poupée de chair ▬ Rayden

▬ Ce n’était pas un coup de couteau dans le dos...
▬ C'est exactement ce que c'était, dis-je pendant qu'elle continue de parler, mon regard s'extirpant du sien pour ne pas croiser la désapprobation de ma petite sœur. Pour ne pas croiser son entêtement, pour ne pas croiser le mensonge dans lequel elle se vautre sans l'ombre d'un doute, pour ne pas croiser le jugement et la déception. Je serre un poing en frottant mes dents contre ma lèvre inférieure, laissant les mots passer sans s'arrêter.
▬ C’est dommage que tu le vois comme ça. Je te rappelle que ce soir-là, tu as bien failli mourir. Saches que si c’est à refaire, je reprendrais exactement la même décision, mais je ne laisserais pas les autres avoir le pouvoir de te faire sortir.

Finalement, mon regard passe sur elle et un bref rire nerveux fait trembler mes épaules, alors qu'elle pensait vraiment que j'allais mourir ? Je passe la main contre mon visage, comme si j'étais en face de Mamie Micheline avec un casque de réalité virtuelle qui saute dans le salon en pensant échapper au vide... persuadée de la réalité dans laquelle elle évolue, et pourtant en plein rêve. Une pensée me traverse l'esprit... C'est parce qu'elle n'a pas été capable d'empêcher la mort de son fiancé qu'elle veut sauver ceux qui n'ont pas besoin de l'être ? À deux doigts de lâcher la bombe qui va faire basculer la conversation, à deux putain de doigts mais je prends sur moi de pas le dire, pour pas causer plus de dégâts. Je hausse alors des épaules et je lui souffle avec une sorte de mépris à peine dissimulé :
▬ Décision du docteur, désolé petite sœur. Je laisse passer quelques secondes, bloqué dans mes mots et une chanson me vient à l'esprit, je balance ma tête vers l'arrière, fixe le plafond quelques instants : J'allais pas... Finalement, je lui fais signe de la main de laisser tomber, elle est persuadée d'avoir raison, elle croit que je subis les événements quand j'en suis l'unique décisionnaire. Je me détends les épaules, pense au mort sur le bord du trottoir, à quel point finalement j'aurais eu raison de n'en avoir rien à foutre.

▬ Ce que tu n’as pas compris, c'est qu’on n’en a rien à faire de ce que tu as envie ou de ce dont tu penses avoir besoin.
▬ Je sais ce que je fais... que je marmonne, bouffant la moitié des mots, crachant l'autre moitié entre mes lèvres serrées.
▬ Je vais jouer les égoïstes en t'avouant que moi, j’ai besoin que tu ailles bien... Je ne pense pas que tu nous jugeais. Mais nous aussi, à ce moment-là, on n’avait pas besoin que tu tentes de prendre soin de nous. Je fronce les sourcils, sens les traits de mon visage se durcir. Pas besoin ? Ils se seraient foutus en l'air dans le cas contraire, ils étaient complètement à la dérive, tout le monde s'est laissé chavirer dans la même tempête dans cette putain de famille. Ils ont tous mis des coups de pioche dans notre bateau et j'aurais dû attendre tranquillement de voir le bateau couler ?
▬ Si, dis-je mes traits amplis de colère, vous... vous en aviez besoin ! Elle n'a pas le droit de dire le contraire, pas le droit de lire que j'avais la possibilité de faire l'aveugle, pas le droit de dire qu'ils m'ont laissé le choix. Je devais y arriver. J'avais pas le droit de rester simplement moi. Pas le droit de m'en foutre, de rentrer à pas d'heure, de venir juste quand l'envie m'en prenait. J'avais pas le droit de pas avoir peur que Devon ou Rayden se foutent en l'air, que Riley et Doyle restent livrés à eux-mêmes. J'avais pas le droit de ne pas tenter de prendre soin d'eux.
▬ Tu te comportes en partie comme on l’a fait. On est aussi inquiet et impuissant face à ton problème de drogue… Parce que oui, tu as un problème.
▬ C'est pas ce que tu crois ! C'est pas ce que ça paraît être !
▬ Tu ne me convaincras pas que c’est un accident, une erreur de parcours ou occasionnel. Je ne te reconnais plus... Et ça me fait du mal.

Mon regard l'abandonne une fois encore, j'inspire une grosse bouffée d'air frais, et braille soudain qu'on perd du temps. On perd du temps, on perd notre temps, tu le vois pas ? Je passe à nouveau la main contre mon visage. Elle s'énerve tellement que j'en sens mes doigts qui tremblent, elle m'énerve tellement que... J'inspire à nouveau par le nez, sens mes muscles se contracter. Je dois me tirer d'ici, si je fais un putain de malaise dans son appartement, je peux me tirer une balle.

▬ Non, mais ça ne va pas ! J’ai des voisins ! On est en plein milieu nuit. Tu veux qu’ils appellent les flics.
▬ Rien à foutre de tes voisins, rien à foutre des flics ! S'échappent les mots, s'échappent les cris, s'échappe la respiration. Mon regard ne se fixe plus sur elle, il part sur la fenêtre, il part sur les doigts, il part sur les meubles. Je serre les poings, elle me bloque, elle s'entête et ça me fout en boule, dans un tel état de tristesse mais tellement en colère... Ma main sur son épaule, il faut qu'elle écoute, il faut qu'elle comprenne, pourquoi elle comprend pas ? Pourquoi elle y arrive pas ?

