poupée de chair ▬ Rayden

J'ai mal au crâne, quand je conduis. Je garde les mains serrées sur le volant mais j'ai du mal à sentir les pédales. Les papillons qui tournent dans mon estomac remontent parfois dans mon crâne et. J'ai. Mal au crâne. Quand je conduis. C'est comme si mon corps se tassait dans le véhicule alors que ma conscience s'élève au-dessus, c'est une sensation incroyable. J'écarte doucement les doigts, prends une longue respiration qui semble m'arracher à cette dépouille comme si je ne faisais qu'inspirer un filet d'hélium. Mon pied écrase l'accélérateur et mon âme s'anesthésie.

J'ai mal au crâne, quand je conduis. Il m'arrive d'avoir mal aussi quand je suis simplement allongé mais mon corps ne supporte pas de rester passif. Pourtant, j'en ai parfois terriblement envie. Rester assis, allongé, à regarder le sol depuis mon envol mais quelque chose en moi me pousse à me lever, à marcher en long, en large, dans Venice et les autres quartiers de Los Angeles. Mes idées vont trop vite pour mes pas, je me refais le film des derniers mois : une comédie, un drama, un film d'action, un film d'horreur, il y a trop de registres différents là-dedans. Petit à petit, j'ai l'impression de me retrouver d'une situation qui ne me correspond pas, qui ne me convient pas. Tout m'échappe, et ça ne me plaît pas.

J'ai mal au crâne, quand je conduis. Je dors mal, je me sens inquiet, je me sens mal, j'ai dû ajuster mes doses pour faire taire tout ce qui m'empêchait d'avancer. C'est un enfer. Pourquoi, pourquoi ne veulent-ils pas que tout redevienne comme avant ? Ma main tâte mollement le siège à côté de moi alors que le véhicule continue de slalomer entre les autres sur la bretelle d'autoroute. Une voix dans ma tête me dit quand tourner, là à droite, là à gauche et j'ai la sensation d'être en plusieurs morceaux dans la voiture. Jusqu'à quitter finalement l'autoroute. Le hurlement des pneus qui crissent sur le béton quand les chiens et les loups se confondent. Mes lèvres cherchent la fraîcheur, je bois et profite du goût citronné de la mixture dans la gourde opaque. J'abandonne la gourde sur le siège passager et un coup de frein la fait chuter par terre. Je ne le fais pas, je ne le fais pas d'habitude mais je tends la main pour la rattraper. Bam ! *Le corps s'envole. Pas comme le mien, pas comme il l'aurait voulu, lourdement, comme un énorme paquet de riz. Ça claque, les membres semblent se disloquer et je regarde le corps tomber sans parvenir à définir s'il s'agit même d'un homme ou d'une femme. Je m'arrête difficilement 100 mètres plus loin. La portière s'ouvre, elle-même semble ne pas vouloir découvrir le constat.

J'ai mal au crâne, quand je conduis. Et maintenant, c'est même pire. J'enfonce mon visage entre mes mains, horrifié par cette vision. Je tends la main vers l'individu sans silhouette humaine et m'aperçois que mes doigts tremblent, je ne saurais pas lui porter secours. Mon cœur bat la chamade, ça me fait un putain de pincement. J'ouvre la bouche, hurle sans bruit, voudrais appeler à m'en arracher les poumons mais aucun son ne sort. Putain... putain... des fenêtres s'ouvrent, qu'est-ce que je dois faire ? Je monte dans ma voiture, essaie de me séparer de la quinte de toux qui me gagne et pense même pas à mettre ma ceinture. Je fonce, je fonce jusqu'au logement le plus proche : il s'avère que c'est celui de Rayden. Elle est médecin, elle saura quoi faire. Je tousse, crache même dans le couloir et arrive en courant à sa porte d'appartement. Je tambourine à sa porte aux poings pour qu'elle se magne.

▬ Rayden ! Rayden, putain ! Viens vite !

Poupée de chair

Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

Encore une nouvelle nuit d’insomnie pour Rayden. Elle devrait être habituée depuis le temps qu’elle les collectionne et pourtant, ce n’était pas encore le cas. Elle se sentait épuisée, mais Morphée semblait être banni de chez la demoiselle Whitmore. C’était comme si cette bonne fée se perdait chaque nuit sans jamais retrouver son chemin, sans trouver la chambre de l’urgentiste. Cette nuit était pire que les autres, c’était la veille d’un jour important. Un jour qui aurait dû être une fête, si les circonstances, les événements passés avaient été différents. C’était la veille de l’anniversaire de l’homme qui aurait dû devenir son époux. Celui qui devait être à ses côtés à ce moment même, celui avec qui elle avait réussi à trouver le sommeil, celui avec qui elle avait le sentiment d’être en sécurité. Celui avec qui elle devait tout simplement passé le reste de sa vie. Mais ça, c’était avant. Avant, qu’il sauve une petite fille et qu’il se fasse consumer par les flammes de ce fameux incendie. Cet incendie qui avait réellement fait de la vie de Rayden un tas de cendre, qui avait fait fondre sa vie, qui avait fait partir en fumée ses espoirs, ses rêves, ses projets et son avenir. Désormais, elle n’était qu’une âme errante qui tentait tant bien de mal de survivre.

Rayden avait quitté son lit pour se rendre dans le salon. Elle jouait avec sa bague de fiançailles qu’elle avait mise comme pendentif sur un collier qu’Asher lui avait également offert. Elle ne quittait jamais ses deux bijoux qui étaient en permanence autour de son cou. C’étaient les dernières choses qu’ils lui restaient de lui. Elle avait quitté la ville dans laquelle ils vivaient ensemble, l’hôpital dans lequel ils se sont rencontrés, vendu l’appartement où il vivait et dans lequel il lui avait demandé sa main. Elle avait laissé tout cela derrière elle parce que tous ses endroits la détruisait à petit feu. En restant là-bas, elle aurait probablement fini alcoolique comme Devon ou drogué comme Raven. Au lieu de cela, Rayden avait déménagé et elle s’était réfugiée dans le travail.

