Of all the liars in the world, sometimes the worst are our own fears.

Jakub & Aelynn

J’étais un professeur aux méthodes et à la façon d’être et de me comporter peut-être un brin en dehors de la norme, c’est vrai, je l’admets, mais les résultats semblaient plutôt probant. J’étais peut-être loin de gagner le cours de popularité, mais ça, ça n’avait jamais même été sur mon radar. Je suis dans ma peau depuis plus de 36 ans maintenant et je sais à peu près qui je suis-je pense. Et cette personne, ne gagne pas les concours de popularité. Mais il gagne très certainement le respect et parvient encore plus certainement à l’excellence. J’ai toujours été bon, doué, très doué même, dans tout ce que j’ai jamais entrepris. Et ce n’est pas une question de talent naturel, du moins pas complètement, c’est parce que j’approche mes objectifs de la bonne façon et je me donne tous les outils pour réussir. L’enseignement ne serait pas différent et si mes étudiants me laissaient faire je saurais leur inculquer les qualités nécessaires pour être un bon acteur. La plus importante de toute, se connaître soi-même et être honnête envers vous-même. Si vous voulez être convainquant dans vos performances, vous devez savoir ce que c’est d’être triste, en colère, joyeux, rongé par la culpabilité, jaloux, possessif, anxieux, et j’en passe. Et vous devez être en mesure de puiser dans vos propres expériences et émotions pour être en mesure de les exprimés au moment opportuns dans une pièce ou devant la caméra. La deuxième chose la plus importante, c’est de ne jamais trop réfléchir. La réflexion tue le jeu. Ça se doit d’être naturel et fluide, pas constipé. La réflexion signifie le doute, et le doute signifie que vous ne serez jamais à l’aise dans votre jeu, votre comportement, vos répliques. Généralement les étudiants en difficulté avaient l’un ou l’autre de ces problèmes. Les pires d’entre eux avaient les deux. L’une de ces personnes, tu commençais à te dire, étais Aelynn. La timidité chez elle était palpable, mais ce n’était pas la première fois que tu rencontrais un aspirant acteur ou même un acteur qui était complètement timide. Ça n’empêchait même pas certains acteurs que tu connaissais complètement antisocial et incapable de tenir une discussion normale de jouer leur rôle une fois la caméra pointé en leur direction ou simplement le feu des projecteurs. C’est comme s’ils devenaient une autre personne. Mais ça ce n’était pas acquis, ce n’était pas facile et si certains savait naturellement outrepasser cette barrière, d’autres avaient besoin de temps et de guidance. Moi je n’avais jamais été timide, j’avais toujours été un bout en train très vocal. Mais peut-être que je pouvais au moins essayer d’avoir un tête à tête avec cette jeune étudiante. Essayez de voir quel est exactement le problème. Alors à la fin du cours, d’un cours où elle avait été soyons franc lamentable, tu l’interpellais alors que les étudiants sortaient.  

« Mademoiselle Sangassan. » Je marquais une brève pause. « Puis je avoir un mot avec vous? » Je n’avais pas eu le temps de terminée parce qu’elle avait saisi ce bref moment de pause pour s’interroger. Mon regard dans le sien, je pouvais sentir sa détresse. « Rapprochez vous. J’aimerais que vous me disiez exactement ce qui vous passe à travers de la tête lorsque vous êtes dans ma classe et appelé à performer une réplique. Ou lire un texte. » J’avais adressé cette demande aussi calmement et chaleureusement que possible. Je me disais que même un ton neutre, l’inquiéterais, elle semblait très proie à ses émotions. Je pouvais presque ressentir pendant le cours qu’elle avait de s’enfuir et pleurer dans un coin.

Of all the liars in the world, sometimes the worst are our own fears.

Jakub & Aelynn

Je n’étais pas particulièrement surprise du fait que ma question semblait l’avoir mise mal à l’aise. Il y avait comme une aura inconfortable dans laquelle tout son être semblait être enveloppé. Je ne peux pas prétendre que je le comprends, j’étais quelqu’un de magnifiquement bien dans ma peau et complètement à l’aise dans 90% des interactions possibles entre deux personnes. Peut-être parce que je sais asserter mon contrôle dans une situation. Mon niveau de confort est étroitement lié au sentiment de contrôle que je ressens dans une situation donnée. Je suis quelqu’un de confiant et qui se connait très bien. C’était ça la clé de la réussite comme acteur à mes yeux, mais aussi très utile dans les interactions quotidiennes. Je l’écoutais donc tranquillement s’enfarger dans ses tournures de phrases chaque fois qu’elle ouvrait la bouche pour tenter en vain de répondre à ma question. Une question qu’elle n’avait clairement pas comprise puisque ses réponses étaient des plus insatisfaisantes. Je dirais même que rien de ce qu’elle avait dit ne m’apprenais quoi que ce soit. Je ne lui avais pas demandé si elle avait appris son texte. Même si ce serait pratique… en effet. Je ne lui montrais pas ma confusion, je la laissais terminer. Mais si ce qu’elle avait dit étant sans queue ni tête. La façon dont elle l’avait dit m’en disait long encore une fois.

« Vous pouvez terminer une phrases sans… Heuuuuuuu, mademoiselle Sangassan? » Je n’essayais pas d’être froid ou brusque mais la question se posait.

« Je ne vous ai pas demandé si vous aviez appris vos textes mademoiselle Sangassan. Je vous ai demandé votre état d’esprit lorsque vous devez performer le texte. Je ne pense pas que ce soit une question de mémorisation ou même de talent, vous n’en avez montré aucun talent mais ce n’est pas différent de la majorité de cette classe. Non, vous, vous ne pouvez pas réciter une ligne de texte sans cafouiller. Et vous le faites encore en ce moment devant moi alors ne me dites pas que ce à quoi vous pensez c’est votre texte. »

Si elle n’était même pas capable de discerner son propre malaise… ou même de l’admettre. Elle ne ferait pas long feu dans cette classe. Je ne peux pas forcer quelqu’un à s’investir dans le cours. Je ne peux pas claquer des doigts et faire disparaître le trac d’un étudiant. Et je ne peux pas lire leurs lignes à leur place. Je ne peux les aider que s’ils sont prêts à s’aider eux-mêmes. Parce qu’ultimement s’ils doivent performer sur scène, je ne peux pas être à leur côté. Je ne peux pas leur tenir la main. Je ne peux même pas leur souffler leurs lignes. Et encore moins jouer à leur place. Bon, leur souffle leurs lignes peut-être, mais c’est rarement un problème de mémorisation. Par rarement je veux dire, presque jamais. Sauf si la personne ne met tout simplement aucun effort.