Elle repousse mon bras et je n'ai pas le temps de faire quoi ce soit qu'elle parvient à me mettre le bras dans le dos. J'arrive pas à me défendre, j'arrive pas à avoir le mouvement pour arrêter le sien et je lâche simplement un juron, ignorant ce qu'elle me dit. Je hurle pas. Elle est complètement tarée, ils sont devenus fous ou ils préparent quoi, la prochaine étape de leur plan ? Elle me repousse et je me retourne pour lui refaire face.

▬ Maintenant, tu vas arrêter de jouer le con ! Tu vas me donner des infos utiles, comme l’endroit où tu as percuté le type, une rue, un croisement. Si c’est pour dire autre chose, tu fais mieux de la fermer, t'imprimes ? Je refais un pas dans sa direction. C'est comme ça que tu veux la jouer ? Tu vas aussi me donner tes clés. Je ne touches pas à ta bagnole, mais tu reprendras pas le volant dans cet état. Clefs dans ma poche. Main fourrée dans ma poche. Je cligne des yeux, la regarde bien en face. Tu vois mes pupilles, c'est ça ? C'est bon ?
▬ Je suis... je suis... mes doigts se serrent autour de mes clefs et je secoue la tête : sorti de l'autoroute tu sais... Je l'ai enfin... je l'ai pas laissé enfin... j'ai pas fui, je... Je serre les lèvres. Monte avec moi, ou suis-moi, ordonne-je finalement, attendant de voir si elle plie ou pas face à la demande qui ne laisse que peu d'options.

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Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

Rayden avait fini par comprendre que le dialogue n’avait aucune utilité face à Raven. Elle se demandait si seulement il comprenait tout ce qu’elle tentait de lui dire. Mais c’était clairement un dialogue de sourds, elle ne faisait que perdre son temps. Sans parler de son sang-froid qu’elle avait de la difficulté à garder. Son frère n’était plus très loin d’atteindre le point de rupture. La demoiselle Whitmore pouvait faire preuve de beaucoup de patience, de compréhension, d’empathie, de compassion et de tolérance, mais comme chaque être humain, elle avait ses limites. Raven niait chaque mot que prononçait la jeune femme, disait son inverse. Ils n’avaient clairement pas conscience des mêmes choses. On le voyait se détruire à petit feu, sombrer de plus en plus profondément et pourtant lui ne voyait rien. Ne voyait-il pas le néant et le chaos qui le guettaient ? Rayden avait réellement peur pour lui et d’atteindre un point de non-retour s’il continuait sur ce chemin dangereux.

Raven n’avait pas tort. Lorsque Devon avait perdu Lexi et Andy et Rayden avait fait face à la disparition d’Asher, ils avaient eu besoin d’aide. Chacun sombrait à sa manière. Même si Raven était plein de bonnes intentions, il n’avait pas la bonne solution pour faire en sorte que son frère et sœur en deuil remontent la pente. Personne ne pouvait comprendre ce qu’ils vivaient sauf les deux concernaient. C’est pour cela que Rayden avait décidé de rejoindre Devon à Los Angeles. Ils étaient les moins maladroits l’un envers l’autre. Tout simplement parce que chacun savait ce que l’autre aimerait ou n’aimerait pas l’entendre. Chacun connaissait la difficulté de se souvenir, de penser, de parler ou d’évoquer l’être perdu. Ils avaient besoin d’aide et de soutien, mais pas celui que Raven voulait leur apporter. La raison était simple, il ne savait pas ce qu’ils vivaient. Elle lui souhaitait de ne jamais le connaître. C’est une souffrance que Rayden ne souhaiterait même pas à son pire ennemi.

Selon Raven, Rayden se trompait. Il lui disait ce n’était pas ce qu’elle croyait, ni ce que ça paraissait être. Si c’était le cas, la jeune femme aimerait bien que son frère lui explique. Mais elle doutait de sa capacité de le faire. Rien de ce qu’il disait ce soir n’avait de sens ou de cohérence. Il était dans un monde complétement différent avec des changements d’humeurs presque effrayant. Est-ce qu’elle devrait révéler cette phrase ? Demander des explications ? Elle aimerait bien, mais elle s’attendait encore à des conneries ou un énième dialogue de sourds. Après tout, ce soir, il n’en était plus à un près. « Si ce n’est pas ce que je crois. De quoi, il s’agit, Raven ? Dis-moi, je t’écoute. » Elle lui laissait l’occasion de s’expliquer, même s’il y avait peu chance qu’il lui fasse changer d’avis. Il avait un problème avec la drogue, il n’y avait aucun doute à avoir dessus et il n’y avait pas d’autre explication.

Les choses commençaient à dégénérer quand Raven commence à hausser la voix et se met à hurler. Ce serait vraiment un miracle si les voisins ne finissaient pas par appeler la police. Raven faisait un boucan monstre. « Tu te comportes comme un enfant. Rien à foutre des voisins, je veux bien te croire. Mais les flics ? Tu ne penses pas que Devon sera au courant ? Tu penses que c’est une bonne idée que tu croises des flics dans ton état ? Avec ce que tu viens de m’avouer ? Réfléchis un peu ! » Lorsqu’elle parlait d’aveux, elle parlait évidemment de la supposer personne qu’il avait renversé. Lui demander de réfléchir, c’était peut-être trop lui demandé. Mais bon comme on dit qui ne tente rien n’a rien. Comme si les hurlements de Raven ne suffisaient pas, il agrippait Rayden assez violemment. Assez violemment pour que les instincts militaires de la jeune femme s’éveille et qu’elle se défende. Elle venait de perdre patience. Raven se rapprochait de nouveau d’elle, alors qu’elle avait instauré de la distance en le poussant. Elle ne le lâchait pas du regard en lui tendant la main. « Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans : tu ne reprends pas le volant dans cet état ? » Elle attendait qu’il lui remette ses clés. « Je ne te suis pas et je monte encore moins avec toi. Tu montes avec moi, dans ma voiture. Je conduis, tu m’indiques le chemin. Tu as besoin de mon aide ? Donc on fait selon mes règles, ce n’est pas négociable. Je t’ai assez écouté, assez subit ton humeur merdique et tes conneries. » Les mots gentils et la politesse étaient passés à la trappe ça ne servait strictement à rien. Si elle devait de nouveau l’immobilisé ou bien en venir aux mains pour avoir son attention, elle le ferait. Il ne lui laissait malheureusement pas le choix. C’était quand même triste. Jamais, Rayden n’aurait pensé qu’un jour, elle devait utiliser contre l’un de ses frères, des compétences de défenses qu’elle avait acquise à l’armée.