La jeune femme avait sorti un vieil album photo d’un tiroir. Elle venait de feuilleter la première page quand on frappait violemment à la porte. La voix de Raven s’élevait derrière la porte. Rayden se précipita à la porte pour lui ouvrir. Elle découvrait son frère complètement paniqué sur le pas de sa porte. Que se passait-il ? Que lui arrivait-il ? « Raven ? Mais qu’est-ce qui se passe ? » Elle se suivait sans plus de questions, mais inquiète. C’était la première fois que Rayden revoyait Raven depuis son overdose.

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▬ Rayden ! Rayden, putain ! Viens vite !

La porte s'ouvre sur Rayden, j'ai encore mes clefs dans les mains. Sans m'en rendre compte, je laisse à peine le temps à Rayden de me répondre « Raven ? Mais qu’est-ce qui se passe ? » que je fais un pas dans son appartement, dans lequel je suis déjà venu dans le passé. Immédiatement, toutes les versions possibles me viennent en tête, les différentes urgences qui ne trouvent pas leur ordre entre : aller secourir le pauvre gars qui a giclé sur ma caisse, savoir si on m'a vu, et disparaître de la surface de la terre. Qu'est-ce qu'il va se passer si j'ai vraiment buté quelqu'un ? S'il est blessé, s'il est handicapé ? On va forcément me retrouver, je ne peux pas aller en prison, j'ai rien fait pour aller en taule ! J'ai jamais attaqué personne, putain !

Mes mains enserrent mon crâne et mon regard vagabonde dans tous les sens, à la même vitesse que le fil paniqué de mes pensées, je fais quelques pas en avant, m'arrête, recule, tombe sur Rayden et c'est uniquement quand mon regard parvient à croiser le sien que je trouve un point d'ancrage. Comme davantage essoufflé, je désigne la porte entrouverte d'un grand geste du bras, la vérité étant juste là, là, à portée de main :
▬ Je... je te jure, je l'ai pas vu ! Il n'y avait personne, je roulais et il n'y avait personne ! Au fur et à mesure que les mots parviennent à sortir, je ne m'en rends pas compte mais le volume de ma voix commence à grimper. J'ai mal au crâne, terriblement mal au crâne et j'arrive même pas à déterminer si je dois lui montrer où ça a eu lieu, est-ce que je vais réussir à retrouver l'endroit surtout ? C'était à droite, à droite... que je braille, toujours désignant la porte.

Enfin, j'arrive à baisser le bras et mes doigts passent contre mon visage, pour essayer d'effacer les dernières dix minutes. Bordel, qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Je roulais juste, juste, juste là... et soudain, j'ai vu son corps voler dans les airs, à moins que je ne l'ai écrasé sous mes roues. Mes mains quittent mon visage et je lève le nez vers le plafond pour essayer de récupérer un peu d'oxygène. Je cale mes poings contre mes hanches et fais quelques pas autour de Rayden en essayant de lui apporter des informations claires. Dehors, ma voiture est prête à trahir la vérité. Putain, j'ai même pas vérifier s'il y a du sang dessus. Qu'est-ce qui me fait le plus peur, qu'un mec soit mort, ou que je sois pris ? Je sais pas, j'arrive pas à savoir. Comment on en est arrivés là ?

Mes yeux passent sur l'album photo posé, encore ouvert, sur la table basse et je cligne plusieurs fois des yeux, saisissant pas ce que ça vient faire là, maintenant ? Je souffle un gros coup, emmené par une quinte de toux qui se termine vite. J'empoigne finalement le poignet de Rayden et évite de croiser à nouveau son regard. Je ne veux pas qu'elle s'arrête sur des détails. Mes pupilles, je sais qu'elle va le voir, et elle va parler de ça. Mais on s'en fout, pas vrai qu'on s'en fout ? C'est pas ça qui compte.

▬ Et d'un coup... d'un coup, y'avait un type ! Je crois, je crois que je l'ai... je me mets à secouer la main, le regard exorbité, comme si ça allait l'aider à comprendre. Je claque soudain mes clefs de voiture sur la table et parviens à m'asseoir deux secondes. Deux secondes après lesquels je ressaute sur mes jambes : Mais j'allais pas vite, pourquoi il était devant ma voiture ? Je te jure, j'allais pas vite ! T'es médecin, qu'est-ce que je dois faire ?

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Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

On tambourinait à la porte de Rayden. Ce son brutal dans la pénombre l’avait fait sursauter. La jeune femme se demandait qui viendrait chez elle à une heure aussi tardive, en plein milieu de la nuit. Une heure à laquelle les gens normaux dormaient paisiblement. Le fait que l’urgentiste soit toujours parfaite éveillée, alors qu’elle avait fait précédemment une garde, prouvée qu’elle n’était pas saine d’esprit. Rien n’allait bien chez elle. Elle le savait et pourtant, elle n’avait trouvé aucune solution pour régler son problème. Parfois, elle se demandait même si elle avait réellement l’envie et la motivation pour s’en sortir, pour devenir autre chose qu’une simple coquille vide et triste. Les séances chez le psy, la prise de médicaments, les réunions de soutien, rien n’y faisait. Rien ne fonctionnait pour elle. C’était comme si elle était condamnée à sombrer. Par moment, la jeune femme se surprenait à penser que sa famille était maudite, qu’elle était touchée par une véritable malédiction. Elle connaissait peu de monde avec autant de problèmes que les Whitmore.

