Comme à son habitude, Moïra arrivait légèrement en avance au travail. Elle aimait bien prendre le temps de se préparer tranquillement, sans se presser si jamais une intervention devait se faire deux minutes après sa prise de service. Le temps, qu’elle se prépare l’autre équipe était présente et quand elle prenait congé, la demoiselle O’Hara était opérationnelle. Puis la jeune femme aimait bien savoir ce qui s’était passé la nuit ou la journée précédente, lorsqu’elle n’était pas service. Parfois la veille impactée sur la journée du lendemain. Aujourd’hui, c’était une journée totalement banale, mise à part que Moïra avait accepté d’être interviewée par une étudiante. La jeune blonde se demandait encore pourquoi, elle avait accepté de faire ça. Ce n’était pas comme si tomber enceinte à dix-sept ans était la meilleure chose qui lui soit arrivé. On ne pouvait pas non plus dire qu’un jour Moïra a été, la mère de l’année. C’était même tout le contraire. La demoiselle O’Hara sentait, qu’elle allait le regretter. Elle aurait mieux fait d’orienter l’étudiante vers la petite amie de son cousin Jake, Sanaa. Elle aussi avait eu un bébé à dix-sept ans et j’avais l’impression, qu’elle s’en était très bien sortie avec son petit Jaimie. En tout cas, Moïra était persuadée, qu’elle avait beaucoup mieux vécu cette expérience qu’elle. Même si contrairement à la jeune blonde, le père de son enfant n’a pas assumé sa paternité.

Moïra était en train de me servir un café, quand un de mes collègues arrivait avec la fameuse étudiante. « Bonjour, Mademoiselle Lewis. Vous pouvez m’appeler par mon prénom, Moïra. Je vous en prie. Oui, bien sûr, nous avons des endroits tranquilles ici. Est-ce que vous voulez un café ? » Demandait Moïra. Après avoir obtenu la réponse d’Elana, la demoiselle O’Hara allait vers une petite salle où se tenait parfois des réunions. « On devrait être tranquille ici. » Moïra tirait une chaise et s’installa. « Je m’excuse d’avance, si l’alarme sonne pour une intervention qui nécessite l’ambulance ou que j’ai un appel à la radio. Je serais dans l’obligation de répondre ou de m’absenter. Je n’ai pas de collègue qui peut me remplacer. » Moïra préférait la prévenir à l’avance puisque ça pouvait arriver à tout moment. On ne pouvait pas prévoir à l’avance. « On peut commencer quand vous voulez. »

La jeune journaliste était arrivée pile à l’heure à la caserne. Moïra apprécie la ponctualité. Comme tout bon hôte, la demoiselle O’Hara proposait un café à son invité. Elle lui servait la tasse qu’elle avait accepté avant de rejoindre une pièce calme où l’interview pourrait se faire en toute tranquillité. La jeune ambulancière préférait prévenir avant tout que l’interview pourrait être écouté à n’importe quel moment. C’était l’aléa du métier, on ne pouvait jamais prévoir à l’avance, quand il aurait besoin d’une ambulance ou des pompiers. Comme Moïra s’y attendait, la jeune journaliste comprenait. En même temps, il fallait être tordu pour ne pas comprendre qu’il y a peut-être des vies en jeu. À la différence d’une interview, une intervention ne peut pas attendre. Une fois, cela dit, la demoiselle O’Hara n’avait rien de plus à ajouter mise à part, qu’elle était prête pour l’interview. Elana demandait si elle pouvait enregistrer l’entretien. Moïra réfléchit quelques secondes et répond. Normalement, elle ne dirait rien qui pourrait se retourner contre elle. « Non ça ne m’embête pas. »

La première question d’Elana était plutôt simple. Moïra devait seulement dire qui elle était. « Je m’appelle Moïra Winnie O’Hara. J’ai 27 ans. Je suis ambulancière. Pendant mes jours de congé, j’adore cuisiner, en particulier faire des pâtisseries et j’en fais profiter mes collègues. » Mise à part cela, la jeune femme n’avait pas de réelle passion ou d’autres loisirs. « Ma vie actuellement et comment je l’imaginais n’est pas très différente. Je fais le métier que j’ai toujours voulu. J’ai toujours voulu faire carrière dans le paramédical ou médical. Je rêvais d’avoir un enfant. J’ai une fille de dix ans, je l’ai simplement eu plus tôt que prévue. J’ai imaginé être marié au père de mon enfant. C’est arrivée, mais nos chemins se sont finalement séparés. Ce qui arrive à de nombreux couples. » Moïra allait éviter de dire qu’elle n’aurait jamais imaginé souffrir de dépression. D’être encore sous traitement pour ne pas replonger. Qu’elle était souvent suivie par un psychiatre et un psychologue pour être certain, qu’elle pouvait exercer correctement son métier sans mettre quiconque en danger. Qu’elle n’aurait pas non plus imaginé renoncé à son couple, à sa vie de famille pour finalement être avec un homme qui s’est avérait être violent. Un homme qui en plus de la battre pendant quatre ans, lui a détruit sa confiance en elle, son estime de soi. À cause de lui, Moira était très méfiante, elle n’accordait sa confiance à personne et ne s’ouvrait plus aux autres. Elle était renfermée sur elle-même.