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▬ C'est pas ce que tu crois ! C'est pas ce que ça paraît être !
▬ Si ce n’est pas ce que je crois. De quoi, il s’agit, Raven ? Dis-moi, je t’écoute.
▬ Je... ce n'est pas...

Ma voix se brise au fond de ma gorge alors que je la regarde là, face à moi. Pourquoi a-t-il fallu que tout se brise, ainsi ? Je passe les mains contre mon visage, à la recherche désespérée de mes mots, à la recherche désespérée de la vérité qui m'échappe. Non, ce n'est pas ce qu'elle croit, mais elle n'est pas prête à entendre tout ce que je pourrais dire et je ne suis pas prêt à dire tout ce qu'elle a envie d'entendre. Je n'arrive pas à renoncer totalement à tout ce qui nous liait hier, et tout ce qui nous sépare aujourd'hui. Je suis perpétuellement en guerre avec chacun d'entre eux, d'une façon ou d'une autre, comme si j'avais basculé dans une autre dimension. Parfois oui, je me dis que c'est la cocaïne qui obstrue ma vue et obscurcit mon jugement et puis je les regarde, et je ne vois rien de ce que j'y cherche, rien de ce que j'y connaissais et reconnaissais. Et ils ne me reconnaissent pas non-plus. Ils ne veulent qu'un petit frère lâche et pleutre, celui qui attend, et qui subit les événements, leurs événements. C'est trop dur, de regarder tout cela de loin. Je garde mon visage entre mes mains plusieurs secondes. Ce n'est pas ce que ça paraît être. Ça va aller. Je vais y arriver, je peux y arriver, n'est-ce pas ? Pourquoi je ne peux pas traverser tout ça ?

▬ Je peux... je m'occuperai de toi, Rayden. Je tends les doigts dans sa direction sans oser trop l'approcher cette fois, apercevant la sorte d'appréhension irrationnelle qu'elle semble ressentir. Je me mords la lèvre, passe la paume de ma main contre mes paupières, attristé qu'elle ne veuille pas me faire confiance. Pourquoi est-ce qu'elle ne peut pas m'écouter et me croire ? C'est un tel... bordel dans ma tête, j'ai mal au crâne, j'ai mal au cœur. Qu'est-ce qu'il va nous arriver ? Je me saisis d'un sourire en demi-teinte et repose le regard sur elle : Je vais bien... je te jure... Et ce n'est pas ma désinvolture quant à trois casse-couilles du voisinage qui va me faire mentir. Je les emmerde, de toutes les manières possibles. Et je n'en ai rien à foutre de la police. Qu'est-ce qu'ils vont faire, me poursuivre parce que... quoi ?

▬ Tu te comportes comme un enfant. Rien à foutre des voisins, je veux bien te croire. Mais les flics ? Tu ne penses pas que Devon sera au courant ? Tu penses que c’est une bonne idée que tu croises des flics dans ton état ? Avec ce que tu viens de m’avouer ? Réfléchis un peu !
▬ Je... J'en sais rien. Si, il sera au courant. Tu, TU vas tout lui raconter ! Croiser les flics dans mon état ? Quel état ? Je prends une longue inspiration. Mes doigts demeurent serrés sur mes clefs de voiture. Une partie de moi a envie de partir, une deuxième d'exploser ici, sur place, et la troisième d'accepter une concession pour aller voir le mec, au moins vérifier s'il est vivant. Les gens ont dû appeler les secours j'imagine, faudrait peut-être juste appeler l'hôpital le plus proche ? Ouais c'est ça, on appelle l'hôpital. On peut...
▬ Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans : tu ne reprends pas le volant dans cet état ?

Je pince les lèvres, j'observe sa main. Comment est-ce que je peux savoir que ce n'est pas un piège ? Qu'elle ne va pas en profiter ? Je fais un pas en arrière, la fixe en essayant de déceler un signe de mensonge, ou de bonne foi, sans rien voir du tout. Elle a juste l'air contrariée. Et pourtant, je veux lui proposer des solutions, je veux qu'elle sente que je veux résoudre toute cette merde. Putain de piéton à la con. Putain !
▬ Je ne te suis pas et je monte encore moins avec toi. Tu montes avec moi, dans ma voiture. Je conduis, tu m’indiques le chemin. Tu as besoin de mon aide ? Donc on fait selon mes règles, ce n’est pas négociable. Je t’ai assez écouté, assez subit ton humeur merdique et tes conneries.
▬ Tu veux laisser... laisser quelqu'un de de de blessé par orgueil, c'est ça ? Ma voix refait les montagnes russes, remonte, face à mon incompréhension. Elle ne cède rien, j'essaie de faire des compromis mais elle n'accepte rien... Je passe la main sur mon visage et soupire longuement : Je veux – je refais un pas dans sa direction, l'index tendue vers son visage – je veux que tu me promettes que tu me ramènes ici après. Tu me le promets ! Et si tu mens, je brûle ta maison, je le promets. Sinon je me tire. J'ai prévenu un médecin, j'ai fait ce que je devais faire. Promets, tout de suite !