Rayden avait hésité à ouvrir la porte. Elle se disait que cette personne penserait qu’elle est absente. Mais quand la voix de Raven s’éleva, l’hésitation avait disparu. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Qu’est-ce qui le mettait dans un tel état ? La jeune sœur allumait la lumière avant de lui ouvrir la porte. En le découvrant totalement paniqué sur le seuil de la porte, elle le questionnait sur sa venue. Malheureusement, elle n’arrivait pas à comprendre où il voulait en venir. Il semblait totalement perdu et désorienté. Sa première pensée avait été, il s’est drogué. Il a encore recommencé une nouvelle fois. Pourtant, il avait eu le culot de lui dire que sa consommation n’était qu’une erreur de parcours. Mais Rayden préférait ne pas tirer tout de suite des conclusions hâtives. Elle tentait de comprendre son récit décousu. Est-ce qu’il voulait réellement lui expliquer quelque chose ou bien débitait il des mots comme ça sans réel sens précis ? La jeune femme restait silencieuse en le suivant du regard.

Finalement en recollant les différentes phrases qu’il avait prononcées. Rayden avait l’impression qu’il essayait de lui dire qu’il avait reversé quelqu’un. Dans quel pétrin s’était il encore mis ? Il ne pouvait pas continuer de cette façon en accumulant les conneries. Peut-être bien, que c’était maintenant la fois de trop ? Peut-être qu’ils étaient arrivés au dénouement tragique que Rayden redoutait ? Elle espérait sincèrement que cette personne qu’il aurait renversée aller bien et que Raven avait eu le bon comportement. Elle avait l’impression que non, autrement, il ne serait probablement pas dans cet état… Elle espérait même que se soit l’imagination de son frère qu’il lui joue des tours. La drogue est bien connue pour provoquer des hallucinations. Mais elle ne se faisait pas trop d’illusion.

La jeune Whitmore finit par s’approcher de lui quand il commençait à se calmer. Elle déposait doucement ses mains sur ses épaules et en le regardant dans les yeux. « Tu dois te calmer. Respire tranquillement et assieds toi. » En croisant, son regard, Rayden distinguait assez rapidement ce qu’elle redoutait. Il n’était pas sobre ce soir, il avait pris de la drogue. Il n’était pas nécessaire d’être diplômé en médecin pour s’en apercevoir. Malheureusement pour lui, sa sœur était médecin. Rayden voyait trop souvent des personnes droguées débarquer dans ses urgences. Raven lui-même était à compter dans les statistiques. Pour ne pas le braquer d’entrée de jeu, la jeune femme ne disait rien sur ce qu’elle venait de percevoir. « Tu es en train de me dire que tu as renversé quelqu’un ? Tu as appelé les secours au moins ? Tu t’es assuré qu’il va bien ? Peut-être que tu l’as simplement effleuré ? Tu veux qu'on aille voir ? » Rayden avait conscience que ça faisait beaucoup de questions, mais elle n'avait que des interrogations à l'esprit.

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C'est pas possible, j'arrive pas à faire le tri dans mes pensées, j'arrive pas à savoir de quoi je dois m'inquiéter en premier, j'arrive même à me dire que j'ai dû niquer mon parechoc quand ce type... cette femme... j'en sais trop rien, a roulu sur ma voiture. Comment tu peux oser te préoccuper de cette putain de voiture ? Je plaque les mains contre mon visage, essayant de savoir ce que je dois faire en premier, tout de suite ! Trouver Rayden était une bonne idée, c'est mob fil conducteur, trouver Rayden était une bonne idée, elle sait se débrouiller, elle sait ce qu'il faut faire dans les situations de crise et elle me déteste moins que Devon. Pourquoi, pourquoi je suis venu jusqu'ici, quand elle a participé à tout ce bordel ? Une bouffée délirante me prend, alors que je réalise que c'est peut-être exactement ce qu'elle voulait, elle ! Non ? Non !

Les mains de Rayden se posent contre mes épaules et je sens un long frisson me parcourir, c'est de la peur, je la reconnais. Pas la peur de Rayden mais de ce qu'elle veut, de ce qu'elle a voulu. Mon regard croise une seconde le sien, et j'arrive pas à masquer cette vague qui me cloue les pieds dans le sol de sa pièce à vivre.
▬ Tu dois te calmer.

Pour quoi ? Pour qui ? Je regarde dans la pièce, songeant à ne pas avoir pris cette peine jusqu'à présent, est-ce qu'il y a quelqu'un ici ? Non, Rayden ne voit personne ou du moins... Je me suis absenté si longtemps que je ne le saurais même pas si c'était le cas à vrai dire. Mes yeux se posent partout et nulle part à la fois, ça me file mal au crâne. Mes mains restent plaquées contre mon crâne alors que j'essaie de laisser venir la solution.
▬ Respire tranquillement et assieds toi.

Je rouvre les yeux vers Rayden, réalise qu'il n'y a définitivement personne autour de nous et hoche simplement de la tête en laissant mes bras retomber le long de mon corps. Ouais, elle a raison, faut que je me calme, faut que je retrouve la rue, la forme, et puis il y avait tous ces gens qui sortaient. Je ne veux pas aller en prison, oh mon dieu... est-ce que je vais vraiment finir en prison ? Mon visage se tord alors que ma main se pose une seconde sur le poignet de ma petite sœur....
▬ Ouais, ouais, t'as raison... abandonne-je sans mesurer le poids de mes mots, sur le coup. Et je me laisse tomber sur son canapé, mes doigts grattant le dessus de mes genoux et une partie de mes cuisses. J'essaie de faire ce qu'elle dit, ouais peut-être qu'il n'a rien au final, que je m'énerve pour rien. Peut-être qu'il est mort mais que personne ne m'a vu... Je souffle un grand coup puis serre le poing devant ma bouche pour retenir une légère toux. Je lève le regard sur Rayden, attendant qu'elle me donne la suite du programme.

