbit, ils auraient pu mettre du chauffage. J'ai l'impression que dehors, il fait meilleur.

Remarquez, c'est peut-être le fait de désaouler rapidement qui me fait avoir froid. Rah, et puis, j'ai faim. Je me demande ce que deviendront mes maigres affaires, tiens... Au squat, il y a comme une sorte de solidarité, on ne vole pas les autres, mais l'annonce que je viens d'être arrêté va se répandre rapidement, et alors... le peu que j'ai réussi à accumuler... qu'est-ce qu'il va devenir? Réparti équitablement? Volé? Laissé? Peut-être que c'est Philip qui va me le garder. J'espère bien. Philip, c'est un SDF qui fait la manche sur Baker Street, il dort souvent sur mon vieux matelat la nuit, pendant que je tapine... comme j'en ai pas besoin à ce moment-là, ça ne me dérange pas. Je soupire, le temps commence à devenir long. Peut-être que le policier a laissé tomber les charges? Je ricane, surement pas, non.

- Hey, Cendrillon, ton avocat est là.

Qu'un autre flic me fait en ouvrant la grille. Je ne réagis même pas à son insulte alors que lui, ça le fait marrer. "Cendrillon". Pourquoi? Parce que je vis dans la rue? Parce que je suis un prostitué? J'en sais rien et j'm'en fous. J'suis trop fatigué. Je me lève et marche jusqu'à lui. D'une main ferme sur les menottes, il me guide jusqu'à la salle d'interrogatoire, la même dans laquelle on m'a interrogé pendant de longues heures déjà. J'avais la gueule en sang à cause des coups reçus. Ils ont mis du temps avant qu'ils aillent chercher une infirmière. D'ailleurs, j'ai encore une coupure à la lèvre et à l'arcade sourcilière. Et j'ai mon ventre qui gargouille de plus belle. Parce que s'ils ont "soigné" ma belle gueule, mon estomac demande qu'on s'occupe de lui aussi.

- Assis.

Comme un bon toutou, je m'assois en face d'une jeune... TRES jeune femme. Quoi? C'est elle mon avocat? Je soupire discrètement. Remarquez, ça n'aurait pas pu être un tenor du barreau, hein. Après tout, je ne suis personne et mon cas ne doit intéresser personne non plus. Le policier me laisse avec les menottes aux poignets et juste avant de sortir, il me colle une baffe à l'arrière du crane en ajoutant un truc du genre "t'avais qu'à pas faire le malin". Encore une fois, je ne réagis pas et me contente de fixer la femme. Je ne faisais déjà plus confiance dans les forces représentant les institutions de notre pays, alors là, avec ce qu'il s'est passé, encore moins. Devant elle, mon dossier. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'est pas reluisant, avec tout ce qu'il y a dedans.

Je ne peux que détourner le regard, un peu honteux, il faut l'avouer...

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