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Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

Rayden était prête à écouter son frère. D’après ses dires, sa sœur pensait de la mauvaise manière. Elle se faisait même des films. Si c’était réellement le cas, la jeune femme voulait donc que son frère l’éclaire et lui offre des explications. Elle lui laissait l’occasion de le faire. Elle était disposée à lui accorder toute son attention. Mais malheureusement comme elle s’y attendait, son frère ne lui disait rien de concrète. Seul quelques mots traversaient ses lèvres, des phrases inachevées. Ce n’est pas ce soir, que la demoiselle Whitmore allait pouvoir comprendre quelque chose. Qu’elle pourrait avoir une véritable conversation avec son frère aîné. Elle ne répondait alors rien à ses quelques mots. À quoi bon ? Le pompon, c'est quand il finit par dire qu’il allait bien. Il était tout sauf bien. Ça, Rayden ne pourrait jamais le croire, pas dans l’état dans lequel il était. Mais elle ne relevait pas. Depuis son arrivée, elle se tuait à lui répéter qu’il n’allait pas bien et qu’il avait un problème. Mais il continuait à s’obstiner. Il continuait à se murer dans ses illusions. La jeune femme était démunie, elle aurait aimé l’aider, mais elle était à court d’idée et de solution. Après tout, pouvait-on vraiment aider quelqu’un qui ne veut pas être sauvé ? Rayden avait bien peur que non...

Rayden en avait assez de ce dialogue de sourds et de ces conversations qui menaient strictement à rien. Elle prenait les choses en main après, qu’ils aient eu un échange un peu violent et tactile. Elle souhaitait que Raven la conduise auprès de la personne qu’il avait blessée plus tôt. Mais il fallait qu’elle continue de négocier avec lui. Il venait de renverser un homme ou une femme et il voulait reprendre le volant. La demoiselle Whitmore, était-elle réellement obligée de lui expliquer pourquoi elle ne désirait pas qu’il prenne le volant ? La main de Rayden était toujours tendue vers Raven. Elle attendait, qu’il lui confit ses clés de voiture. « Ce n’est pas de l’orgueil... Je peux laisser quelqu’un de blesser, si ça permet de ne pas prendre le risque que tu sois à ton tour blessé ou que tu blesses quelqu’un d’autre. Dans ton état un accident, ça arrive vite. Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose. Donnes moi tes clés... S’il te plaît. » Le ton de Rayden qui était, au départ, autoritaire devenait presque suppliant à la fin de sa phrase. « Je te le promets. Tu pourras même dormir ici si tu le souhaites. » La jeune femme préférait avoir l’œil sur lui ce soir. Elle aimerait qu’il évite de faire d’autres erreurs ce soir. Rayden attendait toujours qu’il lui donne ses clés et qu’ils aillent à la recherche de cette fameuse personne blessée en espérant qu’elle aille finalement bien. « Tu serais prêt à te tirer en me laissant avec ta merde. Merci et bravo le grand frère, il est passé où mon frère protecteur ? » Dit-elle avec tristesse. Elle ne reconnaissait vraiment plus Raven. Devon n’exagérait pas lorsqu’il disait qu’il n’était plus celui qu’ils avaient connu et avec qui ils avaient grandi.

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Ma mâchoire se serre, je lève les yeux sur ma petite sœur, qui pense pouvoir contrôler mes allers et venues, qui pense qu'elle a le droit de décider si je dois reprendre ma voiture. Personne ne peut décider pour moi, personne n'a le putain de droit de prendre de décision à ma place. Personne ne devrait avoir le culot de croire pouvoir juger ce qui est mieux pour moi. C'est moi le responsable, c'est moi qui... je n'ai besoin de personne ! Personne ne me dira ce que je dois faire !

Tout ce que je souhaite, c'est que Rayden aille voir, qu'elle trouve l'endroit où j'ai tapé ce que j'ai tapé et qu'on en reste là, qu'elle aille voir, qu'elle fasse ce qu'il y a à faire. C'est tout ce que je lui demande, c'est tout ce qu'il y a à faire... je ferme les yeux et souffle un bon coup en secouant doucement la tête, j'oscille entre différents états que j'arrive pas à maîtriser, je veux juste qu'elle fasse ce que je lui demande...

- Ce n’est pas de l’orgueil... Je peux laisser quelqu’un de blesser, si ça permet de ne pas prendre le risque que tu sois à ton tour blessé ou que tu blesses quelqu’un d’autre. Dans ton état un accident, ça arrive vite. Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose. Donnes moi tes clés... S’il te plaît.

Je serre les lèvres, pas franchement prêt à lui faire entièrement confiance. Ils mentent, ce sont des menteurs. Ils ont l'air ou détaché ou concernée mais ce sont des menteurs, des manipulateurs, ils veulent me faire disparaître, me faire disparaître à jamais. Je me mords la lèvre et balance mon regard dans la pièce pour ne pas croiser celui de Rayden. Je continue de serrer les clefs au creux de ma main, parce qu'elles sont le pass vers ma liberté, le seul fil qui me lie alors avec un sentiment de joie, aussi éphémère soit-il. Je le serre, je les caresse, frotte le métal avec le bout de mon doigt sans parvenir à me résoudre à m'en séparer, surtout sans savoir ce qu'elle va en faire...