▬ Tu es en train de me dire que tu as renversé quelqu’un ? Tu as appelé les secours au moins ? Tu t’es assuré qu’il va bien ? Peut-être que tu l’as simplement effleuré ? Tu veux qu'on aille voir ?
▬ Je sais pas, dis-je en jugeant que ça répond plutôt bien à toutes les questions. J'enfouis une seconde mon visage entre mes mains, essayant de me refaire la chronologie des événements pour moi avant de pouvoir sortir quelque chose de construit à Rayden. J'en sais rien, oui, je crois... Il était... juste là ! m'écris-je brutalement, désignant le vide comme pour expliquer la proximité soudaine entre ma voiture et la supposée victime, plutôt la responsable de l'accident ! J'en sais rien, je... je crois qu'il n'y a pas de sang sur ma voiture mais tout le monde m'a vu... Je me mords la lèvre, réalisant que ça va mal se passer. Mon regard suppliant rejoint Rayden : Je peux pas aller en prison pour un accident, pas vrai ? Qu'est-ce que je dois faire, où je dois partir ? demande-je sans songer une seconde retourner sur les lieux. Le dis pas à Devon, réalise-je soudain en me remettant debout dans un bond. Il va me faire du mal, il est devenu méchant. Je passe la main sur mon visage. Personne saura rien, si tu dis rien, t'es d'accord ? Dis Rayden... on était proches avant, tu diras rien ?

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Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

Rayden essayait de comprendre Raven, mais avant, il devait absolument se calmer. Ce n’est pas dans la panique et l’affolement qu’il serait le mieux compris. Il avait besoin de reprendre ses esprits doucement. Avec un peu de chance, ce n’était pas aussi grave que ça en avait l’air. La demoiselle Whitmore espérait sincèrement que personne n’était en train d’agoniser sur le bas-côté de la route à cause de l’inconscience et l’irresponsabilité de son frère. Il aurait alors franchi la limite de non-retour et personne ne pourrait malheureusement plus rien pour lui.

Raven s’installait enfin sur le canapé en admettant que sa sœur avait raison. Rayden le quittait un instant pour récupérer une petite bouteille d’eau dans le réfrigérateur. Elle s’assoit sur le canapé près de son aîné en ouvrant la bouteille et en lui tendant. « Tiens bois » Dit-elle après avoir entendu ses explications. « Si tu as renversé quelqu’un, il n’y aura pas forcément de sang sur ta voiture… Tu as fait un délit de fuite ? Pourquoi tu ne t’es pas arrêté ? » Rayden connaissait la réponse. S’il était parti, c'était bien parce qu’il était complètement défoncé. Mais est-ce qu’il allait le connaître ou une fois de plus tout nier en bloc ? Est-ce qu’il allait encore lui mentir en étant totalement dans le déni ? Est-ce qu’il allait encore prétendre qu’il n’avait pas un véritable problème ? Rayden aurait voulu le rassurer, mais malheureuse, elle ne pouvait pas. Elle ne voulait pas lui mentir. « Tu ne peux pas aller en prison pour un accident, mais tu peux y aller pour non-assistance à personne en danger, si tu as bien fui après avoir renversé quelqu’un. » Maintenant, il fallait devoir assumer ses actes.

Raven ne voulait pas que Devon soit au courant. Rayden ne pouvait pas lui cacher des choses. Surtout quand ça concernait Raven, pas après qu’elle lui ait reproché de lui avoir caché qu’il se droguait. De plus, elle refusait de gérer cela tout cela toute seule, elle n’en aurait pas la force. Elle avait besoin de soutien pour gérer les problèmes des autres. Malheureusement, Raven avait bien plus qu’un seul problème. Elle en avait la preuve en direct. « Comment ça, Devon va te faire du mal ? Depuis quand tu as peur de lui ? » C’est vrai que Devon pouvait être une grande gueule, que tous les deux en étaient déjà venu aux mains, mais au point d’en avoir peur, c’était étrange. « Tout ce qu’on veut tous, c'est uniquement ton bien, mais parfois, tu ne nous facilites pas la tâche Raven. » Il refusait l’aide qu’on souhaitait lui apporter. S’ils avaient tous décidé de l’envoyer dans un centre de désintoxication, c’était pour son bien. Contrairement à ce qu’il pensait, ce n’était pas une punition, même si Rayden pouvait comprendre qu’il le prenne de cette manière. Mais avec le recul, il aurait probablement compris qu’il avait mis sa famille au pied du mur et qu’ils n’avaient pas de meilleures alternatives. Mais un membre était faussement d’accord et il avait poignardé la fratrie dans le dos. Si seulement cet imbécile de Ryler n’avait pas fait sortir en douce Raven, on ne serait pas dans cette situation maintenant.

Rayden se releva en lui tendant la main. « Passes moi tes clés et dis-moi dans quelle rue ça s’est passé ? On va aller voir. » La jeune femme avait besoin de savoir ce qui s’était réellement passé et s’assurer que personne n’avait besoin d’aide. Elle ne pouvait pas rester là à discuter avec son frère sans savoir s’il avait presque tué quelqu’un ou pas. « Si tu as réellement renversé quelqu’un, Devon sera forcément au courant. Je ne pourrais pas lui cacher. On ne peut pas toujours te couvrir, même si j’aimerai. » En plus, il travaillait dans la police, il allait le savoir d’une manière ou d’une autre.

