La journée prenait une allure qui ne m'enchantait pas vraiment. Une allure de démarche administrative. Dans ma profession, on est obligé d'avoir des démarches administratives ça fait partie du travail invisible des médecins, mais quand vous êtes également propriétaire de votre propre cabinet médical, la quotité de paperasses est d'autant plus importante. Par chance, j'ai lié une bonne relation avec le service RH de l'hôpital et parfois, il m'aide à remplir quelques documents à condition de leur faire quelques permanences à l'hôpital. C'était un accord pas vraiment officiel pour le moment, mais au moins tout le monde y était gagnant.

Cela faisait bientôt plus de deux heures que je remplissais des documents avec mon ami Nina et ma tête commençait à saturer. Je pris donc l'initiative de la laisser continuer seule et d'aller faire un tour au service pédiatrique de l'hôpital. En entrant dans le service, je saluais l'ensemble du personnel soignant. Je ne comprenais pas ses médecins imbus d'eux même qui préférait dénigrer leur propre personnel. Il n'y avait rien de bon à retirer de tout ça, pour en avoir moi-même fait les frais pendants mes études de médecine. Je m'arrêtais au bureau de la responsable du service pédiatrique de l'hôpital pour la saluer dans un premier temps et lui demander comment je pourrais me rendre utile aujourd'hui, ensuite.

Elle m'informa qu'on venait de les prévenir de l'arrivé aux urgences d'un jeune garçon blessé au genou suite à une chute de skateboard, mais que le médecin de garde était débordé et qu'elle devrait s'y rendre elle-même. Les urgences n'étaient pas le lieu que j'affectionnais le plus dans cet hôpital, de par la présence de mon ex-mari Wyatt, mais avec un peu de chance, il était de repos ou au pire comme elle venait de le dire trop débordé pour s'apercevoir de ma présence et moi de la sienne. Je lui proposais donc d'aller m'occuper du jeune homme et elle accepta avec un sourire qui en disait plutôt long sur le plaisir qu'elle éprouvait à me refiler la tâche.

Arrivé aux urgences, mon premier réflexe fut de scruter l'horizon. Il y avait un monde fou comme on me l'avait dit, mais je ne voyais aucune tête connue dans le coin, aucune tête châtain clair aux yeux bleu brûlant pour être plus précise.

Je me rendais alors au service des admissions et demandait le dossier du jeune garçon avant de me rendre jusqu'à la salle d'attente. "JAIMIE KEAGAN, veux-tu bien me suivre s'il te plaît" dis-je en lui accordant un petit sourire. Ne lui dites pas, mais il s'agissait probablement de l'un de mes patients préférés. En pleine adolescence, son attitude jonglait entre l'envie pressante d'être un adulte pour être plus libre et l'insouciance d'être encore un enfant plein de joie de vivre. Tout en le dirigeant vers la salle d'examen, je ne pus m'empêcher de rire en silence alors que je le voyais faire le coq avec les infirmières. Du Jaimie tout craché, bien que cela commençât à m'inquiéter qu'il ne connaisse que trop bien le personnel ici.

"Dc Asclépios ! Il ne me semble pas que le dieu de la médecine ait été une déesse, même si le compliment reste à prendre." Lançais-je avec un petit sourire caché, j'avais l'habitude de son petit jeu de charmeur, c'était plutôt drôle de voir qu'il avait toujours de nouvelle expression de dragueur à chaque visite. Je ne relevais que rarement pour ne lui donner aucun espoir, mais il n'empêche que cela m'amusait assez fortement.

J'examinais son dossier et notamment les éléments indiqués par le secrétariat. "Jaimie, Jaimie, Jaimie, mais que vais-je faire de toi ? Tu vas finir par avoir plus de cicatrice qu'un cadavre après une autopsie. Je suppose que ta mère ou ton père est au courant de ta présence ici ?" À en croire le document que j'avais sous les yeux, aucun parent ne semblait avoir été prévenu, mais j'allais attendre de voir qu'elle excuse bidon, il allait bien pouvoir me sortir. Il me ferait surement bien rire encore une fois, bien que la situation ne soit pas aussi simple que cela. Je profitais donc que mon téléphone bip pour le saisir et envoyé un message discret à Sanaa. "Excuse-moi, un message important" Dis-je sans qu'il n'ait besoin d'en savoir plus. Je connaissais particulièrement bien sa mère puisqu'elle était la meilleure amie de mon grand frère. Un simple Ok de sa part me permettrait de m'occuper de la blessure de son fils. En attendant sa réponse, j'invitais Jaimie à s'installer sur le lit d'oscultation pour examiner sa blessure et j'interrogeais mon patient sur les circonstances de sa blessure. " Tu m'expliques comment tu t'es fait ça Monsieur le Charmeur ? "