- Je te le promets. Tu pourras même dormir ici si tu le souhaites.

Elle a promis... je me retourne vers elle, elle ne peut pas me promettre les yeux dans les yeux et me mentir ? Elle ne peut pas faire vraiment ça ? Je regarde vers la fenêtre. Putain, si j'ai tapé dans quelqu'un et qu'elle veut pas y aller sans mes clefs... Est-ce que c'est pas sa responsabilité à elle ? Pourquoi est-ce qu'elle a besoin que je ne puisse pas rouler pour y aller ? Pourquoi est-ce qu'elle prend cette direction là ? Je serre fort la clef dans ma main et les regarde, comme pour essayer de déterminer si je fais pas une connerie monumentale. Fait chier...

- Tu serais prêt à te tirer en me laissant avec ta merde. Merci et bravo le grand frère, il est passé où mon frère protecteur ?
- J'ai fait ma part ! laisse-je finalement sortir en écartant les bras dans un grand geste démesuré, les clefs ayant quitté ma poche pour pendouiller au bout de ma main. Tu risques rien, putain ! T'as juste à aller là-bas, voir s'il va bien et... tu risques rien, toi ! C'est pas ce qui te fait vibrer, toi, sauver tout le monde ?

Je recule d'un pas et finalement, fais un pas en direction de la porte. Je me reprends, passe une main nerveusement contre mon visage. Je ne peux pas laisser ma voiture ici... je ne peux pas... je souffle à nouveau, marche d'un côté et de l'autre. Finalement je balance mes clefs dans le canapé de Rayden, histoire de les lui laisser le temps de notre absence, sans vraiment les lui donner. Je croise les bras et la toise du regard :
- J'ai aucun putain de compte à vous rendre, à aucun d'entre vous ! J'ai personne d'autre à protéger que moi-même, compris ? Je serre les dents, quelque peu amer puis désigne sa porte d'un vague geste du menton : Bon, maintenant, on bouge ou quoi ? Je reste sur place, entre elle et le canapé, prêt à lui montrer le chemin – putain pourvu que je m'en souvienne – mais sans qu'elle emmène mes clefs avec elle...

Poupée de chair

Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

Rayden s’inquiétait pour la personne que Raven avait percutée. Elle espérait que cet accident était le fruit de l’imagination de son frère, que c’était une hallucination causée par les substances qu’il avait ingérées cette nuit. Elle l’espérait sincèrement, il manquerait plus qu’il soit accusé de non-assistance à personne en danger, délit de fuite ou pire homicide involontaire. C’étaient des possibilités qu’elle ne préférait pas envisager. Rayden avait déjà perdu beaucoup de temps en tentant de comprendre et raisonnait Raven. Elle perdait encore du temps en réclamant ses clés. Si elle faisait ça, c’est parce qu’elle s’inquiétait pour son frère qui n’était pas dans son état normal. Elle ne voulait pas qu’il conduise et qu’il déclenche de nouveau un accident qui sera peut-être pire que le précédent. La demoiselle Whitmore expliquait à Raven pourquoi elle ne souhaitait pas qu’il conduise. Elle lui promettait qu’il n’y avait aucun piège derrière sa demande. Elle l’invitait même à passer la nuit chez elle s’il le souhaitait. Une invitation que Rayden espérait qu’il accepte. Ça la rassurait de l’avoir avec elle le reste de la nuit.

Raven reprenait la parole en tentant de convaincre Rayden qu’elle ne craignait rien avec lui. Mais il n’y avait aucune chance qu’il puisse la convaincre. Si elle montait avec lui en voiture ou si elle le suivrait ce soir, elle ne se sentirait à aucun moment en sécurité. Cette négociation réduisait les chances de la personne blessée si ce n’était pas déjà trop tard. Mais Rayden ne céderait pas. Comme elle l’avait dit, elle pouvait laisser quelqu’un mourir dans l'éventualité où ça permettait de préserver une personne qu’elle aimait. Dans ce cas, cette personne, c'était Raven. Rayden ressentait un pincement au cœur quand son frère lui dit que c’était de sauver tout le monde qui la faisait vibrer. En un instant, la jeune femme eut le flash de toutes les personnes, qu’elle n’avait pas sues sauver, toutes celles qu’elle avait perdu et son fiancé faisait partie du lot. Ce sont les larmes aux yeux, des larmes qu’elle ne s’autoriserait pas à verser devant Raven qu’elle répondait. « Je n’ai pas la capacité de sauver tout le monde et tu le sais. Malheureusement, je crois que tu fais partie de ces personnes, tout comme la personne qui tu as percuté. » Est-ce que Rayden était en train d’admettre que son frère était une cause perdue ? Est-ce qu’elle baissait déjà les bras ? Si elle le faisait, elle savait qu’elle décevrait Devon. Mais elle ne pouvait malheureusement pas réaliser ce miracle. Pourtant, elle aurait tellement aimé.

Raven finit par jeter les clés sur le canapé. C’était exactement ce que Rayden voulait qu’il laisse ses clés hors de sa portée. Il en profitait pour mettre aussi certaines choses au clair. « J’ai bien compris. Je n'attendrais plus rien de toi. Mais la prochaine fois que tu blesseras quelqu’un ne vient pas frapper à ma porte. » Elle disait ça, mais il pourrait toujours compter sur elle quoi qu’il arrive. Rayden finit par prendre ses clés de voiture en laissant Raven sortir de l’appartement avant elle. « Ma voiture est garée juste devant. » Une fois en voiture et le moteur en route, Rayden demandait à Raven. « Je dois prendre quelle direction ? » Elle espérait qu’il serait au moins clair et cohérent pour lui indiquer le chemin. S’il faisait le même pitch que dans l’appartement, ils étaient mal barrés et la personne blessait ne serait jamais retrouvé.