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▬ Tiens bois.

Je serre la bouteille entre mes mains, prends une profonde inspiration. Le contact frais entre mes mains me fait du bien et une seconde, je baisse le visage pour que mon front effleure le plastique qui commence à transpirer de la condensation due à la différence de température entre le frigo et la pièce... Je ferme les yeux une seconde puis songe que je ne risque rien à mouiller mes lèvres, certainement. Il est vrai que mes lèvres sont sèches, ma gorge est sèche, je défaits le bouchon de plastique, il m'échappe et roule à peine quelques centimètres des pieds de ma petite sœur. J'offre un petit sourire de façade, lâche un juron inoffensif comme « saloperie » comme pour accuser le petit bout de plastique... Je lève le regard sur elle...

▬ Si tu as renversé quelqu’un, il n’y aura pas forcément de sang sur ta voiture… Tu as fait un délit de fuite ? Pourquoi tu ne t’es pas arrêté ?

Je secoue la tête, à la négative, quand elle me demande si j'ai fait un délit de fuite. Non, non... enfin non, je me suis arrêté, au départ, je crois, j'ai vérifié et je n'ai vu personne. Il y avait plein de gens qui commençaient à sortir, qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Qu'est-ce que j'aurais pu faire ? Je continue de secouer la tête pour lui faire comprendre que ce n'était pas possible, que c'était voué à l'échec, que c'était une mauvaise idée, mais je ne suis pas parti comme ça, sans même ralentir... c'est juste que je ne suis pas resté, et c'est différent. Je ne suis juste pas resté sur place parce que ça n'aurait servi à rien. Je ne sais même pas à quelle vitesse je roulais. Je reprends une gorgée de sa bouteille d'eau, et passe une main contre mon visage, pour essayer de me remettre les idées en place... Si je me suis arrêté au moins une fois, si je dis que je suis parti chercher de l'aide, est-ce que ce n'est pas assez ? Oh mon dieu, est-ce que j'ai laissé mourir quelqu'un ?

▬ Tu ne peux pas aller en prison pour un accident, mais tu peux y aller pour non-assistance à personne en danger, si tu as bien fui après avoir renversé quelqu’un.
▬ F... fuir ? que je bafouille maladroitement, comme pour essayer d’apposer du sens sur des mots qui n'en ont pas. Je ne me suis pas enfui, me dis-je, à moins que je ne le marmonne, je ne sais pas. Je repose sans délicatesse la petite bouteille d'eau sur le sol, entre mes pieds. Debout en une seconde, je me rapproche d'une des fenêtres qui donnent sur la rue, je secoue à nouveau la tête puis pivote vers Rayden, écartant les bras dans des gestes plus grands que moi. Je... mais non ! Je suis... je suis venu te chercher !

▬ Comment ça, Devon va te faire du mal ? Depuis quand tu as peur de lui ? Je passe les mains contre mon crâne et les ramène dans ma nuque, lâchant un profond soupir. Rayden fait donc semblant de ne pas comprendre, de ne pas savoir pour Devon. Mon regard se perd une seconde sur le plafond, attendant de savoir comment lui faire entendre raison. Je ne sais même pas bien l'implication exacte de chacun dans le traquenard dans lequel je suis tombé. J'aurais dû venir chez chacun d'entre eux dès que je suis sorti, mais j'en avais pas la force. Maintenant que je vais mieux, je devrais poser les bonnes questions. Si ce connard n'avait pas surgi sur ma voiture ! Tout ce qu’on veut tous, c'est uniquement ton bien, mais parfois, tu ne nous facilites pas la tâche Raven.
▬ Mon bien ? m'exclame-je soudain en ramenant mon regard exorbité dans sa direction. Mon bien, tu te fous de ma gueule ? Je plonge mes mains dans ma poche et serre précieusement mes clefs contre moi, formellement opposé à l'idée que quelqu'un d'autre conduise ma voiture. C'est hors de question, personne touche ma caisse !
▬ Si tu as réellement renversé quelqu’un, Devon sera forcément au courant.
▬ T'es de quel côté ?
▬ Je ne pourrais pas lui cacher. On ne peut pas toujours te couvrir, même si j’aimerai.
▬ Me couvrir ? Toujours me couvrir ? Vous êtes des... le plat de ma main frappe la fenêtre de Rayden sans trop de force et je serre le poing. Soudain je lui fais face, mes clefs serrées au creux de mon poing et l'index tendu dans sa direction. Je suis venu te demander de l'aide, pas un second procès, d'accord ? Vous avez eu un... putain de culot de m'enfermer comme un criminel ! Si y'avait pas un espèce de trou du cul qui s'était jeté sous mes roues, je serais pas là ! Mon bien, je le fais tout seul, vous m'avez fait enfermer comme un criminel, comme un dérangé et vous avez jeté la clef ! Un nouveau pas dans sa direction, le ton de ma voix s'emporte. Je vous ai tous appelés pour sortir de là, et vous m'y avez laissé ! T'es prête à faire ce que je te demande, cette fois ? Ou tu préfères t'entêter ?

