Vivre en étant dépendant de deux béquilles n’étaient pas quelques choses de simple. Surtout pour une personne qui avait tout fait pour avoir très jeune sa propre indépendance. Ruby ne voulait dépendre de rien et de personne, pourtant depuis de deux ans, elle ne pouvait pas aller d’un endroit à un autre sans l’aide de ses béquilles. Elle ne pouvait pas déplacer des objets sans l’aide de quelqu’un. Parfois, elle était contrainte de demander de l’aide pour des choses totalement futiles. Elle ne pouvait pas porter sa nièce ou son filleul à moins d’être assise de peur de perdre l’équilibre en étant debout et le ou le tenant dans ses bras. C’était vrai, Ruby ne mentait pas quand elle disait qu’elle vivait bien sa situation et qu’elle l’acceptait. Mais ce n’est pas pour autant que c’était facile tous les jours. Surtout les moments où elle tombait ou ceux où ses jambes la faisaient terriblement souffrir. Dans ces instants-là, la demoiselle Turner maudissait ses béquilles, ses jambes, son handicap.

Une nouvelle année débutait et dans les bonnes résolutions de Ruby, ils avaient amélioré sa condition en essayant d’avoir plus de mobilité. La jeune femme en avait parlé à son médecin qui lui avait conseillé de voir un neurologue. Lui avait fait apparemment tout ce qui était dans son pouvoir pour améliorer au mieux la condition de Ruby, il ne pouvait rien faire de plus. Aujourd’hui, il se contentait de vérifier qu’elle ne régressait pas et que ses jambes allaient toujours bien, tout comme le moral de Ruby par la même occasion.

La demoiselle Turner avait donc suivi le conseil de son médecin en prenant rendait vous avec un neurologue. Elle avait rendez-vous avec le Docteur Hale. La brunette se trouvait dans la salle d’attente, le nez plongeait dans un magasin quand elle entendait une femme appelait son nom. Ruby levait la tête et faisant un signe de la main pour montrer qu’elle était bien présente et qu’elle avait entendu. Elle déposait le magasin, elle prit ses béquilles qu’elle avait déposées sur le côté calé son sac à main sur son épaule et allait vers la fameuse neurologue. « Bonjour Docteur Hale. » Dit Ruby en arrivant à sa hauteur. « Je ne vous serre pas la main, vous ne m’en voulez pas, j’ai les mains un peu prise. » Dit-elle avec humour.

Il n’y avait rien à perdre et peut-être tout à gagner. C’est exactement, ce que Ruby s’était dit en prenant rendez-vous chez le neurologue. Son médecin lui avait conseillé de voir sa consœur sans réelle conviction. Pour lui, la demoiselle Turner était arrivée au bout de ses capacités et aucun autre miracle ne se produirait pour elle. Déjà qu’elle marchait, alors que ses précédents médecins l’avaient quasiment tous déclaré paraplégique. Ils lui avaient tous dit cette fois-ci, qu’elle serait condamnée à être en fauteuil roulant jusqu’à la fin de ses jours. À présent, cela faisait des mois, que Ruby n’avait pas vu l’ombre d’un fauteuil roulant. Elle se déplaçait à l’aide de deux béquilles, mais malgré tout, elle tenait sur ses deux jambes et surtout elle marchait. C’était plutôt pas mal pour une femme qui était censée avoir perdu l’usage de ses jambes. Après cette expérience, il n’était pas étonnant que la demoiselle Turner ne porte pas grand intérêt à l’avis des médecins et qu’elle fait ce qui lui semble bon pour elle. Ruby avait décidé de voir l’une des meilleures neurologues de la ville. Au moins, la jeune femme serait fixée et la doctoresse aurait simplement un peu perdu de temps et tout de même gagner de l’argent.

Ruby se levait immédiatement quand le docteur Hale l’appeler. En rentrant dans son bureau, la demoiselle Turner tentait de faire un peu d’humour. Mais elle n’était pas super douée pour cela. Mais une chose est certaine, Ruby avait beaucoup d’auto dérision, elle préférait rire de ses soucis que d’en pleurer. C’était la meilleure façon d’agir selon elle, sinon la vie serait beaucoup trop triste. Puis la vie était beaucoup trop courte pour éprouver longtemps de la tristesse. C’était un sentiment totalement humain et indispensable, mais il devrait être de courte durée. Quand le docteur l’invitait à s’asseoir, Ruby s’exécutait « Merci ». Elle attendait que son interlocutrice finisse d’examiner son dossier médical. « Eh bien, il y a trois ans. J’ai été renversé par une voiture. J’ai passé près d’un an dans un fauteuil roulant. Avec de la rééducation avec un très bon kinésithérapeute, j’ai réappris à marcher avec des béquilles. Depuis deux ans, il n’y a aucun changement, je n’ai pas progressé. Apparemment, ce n’est pas un problème moteur, mais peut-être neurologique, sur la moelle épinière peut-être d’après mon médecin. C’est pour cela qu’il m’a envoyé vous vous, mais il pense que vous trouverez rien. Je crois qu’il pense que je suis folle et que tout se passe dans ma tête. Mais je sais que c’est faux. » Peut-être que sur ce coup, Ruby avait été un peu trop franche. Elle aurait dû s’abstenir de dire que son médecin la prenant pour une espèce de folle, hypocondriaque que s’empêche de progresser. C’était faux, la demoiselle Turner n’avait qu’une envie courir comme elle avait toujours pu le faire avant son fameux accident.

Installée dans le bureau du Docteur Hale, Ruby racontait dans quelle circonstance, elle était aujourd’hui dans cet état. Elle lui expliquait également la raison de sa venue. La brunette espérait sincèrement que le médecin face à elle pourrait l’aider. Qu’elle pourrait peut-être lui facilité la vie. La demoiselle Turner avait été brève et elle n’était pas rentrée dans les détails. Elle n’en voyait pas l’intérêt, le seul risque, c’était qu’elle perde le docteur Hale dans son récit et qu’au final, elle cesse de l’écouter. « Je sais que c’est très délicat d’être opéré de la moelle épinière. Je connais les risques… Mais au moins, je saurais d’où vient le problème. Une éventuelle opération, c’est une autre histoire et une décision importante que je ne pourrais pas prendre seule. » Ruby savait qu’avec une telle opération, elle pourrait perdre l’usage de ses jambes de façon définitive. La brunette savait qu’elle ne supporterait pas de passer le restant de ses jours dans un fauteuil roulant. Donc elle était presque certaine que jamais, elle tenterait une telle intervention chirurgicale. Cependant, elle avait besoin de savoir si l’absence de progrès était un problème de physique ou comme son médecin lui disait, c’était psychologique. Que tout se passait simplement dans sa tête et qu’elle créait seule le blocage d’une éventuelle progression. « J’ai tendance à beaucoup remettre en question les dires de médecins depuis mon accident. Ils m’ont dit que je ne remarcherais jamais et vous voyez bien qu’ils ont eu tort. C’est pour cela que j’ai insisté pour avoir un rendez-vous avec vous malgré le fait que mon médecin n’était pas convaincu que ce rendez-vous m’apporte quelques choses. » Après tout, Ruby n’avait rien à perdre aujourd'hui.