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▬ J’ai bien compris. Je n'attendrais plus rien de toi. Mais la prochaine fois que tu blesseras quelqu’un ne vient pas frapper à ma porte.
▬ Tout ça pour ça... marmonne-je en lançant une oeillade à mes clefs sur le canapé. Même si le but a été de les mettre hors de sa portée à elle, j'aime pas les voir abandonnées comme ça. Je perds mon regard dessus, y'a qu'une clef. Y'a qu'une seule putain de clef, plus de clef d'appartement, pas de clef de boîte aux lettres, pas de clef de casier ; juste ma clef de voiture. Je penche la tête sur le côté, songeant à Rayden et Devon, les conversations qu'ils ont pu avoir tous les deux quand ils ont choisi de partir vers Los Angeles, pour régler leurs problèmes, sans parvenir à régler leurs problèmes. Si au moins cet éloignement avait fonctionné, si au moins, ça nous avait aidés ? Alors ouais : tout ça pour ça, finalement ? Je lui lance un regard chargé des reproches qui ne trouvent pas leurs mots. Rayden a conscience de pas pouvoir sauver tout le monde, et elle opère bien ses choix. Peut-être que si Asher avait bougé son cul pour pas se faire avoir bêtement, on en serait pas là ? Peut-être qu'elle ne serait pas là, le fantôme qui prend les mauvaises décisions, semblant attendre la fin de sa vie comme si elle était prête à ce que les cinquante prochaines années se ressemblent...

Elle annonce alors que sa voiture est devant. Je me mords la lèvre, observe mes clefs laissées là et note que ma petite sœur attend que je sorte pour me suivre, et probablement fermer derrière nous. Je détends mes muscles discrètement et fais un pas de côté avant de marcher plus droit à l'extérieur, la laissant fermer sa porte tout ça. Je passe les doigts à l'arrière de ma nuque, j'ai mal à la tête. Elle m'a donné mal à la tête ! J'avance jusqu'à sa voiture et me laisse tomber contre son siège passager, calant presque immédiatement un pied contre le tableau de bord, je croise les bras contre mon torse et lève les yeux au ciel, pas franchement emballé par la situation. Je commence à réfléchir sur la suite, comment on va faire quand on sera là-bas, si Rayden doit aller à l'hôpital avec le mec ? Je garde le regard fixe devant moi, me laissant embarquer par le fil de mes pensées qui vagabondent entre ça, à me demander si jvais devoir refaire le plein de ma bagnole ou est-ce que les jambes du type ont abîmé ma carrosserie ? Je me redresse sensiblement quand Rayden me demande la direction. Je cherche des points de repère, essaie de me repérer aux maisons que j'ai pu apercevoir si les trucs à la con genre travaux ou... cet arbre pourri là !

▬ Là, là ! que je lui braille en désignant un coin de rue du doigt. Ouais je sais que je suis passé à côté de cet arbre pourri avec la grosse branche à moitié sur le trottoir. Je me suis dit que ça me coupait la vue cet arbre de merde. J'insiste, répète encore une fois « là-bas ! » en attendant que Rayden s'y rende. J'ai pas ma ceinture, je ramène mes fesses sur le bord du siège et entrouvre mon carreau, me sentant sérieusement mal à l'aise enfermé dans la voiture pourrie de Rayden. Enfin pas foncièrement « pourrie » mais bon. Je la laisse suivre la direction indiquée et là, je bloque un peu. Je masse mon front, ferme les yeux. Je rouvre, semblant entendre la voix de ma petite sœur. Quoi, quoi ? J'écarquille les yeux. Je regarde à droite, à gauche, cherche le chemin que j'avais emprunté sans vraiment parvenir à trouver un nouveau point de repère.... Je crois que là-bas... il y avait quelque chose dans la pelouse peut-être... ce drapeau-là, ou ce flamand rose ? On tourne un peu en rond avant de reprendre une nouvelle route dans un quartier résidentiel. Des gyrophares semblent fissurer l'obscurité plus loin et alors que nous nous approchons, je me tasse dans le siège avec une main devant mon visage.

Sur la droite, une simple voiture de flics à l'arrêt avec un près du véhicule et l'autre qui parle avec une riveraine sur le pas de sa porte. M'écrasant au fond du siège, je demande d'une voix un peu nauséeuse :
▬ Y'a quelqu'un par terre ou bien ? ...

D'où je suis et considérant ma posture et ma main qui écrase son visage, je ne peux pas encore la distinguer mais la victime de mon accident gît péniblement sur l'une des pelouses... la boîte aux lettres au pied défoncé a vomi son courrier sur l'herbe fraîche, à quinze mètres de son emplacement initial. D'où je suis, je ne regarde pas et pousse un profond soupir avant de redemander à Rayden ce qu'il en est, précisant au passage : T'arrêtes pas si y'a pas besoin...

Poupée de chair

Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

Ça lui fendait le cœur de l’admettre, mais Rayden avait bien compris qu’elle n’avait plus rien à attendre de Raven. Elle ne pouvait plus compter sur lui, comme elle avait pu le faire auparavant. Désormais, il était devenu un tout autre homme que la jeune femme n’appréciait pas. Enfin ce qu’elle n’appréciait pas réellement chez lui, c’était son refus de voir la réalité en face. Il était borné et autodestruction. Dans sa chute, il risquait d’emporter une partie de la famille, mais ça, il ne s’en rendait pas compte. Même si par miracle, Raven avait une subite prise de conscience, Rayden doutait que ça ait une quelconque importance pour lui. Il était devenu une personne égoïste. Il était tellement dans le déni et dans une illusion qu’il serait difficile pour ne pas dire impossible de le raisonner.