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Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

Rayden était un peu déroutée par cette histoire, mais également par le comportement de Raven. La jeune femme tentait simplement de répondre à ses questions en étant tout simplement honnête. Elle trouvait cela inutile de dire ce que les autres aimeraient entendre. Ça n’avait aucun intérêt, ça assurait la personne sur le moment, mais ça n’avait rien de bénéfique dans la finalité. Raven secouait la tête négativement pour contredire ce que sa sœur venait de dire. Il ajoutait qu’il n’avait pas fui. Pourtant, il n’avait pas appelé les secours, il ignorait s’il avait renversé ou non une personne. S’il s’était arrêté, s’il avait pris le temps d’observer son environnement, il le saurait. Raven ajoutait qu’il était venu chercher Rayden. Pourquoi ? Pour qu’elle lui apporte son aide ? La demoiselle Whitmore ne demandait que cela de l’aider. Mais en ne disposant pas de toutes les informations, il était difficile pour elle de faire quoi que ce soit. Raven avait de nouveau perdu son calme. Il se levait et il parlait en faisant de grands gestes inutiles. Il était presque effrayant, parfois Rayden avait peur de se prendre un coup. Bien, qu’elle se doutait, que si ça arrivait ce ne serait pas volontairement. « Tu es venu me chercher pour faire quoi ? » Ce n’était sûrement pas simplement pour discuter ou se confier. Malheureusement, il y avait bien longtemps qu’ils n’avaient plus ce lien. La jeune femme devait bien avouer que ça lui manquait.

Raven tenait à ce que Devon reste dans l’ignorance à propos de cette histoire. Si Rayden le pouvait, elle ne lui dirait rien. Mais, si cette histoire s’avère grave, elle ne pouvait pas garder ça pour elle. Devon n’avait pas pu gérer leur frère seul, ce n’est pas l’urgentiste qui y parviendrait. Comme Rayden s’y attendait, Raven ne croyait pas sa sœur quand elle disait qu’ils ne voulaient que son bien. C’était limite s’il ne criait pas au complot. Elle ne préférait rien répondre. À quoi bon ? Elle avait déjà tenté de le raisonner par message, évidemment ça n’avait rien donner. Il était borné, persuadé qu’on se moquait de lui. Pire, il était persuadé d’aller bien et de gérer la situation, ce qui était complétement faux. Raven venait même à demander de quel côté était Rayden. Il était réellement sérieux ? Elle le regardait d’un air interrogateur , on pouvait même lire de l’incompréhension dans son regard, avant de lui répondre. « Depuis quand il y a des camps différents ? On est une famille, on est tous du même côté. » Manquerait plus que ça qu’elle doive choisir entre ses frères, ce serait le pompon. Et dire que plus jeune Devon, Raven et Rayden étaient inséparables. Leurs complicités étaient enviées par beaucoup de monde. Aujourd’hui, on dirait que tout cela n’avait jamais existé. C’était affligeant, comment il en était arrivé là ?

La colère commençait à envahir Raven, il était près d’une fenêtre qu’il frappa. Fort heureusement, le coup n’avait pas été violent. Rayden ne bougeait pas, elle faisait face à son frère qui s’était rapproché d’elle en la pointant du doigt. Elle ne le lâchait pas des yeux. S’il pensait l’intimider en lui faisant face de cette manière et en lui hurlant dessus, c’était complètement raté. « C’est bon, tu as fini ? Je répondais simplement à tes questions avec sincérité… Même si ça ne te plaît pas. Je ne suis en aucun cas en train de faire ton procès. Si c’était le cas, j’aurais parlé de ton état et de tes yeux. Tu es défoncé pourtant, je n’ai rien dit à ce propos. Tu vas oser me regarder dans les yeux et me contredire ? » Elle marquait une pause en faisant un pas vers Raven. « On ne t’a pas mis dans ce centre comme un criminel, mais comme quelqu’un qui a besoin d’aide. Ce soir, tu nous donnes encore une fois raison. Tu ne sais clairement pas prendre soin seul de toi. Après, je comprends, que tu ne veuilles pas croire ton frère alcoolo ou ta sœur dépressive… Mais la différence avec toi, c’est que nous, on accepte de se faire aider. » Elle reculait d’un bas sans lui tourner le dos. « Une dernière chose, je t’interdis de penser qu’on ne tient pas à toi. Pour répondre à ta question, ça dépend. Qu’est-ce que tu me demandes ? » Rayden avait dit tout cela calmement sans s’énerver. Raven avait bien assez hurlé pour tous les deux en espérant qu’il n’est pas réveillé les voisins de la jeune femme.

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▬ Tu es venu me chercher pour faire quoi ?

Je secoue la tête, sentant que la situation devient complètement démente. Rayden me demande pourquoi je suis venu alors que je lui ai tout déballé sur un plateau, et elle ne semble pas saisir la gravité de la situation. Je n'ai quand même pas tout imaginé, je n'ai quand même pas rêvé quand j'ai entendu les os qui craquaient comme du bois, comme j'ai vu le sang glisser comme la rose de la nuit qui commence à se déposer. Je passe la main sur mon visage, est-ce qu'il y avait vraiment du sang ? Non, je n'en sais rien en fait mais j'ai quand même entendu, j'ai quand même vu...

Je me retourne une seconde, soupire lourdement comme si la question de Rayden arrivait de nulle part. Mais qu'est-ce que... Je m'étrangle deux secondes avant d'écarter les bras, en signe d'incompréhension. Je n'aurais pas dû venir, j'aurais dû laisser ce mec crever comme une merde et juste m'en aller loin ? Et ils osent me dire que je ne fais que fuir mes responsabilités ? Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Mes lèvres se serrent et ma mâchoire se crispe. Il faut simplement trouver une solution, et ne pas en parler à Devon. C'est quand même assez simple ! Je m'enfonce l'index et le majeur dans le front en baissant le regard quelques instants supplémentaires, pour trouver la bonne réponse à apporter. Les mots qui me viennent seraient « Bah, aide-moi » mais la formulation a quelque chose de... terrible. Je n'arrive pas à le dire, je me contente de marmonner quelque chose entre deux jurons écrasés entre mes dents, comme si tout était en permanence mélangé, trop compliqué à remettre dans l'ordre, trop difficile à ranger pour y voir clair ! Et je ne suis pas aidé !

