Je reste là, interdit.

▬ T’étais le premier à blâmer ton frère Devon quand ils vous a abandonné. Mais regarde-toi. Tu es pareil. On dirait bien que l’abandon est don inné dans votre famille.

Je reste là, interdit. J'inspire profondément quand elle me gifle, c'est la suite logique n'est-ce pas ? Je triture mes doigts, joue avec les clefs et me mords la lèvre, je ne sais pas ce que je dois faire, je ne sais pas ce que je dois dire, quel mensonge elle voudrait que je lui serve comme un beau dessert qui ferait tout passer ? Parce que la soupe amère et dégueulasse de mon affection assaisonnée avec mes erreurs semble lui donner la nausée. Profonde inspiration.

▬ Menteur !

Je reste là, interdit. Ça résonne dans mes oreilles, ça me vrille les tympans. Je pensais qu'en allant voir Devon ou Erika, ça irait mieux, que moi j'irais mieux. C'était des illusions, sur toute la ligne. Je serre le pendentif au creux de ma main, immobile. Mais je me sens à genoux. Mon souffle est court, il est douloureux dans ma poitrine. Je te le demande, écris-moi, je t'en supplie, me laisse pas. Je me mords à nouveau la lèvre, remets mes clefs dans ma poche pour pouvoir caler mon index et mon pouce sur mes paupières. Ce que j'ai envie de te dire ? Je suis allé chercher Devon. Et toi, Erika, qui es-tu venue chercher ? Pourquoi vous ne comprenez pas ? Pourquoi personne ici ne peut, ne veut comprendre ? Laissez-moi la place que je vous demande, laissez-moi dans le passé... laissez-moi quand tout allait bien, aidez-moi à reconstruire un peu de paix. À cet instant, je suis endolori. La cure, la visite de Riley, la confrontation avec Devon et maintenant Erika... Je tends doucement le poing dans sa direction. Est-ce qu'on va se revoir, Erika ? Est-ce que tu seras là, est-ce que je serai... encore là ? J'ouvre le poing et laisse tomber le pendentif. Il ne représente plus rien, je préfère ne plus le voir.

▬ Je t'ai aimée dès notre première rencontre. Bon courage dans ta nouvelle vie.

Je bouge de là, englouti. Je récupère mes clefs et détourne le regard, j'ai pas envie d'avoir le retour. Tu as ce que je te donne Erika, ne te sens pas obligée de répondre. Tu es clean, tu es en colère, quand la colère sera passée, tout s'arrangera pour toi. Je ne m'imposerai pas dans ton existence. C'est pas grave Erika... je passe la main sur mon visage. Finalement je me retourne, la pointe du doigt et lui crie :
▬ C'est peut-être ça ton problème à toi, t'as jamais couru après personne ! Et moi, je fais que ça, courir et j'arrive pas à reprendre mon souffle ! disant ces mots, ma main tape à plat contre ma cage thoracique, comme pour lui montrer, en plus de lui dire. Tu veux te préserver ? Très bien, fais-le ! Raconte-toi une belle histoire où rien ne t'atteint, très bien ! Mais je ne t'ai... je reprends mon souffle, juste assez pour lui hurler : je ne t'ai jamais menti, Erika ! Je passe la main sur mon visage, excédé, et marmonne encore sous le coup de l'énervement : Putain, c'est vraiment trop con ! Et refais volte face pour me plier au souhait formulé : m'en aller.


FIN DU RP