Après des minutes de négociations, Raven acceptait enfin de se séparer de sa clé de voiture en la jetant sur le canapé. Il avait en même temps prononcé une phrase intrigante. Elle était compréhensible, mais Rayden ne comprenait pas le sous-entendu derrière celle-ci. Comment ça, tout ça pour ça ? Que présentait ses "ça" ? Qu’est-ce qu’il attendait ? Mais la demoiselle Whitmore ne relevait pas. Elle préférait ne pas demander. Rien de ce qu’il avait dit ce soir n'avait un sens pour Rayden. Il n’avait fait que tenter de l’embrouiller, dire des brides mots et des phrases inachevées. Elle se contentait donc de se mettre en route à la recherche de la victime de Raven.

Une fois en voiture, Rayden demandait à son frère la direction à suivre. Mais avant de mettre en route la voiture, la jeune femme regardait son frère qui avait mis ses pieds sur le tableau de bord et omis la ceinture de sécurité. Il fallait vraiment qu’elle lui dise ça ? « Tes pieds et ta ceinture ! » Dit-elle d’un ton autoritaire comme si elle s’adressait à un enfant indiscipliné. C’était à se demander qui était l’aîné dans cette famille. Ce n’était pas Rayden, mais c’était probablement la plus responsable si on faisait la comparaison avec Raven. Évidemment, son frère n’en faisait toujours qu’à sa tête. Rayden démarrait tout de même la voiture. Ils n’avaient pas plus de temps à perdre avec de la négociation. Rayden suivait les directions approximatives que lui indiquait son frère. « Tu n’as pas besoin de crier, je suis ne suis pas sourdes. » Ses hurlements commençaient réellement à l’agacer. Son agacement ne s’arrangeait pas qu’elle s’était aperçu que finalement, ils tournaient en rond. Elle avait souvent ralenti ou arrêté la voiture pour que Raven choisisse une direction. Est-ce qu’il se moquait d’elle ? Est-ce qu’il se souvenait vraiment du chemin ? Il était tellement défoncé et incohérent ce soir, que les deux possibilités étaient fortement probables.

Raven et Rayden finissaient par arriver dans une rue où se trouvait une voiture de police. Raven s’enfonçait dans son siège comme s’il essayait de se cacher. Un comportement qu’il n’avait rien de suspect, ironie. Rayden roulait en regardant un peu autour d’elle. Elle était un peu curieuse de la présence de la police ici. Raven demandait s’il y avait quelqu’un par terre. Donc le lieu de l’accident, c'était ici. Rayden observait en ralentissant un peu. Personne au sol. Hormis la police, il n’y avait pas de trace ou de présence de secouristes sur place. Une chose avait tout de même attiré l’attention de Rayden : une boite aux lettres vandalisée... Ou heurtée par une voiture. La jeune femme arrêtait la voiture et fixait Raven. « C’est ça le mec que tu as heurté ? » Dit-elle en pointant du doigt la boite aux lettres un peu plus loin. Si c’était bel et bien le cas, la jeune femme était plus que soulagée. Mais pas seulement, elle était également énervée. Il l’avait inquiété et dérangé pour rien, ce soir. S’il avait uniquement pris la peine de s’arrêter. Il aurait compris que ce n’était pas réellement grave. Dans le cas où il aurait un soupçon de conscience, il rembourserait au propriétaire les dégâts qu’il avait engendrés. Rayden avait très envie de frapper Raven pour ses conneries, mais elle n’en ferait rien.

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▬ Je...

Je me redresse et observe dans la direction du doigt de Rayden, la voiture s'est arrêtée et je me penche, ne comprend pas pourquoi elle me désigne cet objet. Il y avait quelqu'un, je l'ai bien vu, je l'ai entendu, je l'ai vu... Mes yeux clignent, plusieurs fois, comme si je pouvais soudain accéder à la réalité. Mon énergie s'estompe, ou plutôt se met de côté quelques instants. Je fixe le sol, depuis le siège de Rayden sans comprendre quel mauvais tour elle est en train de me jouer là... il n'y a personne. Il n'y. a. personne. Ma bouche s'entrouvre sans plus laisser passer le moindre son, alors que je contemple ce tas de bois merdique par terre, sous les aboiements lointains d'une bonne femme.

▬ C'est pas... possible...

Il y avait un corps, je l'ai vu, je l'ai entendu ! Je pose la main contre la portière, la seconde contre la vitre et retire la ceinture de sécurité pour me tourner de façon à mieux observer la scène délirante qui a lieu sous mes propres yeux. Mon poing se serre, je ne me suis pas trompé, je sais que je ne me suis pas trompé. Tous mes muscles se raidissent et j'enfonce mon visage entre mes mains, je dois comprendre. C'est pas possible putain, il était sous mes yeux, j'ai entendu le corps s'étaler sur le parechoc, entendu le métal se tordre sous le poids, entendu le choc, entendu la chair qui souffre, entendu tout ça ! Je bave les mots, les lèvres écrasées contre les paumes de mes mains, essayant de comprendre le fil des événements. Et soudain, ça me paraît évident. Les flics, bien entendu qu'il y a les flics !

▬ C'est toi... oh putain, c'est toi !