▬ Depuis quand il y a des camps différents ? On est une famille, on est tous du même côté.

Un rire gras se substitue à toute réponse alors que je lui lance un regard mauvais, presque condescendant. Tous du même côté ? Je pourrais m'en étouffer, même ! Tous du même côté ? Me semble que lorsqu'une porte s'est fermée, on n'était pas vraiment tous du même côté ? Pour mon bien... du même côté... Je ne sais pas, comment nous en sommes venus là, me dis-je comme pour répondre à une question qu'elle n'a même pas posée et je secoue la tête avant de froncer les sourcils et m'approcher de Rayden :
▬ Du même côté ? Moi j'ai été de votre côté et vous m'avez planté un couteau dans le dos ! Après tous les efforts que j'ai fait pour chacun d'entre vous !

Je sens une vague colérique m'envahir et Rayden ne bouge pas, et je suis tiraillé entre le besoin de retourner là-bas, celui de m'en éloigner le plus possible et enfin, tout laisser péter. Je n'en peux plus. Tout ce que je demande, c'est un coup de main et maintenant, je vais devoir digérer un mensonge sur la beauté de la famille, après le coup de pute qu'ils m'ont fait ? Mais ils en paieront chacun une part, qu'ils ne s'inquiètent pas...

▬ C’est bon, tu as fini ? Je répondais simplement à tes questions avec sincérité… Même si ça ne te plaît pas. Je ne suis en aucun cas en train de faire ton procès. Si c’était le cas, j’aurais parlé de ton état et de tes yeux. Tu es défoncé pourtant, je n’ai rien dit à ce propos. Tu vas oser me regarder dans les yeux et me contredire ?

J'écarquille les yeux, saisi par les propos de Rayden et je ferme les yeux quelques secondes, comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. Je frotte mes paupières avec mes doigts en respirant beaucoup trop fort. Je n'en sais rien, à quoi ils ressemblent mes yeux, en quoi c'est important ? En quoi ça change les choses ? C'est mieux ainsi, j'ai plus de force pour affronter les choses quand j'ai ma béquille. Je n'ai pas envie de te dire que tu es d'accord ou te contredire... ça n'apportera rien, ce n'est pas ça qui compte. C'est la raison, et ce que ça fait. Quand je n'arrivais pas à tout cumuler, j'ai pu faire front parce que je repoussais mes limites. J'ai bien vu que je suis allé un peu trop loin mais je vais y arriver. Je peux le faire. Rayden se rapproche de moi et je relève les yeux sur elle, un regard aux pupilles chargées de défi.

▬ On ne t’a pas mis dans ce centre comme un criminel, mais comme quelqu’un qui a besoin d’aide. Ce soir, tu nous donnes encore une fois raison. Tu ne sais clairement pas prendre soin seul de toi. Après, je comprends, que tu ne veuilles pas croire ton frère alcoolo ou ta sœur dépressive… Mais la différence avec toi, c’est que nous, on accepte de se faire aider.

Je noue mes mains contre ma nuque en lançant une œillade contre le plafond. Mon pied frappe le sol, de façon espacée puis un peu plus vite. Je marmonne sans savoir si je parle dans le vide ou si je suis vraiment en train de lui répondre :
▬ J'ai pas... besoin qu'on prenne soin de moi ! Je relève les yeux sur elle, avec son air faussement stoïque. Vous pensez que je vous jugeais, parce que vous aviez de la peine ? Mais putain Rayden, j'étais inquiet, et impuissant !
▬ Une dernière chose, je t’interdis de penser qu’on ne tient pas à toi. Pour répondre à ta question, ça dépend. Qu’est-ce que tu me demandes ?

Je me rapproche, rattrapant la distance qu'elle avait mise d'un simple pas en arrière. Je désigne l'extérieur d'un grand geste du bras, sentant une sorte de volcan me filer chaud aux tempes. Cette fois, ma voix s'emporte sans plus parvenir à s'apaiser :
▬ J'en ai rien à foutre qu'on prenne soin de moi, t'entends ? Je... Mais putain, va regarder si ce mec respire encore, au lieu de me... sortir... ton... je tapote mon front de la paume de ma main, peinant un peu à trouver mes mots ; bordel de baratin ! « On ne t’a pas mis dans ce centre comme un criminel » … Ça va, ça va ? T'imprimes ?! En une seconde, ma main empoigne son épaule. Je sais pas comment c'est arrivé, en une seconde, mes doigts se nouent autour du tissu et mon regard se plante dans le sien. Mentir sur mes pupilles ? Ce n'est pas la peine. Moi, je voulais juste... je voulais juste... Je replie le bras, comme pour l'amener à moi. Tous mes muscles sont crispés, ma mâchoire tellement serrée que je peine à desserrer désormais les lèvres, quand quelques secondes, les mots résonnaient partout sans se cacher. Être là ! Et vous m'avez balancé, là-bas !!!

Poupée de chair

Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

On en revenait toujours au même sujet. Raven reprochait à nouveau à Rayden le jour où ils l’avaient mis dans un centre de désintoxication. Ça avait été une décision difficile, mais qu’elle ne regrettait pas. Son seul regret, c'est que Riley n’ait pas été sur la même longueur d’onde que sa fratrie. Il n’avait pas été présent lorsque Raven avait fait son overdose. Il n’avait pas été dans l’attente d’en savoir plus, les heures interminables à son chevet. Elle se demandait même si son jeune frère avait eu conscience de la situation lorsque Doyle l’avait informé. Il avait un je m’en foutisme et une inconscience qui désolait Rayden. Raven avait bien failli mourir ce soir-là, si Devon n’avait pas été présent. Pourtant, Raven continuait à se voiler la face. Passer à deux doigts de la mort, ne lui avait pas servi de leçon. Le pire dans tout cela, c'est qu’elle avait l’impression que Riley le soutenait dans son déni. Rayden avait hâte d’avoir une conversation avec ce dernier. Elle voulait comprendre sa façon de penser, mais surtout pourquoi il avait signé les papiers de sortie de Raven. « Ce n’était pas un coup de couteau dans le dos. C’est dommage que tu le vois comme ça. Je te rappelle que ce soir-là, tu as bien failli mourir. Saches que si c’est à refaire, je reprendrais exactement la même décision, mais je ne laisserais pas les autres avoir le pouvoir de te faire sortir. » Elle pouvait vivre avec le fait qu’il lui en veuille, mais pas s’il lui arrivait le pire.

Rayden encaissait sans problème les reproches de Raven. Elle faisait preuve de patience et de tolérance pour tenter de comprendre dans quelle galère, il s’était fourré. Le seul désir de la demoiselle Whitmore était d’aider son frère, mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne lui facilitait pas la tâche. Il était incohérent par moment. Mais surtout, il ne lui fournissait pas les détails dont elle avait besoin. Pour couronner le tout, Raven avait des coups de colère et tentait de l’intimider en lui faisant face et en la regardant droit dans les yeux. Il allait rater son coup, Rayden ne le craignait pas. Elle se disait même que son frère ne lui ferait jamais de mal, malgré la colère qu’il pouvait ressentir envers elle. Entre Raven et elle, ça n’irait jamais aussi loin, qu’entre les deux aînés. Raven et Devon en étaient arrivés plus d’une fois aux mains malheureusement. Rayden tentait de le convaincre qu’elle ne lui faisait pas son procès et une nouvelle fois que la décision du centre était pour son bien. Mais évidemment, c’était toujours un dialogue de sourds. « Ce que tu n’as pas compris, c'est qu’on n’en a rien à faire de ce que tu as envie ou de ce dont tu penses avoir besoin. Je vais jouer les égoïstes en t'avouant que moi, j’ai besoin que tu ailles bien... Je ne pense pas que tu nous jugeais. Mais nous aussi, à ce moment-là, on n’avait pas besoin que tu tentes de prendre soin de nous. Tu te comportes en partie comme on l’a fait. On est aussi inquiet et impuissant face à ton problème de drogue… Parce que oui, tu as un problème. Tu ne me convaincras pas que c’est un accident, une erreur de parcours ou occasionnelle. Je ne te reconnais plus... Et ça me fait du mal. » Il y avait de fortes chances, que demain ne se souvienne pas des mots de Rayden. Elle avait quand même eu besoin de lui dire.

Malheureusement, ce soir, le dialogue n’avait aucun effet sur Raven. Rayden ne savait plus quoi dire, ni comment agir avec lui. Elle commençait à perdre patience. Il avait réellement choisi le mauvais jour pour pousser sa sœur à bout. La demoiselle Whitmore venait de sortir, de garde. Depuis l’incident avec Wyatt, Rayden ne s’autorisait plus à fermer les yeux même l’espace de quelques minutes. Elle avait peur des dégâts qu’elle pourrait causer. Des nuits blanches, la jeune femme les enchaînaient. Il était donc inutile de préciser, qu’elle était exténuée et que donc sa patience était mise à rude épreuve. Sans parler de la date du jour, c’était l’anniversaire d’Asher alors ses émotions étaient exacerbées. Rayden ignorait pendant combien de temps, elle pourrait garder son calme face à Raven. Son frère frappait du pied et se mettait soudain à élever le ton. « Non, mais ça ne va pas ! J’ai des voisins ! On est en plein milieu nuit. Tu veux qu’ils appellent les flics. » Surtout que chez Rayden habituellement, c'est très calme. Elle ne recevait jamais personne chez elle et elle passait le plus clair de son temps à l’hôpital. En réalité, elle rentrait chez elle, seulement quand elle n’avait pas d’autres choix ou bien qu’elle avait besoin de quelques heures de sommeil. Raven continuait à se rapprocher de Rayden, jusqu’à lui empoigner assez violemment l’épaule. Elle posait son regard sur sa main, en se disant qu’il s’était laissé emporté, qu’il allait la lâcher. Il allait se rendre compte que c’était problématique en voyant la réaction de sa sœur. Mais non, il pliait même le bras pour l’attirer vers lui. L’instinct de militaire de Rayden reprenait le dessus, elle se libérait de son emprise avant de l’immobiliser en lui maintenant son bras derrière son dos. « Tu me hurles dessus, tu tentes de m’intimider, tu m’agrippes. C’est quoi la prochaine étape Raven ? Hein ? Tu vas me frapper ? » Elle le relâche en le poussant légèrement pour remettre une distance entre eux. « Maintenant, tu vas arrêter de jouer le con ! Tu vas me donner des infos utiles, comme l’endroit où tu as percuté le type, une rue, un croisement. Si c’est pour dire autre chose, tu fais mieux de la fermer, t'imprimes ? » Rayden ne voulait plus rien entendre d’autres. S’il avait bien percuté quelqu’un, ils avaient déjà perdu de précieuses minutes. Elle espérait sincèrement ne pas se retrouver face à un corps sans vie. « Tu vas aussi me donner tes clés. Je ne touches pas à ta bagnole, mais tu reprendras pas le volant dans cet état. »

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