Mettant de côté le fait que ce soit moi qui ai déboulé chez elle, les éléments se mettent rapidement en place comme une évidence, le mystère qui disparaît ! Ils ont travesti la scène, et les flics qui sont présents sont là sous les ordres de Devon ! Et il a prévenu Rayden pour qu'elle soit disponible quand je serais devant sa porte. Ils veulent me faire croire que je vois des choses qui n'existent pas, ça fait partie de leur plan, ils veulent me faire croire qu'ils ont raison, ils veulent me faire égarer la mienne. Je passe à nouveau les mains contre mon visage, sentant la blessure d'une nouvelle trahison faire son chemin dans ma chair et mon âme. Finalement, je me redresse et pivote vers Rayden qui esquisse le masque de la surprise, imite la grimace de la colère. Putain, quel culot ! Je me mords la lèvre inférieure, me retiens de me jeter sur elle, de l'attraper par les cheveux et me contente de m'accrocher à son épaule en plongeant mon regard dans le sien :
▬ Mais pourquoi, pourquoi vous me faites ça ? Il est.. y avait un mec là dehors ! Mon doigt tape la vitre pour désigner l'endroit en question. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi tu me fais ça ? Je sais ce que j'ai vu ! Pourquoi vous me faites ça ? Le ton s'emballe, le hurlement déchire ma voix quand mon regard paniqué cherche la réponse dans celui de Rayden : Mais vous êtes des putain de monstres ! Pourquoi tu fais ça, Rayden, pourquoi ? Tu veux me rendre fou, tu veux que je me mette une balle dans la carafe, c'est ça ? Mon doigt heurte ma tempe, munition invisible, impact réel. Pourquoi, Rayden ? Pourquoi tu me fais ça ? Abattu. Vaincu. Mais qu'est-ce que je t'ai fait pour mériter ça ?

Poupée de chair

Raven & Rayden

“ Fachés pour un jour mais frères pour toujours... ”

Le sentiment de soulagement qu’avait ressenti Rayden en voyant la boite aux lettres détruite avait été de très courte durée. Elle pensait que ce sentiment était également partagé par Raven. Il devait être soulagé de constater qu’il n’avait blessé personne. De voir de ses propres yeux que les dommages causés étaient uniquement matériels. Mais la demoiselle Whitmore s’était totalement trompée sur cette hypothèse. On était très loin de la réalité de la situation. Elle avait été complètement pris au dépourvu, face à la réaction de son frère. Il l’accusait d’un fait qu’il n’évoquait pas. Il s’était retourné violemment vers elle, le visage déformé par la colère. Qu'imaginait il encore ? C’était officiel ! Raven avait réellement et définitivement perdue la tête. Est-ce qu’il y avait encore un quelconque espoir pour lui ? Rayden ne savait plus comment faire pour le raisonner. Comme si son problème de drogue n’était pas suffisant, maintenant, il imaginait des complots, des associations et des manigances entre les différents membres de sa famille. Alors que le seul but de sa sœur ou encore de Devon était de lui venir en aide. Mais il était évidemment que Raven ne voulait pas de l’aide et encore moins être sauvé. La jeune femme avait l’impression qu’il tentait de la punir pour son éloignement, son isolement après le décès d’Asher. Mais c’était des choses donc Rayden avait besoin même si c’était difficile à comprendre. Contrairement à sa frère, en dehors de la mort de sa vie sociale, la jeune femme ne s’était jamais mise physiquement en danger.

Raven attrapait encore une fois Rayden par l’épaule, comme il l’avait déjà fait plus tôt dans l’appartement. Leur petite interaction précédente ne lui avait pas servi de leçon. Mais contrairement à tout à l’heure dans la voiture en position assise, il était difficile pour la jeune femme de répliquer. Raven partait dans un nouveau délire. Il accusait Rayden d’avoir fait quelque chose, il la qualifiait même de monstre. Il l’accusait de l’inciter à se mettre une balle en pleine tête. Des propos qui terrifiaient la jeune femme. Il pensait réellement au suicide ? Son overdose n’était donc peut-être pas un accident. Avait-il concrètement tenté de mettre fin à ses jours ? Raven hurlait dans la voiture, complètement inconscient du risque d’interpeller les policiers dans la rue à quelques mètres d’eux. « Je ne comprends pas de quoi tu m’accuses Raven. Tu me fais peur ! Comment j’aurais pu faire quoi que ce soit ? J’étais chez moi et avec toi. » Rayden poussait Raven pour qu’il lui lâche l’épaule qui commençait à être douloureuse sous les dos de son frère La jeune femme posait chacune de ses mains sur les joues de son frère pour qu’il la regarde en face. « Écoutes moi bien ! Je n’ai rien fait ! Je suis de ton côté. En aucun cas, je veux que tu te foutes en l’air. Je suis peinée que tu puisses penser le contraire. Tu es mon frère, je t’aime et je ne souhaite que ton bien, même si je sais que tu ne dois sûrement pas me croire en ce moment. Si tu dis que tu as renversé quelqu’un ici, d’accord… On va appeler les hôpitaux de la ville pour avoir des infos. Mais c’est une bonne chose si tu fais erreur et que ta seule victime est cette boite aux lettres. Tu devrais t’en réjouir. » Elle lâchait son frère pour poser ses mains sur le volant. « On peut repartir sans que tu me sautes dessus ? » Dit-elle alors qu’elle voyait les policiers se rapprochaient de la voiture. Ils avaient certainement dû entendre les hurlements de Raven ou ils se demandaient ce qu’ils faisaient ici garé dans cette rue. Avant qu’ils n'atteignent la voiture, Rayden avait démarré la voiture pour reprendre la direction de son appartement.

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