Elana prenait quelques notes au fur et à mesure que Moïra se présentait. Elle avait dit, les premières choses qui lui étaient venues en tête. Ce qui pour elle, semblait plus ou moins important ainsi qu’intéressant. Volontairement, elle ne rentrait pas dans les détails et elle éviterait les éléments, qui pouvaient être gênants. Il y avait des choses, qu’elle préférait garder pour elle. Des choses que seuls ses proches et personnes de confiance savaient à son sujet. Comme par exemple, la maladie dont elle souffrait. Elle savait, que si certain collègue apprenait, qu’elle était sujette à la dépression, ils ne lui feraient probablement pas confiance sur le terrain ou pour leur santé. Les préjugés avaient parfois la vie dure. Puis au final, ça pouvait entacher sa carrière et son avenir professionnel.

La jeune journaliste poursuivait l’interview en posant des questions à propos de la fille de Moïra, Gabrielle. « En effet, elle est magnifique. Mais je suppose que toutes les mères disent ça à propos de leur fille. Je pense que pour elle, ça n’a pas vraiment de conséquence d’avoir des parents plus jeunes que la moyenne. Puis avoir un enfant nous force à gagner en maturité et devenir rapidement adulte. Elle est au courant de l’histoire de sa naissance, elle sait que son père et moi n’étions qu’au lycée quand elle est née… » Moïra marquait une petite pause avant de répondre à la suite des questions en buvant une gorgée de son café. « Les circonstances de ma grossesse ? Vous pouvez être plus précise ? Vous voulez savoir comment je l’ai vécu ? » La demoiselle O’Hara voulait être certaine d’avoir bien compris le sens de l’interrogation.

C’est assez rapidement que Moïra s’était présentée. Elle avait également répondu à toutes les questions, qu’avait posées Elana jusqu’à présent. La demoiselle O’Hara demandait plus de précision à propos de sa dernière interrogation. La jeune blonde ne voulait pas répondre à côté de la plaque. Puis elle ne savait pas combien de temps, elle avait à accorder à la jeune journaliste. Une intervention pouvait survenir à n’importe quel moment. Les deux jeunes femmes n’avaient donc pas le luxe de perdre trop de temps. Surtout, si Elana voulait une interview complète. La question de la jeune Lewis était maintenant plus clair pour Moïra qui pouvait maintenant répondre avec sincérité à cette question. « Tomber enceinte à 17 ans, ça été très effrayant pour moi. Comme pour n’importe quelle jeune femme de cet âge, je suppose. Je n’étais qu’une enfant, qui savait tout juste s’occuper d’elle-même. Je ne savais pas, comment je ferais et saurais m’occuper d’une nouvelle vie, d’un tout petit bébé, d’un être aussi fragile. Mais j’ai eu la chance d’être soutenue par mes parents, même s’ils n’ont pas sauté de joie en apprenant la nouvelle. J’ai été aussi très chanceuse d’avoir un petit ami qui a assumé ses responsabilités. Ce qui est rare à 17 ans, la plupart des ados de cet âge aurait sûrement pris la fuite. Lui aussi a eu le soutien de ses parents qui étaient aussi assez jeunes quand ils ont eu leur premier enfant. On a été très chanceux d’avoir des familles aussi compréhensibles et formidables. On a fait de notre mieux pour gérer tout ça et être de bon parent. » Tout se passait bien, jusque son couple avec Logan commence à battre de l’aile et que la pression d’être parent soit trop dure à supporter pour Moïra. Ce qui a révélait sa plus grande fragilité et ce qui a entraîner ses plus grandes erreurs. Des éléments que la demoiselle O’Hara passerait sous silence. Peu de personne était au courant et s’était préférable ainsi. Elle savait que ce n’était pas de sa faute, qu’elle était malade. Mais sa phase de dépression et son séjour dans un centre spécialisé pendant près de deux ans, rester sa plus grande honte. Du moins, en dehors du fait d’avoir abandonné lâchement sa famille après sa convalescence persuadée que Gabrielle et Logan étaient bien mieux et plus heureux sans elle. Aujourd’hui, elle savait qu’elle s’était trompée…

Elana devenait de plus en plus précise dans ses questions, elle commençait à creuser. Quant à Moïra, elle essayait de répondre aux interrogations en étant le plus honnête possible. Évidemment, elle ne donnait pas tous les détails de sa vie. Elle avait accepté cette interview, mais pas d’exposer toute sa vie en public. Elle ne souhaitait pas non plus dévoiler des détails, qu’elle cachait pour des raisons plus ou moins évidentes. Certaines choses pourraient détruire l’opinion qu’ont les gens d’elle ou même sa carrière professionnelle. La demoiselle O’Hara n’était pas prête à perdre tout cela simplement pour la bonne note d’une étudiante en journalisme. « Être un bon parent, je pense que c’est offrir ce qu’on a de meilleurs. Beaucoup d’amour, de soutien, une bonne éducation, de l’attention, tout ce qu’il peut avoir besoin… Non, on n’a pas pensé à l’avortement ou à l’adoption, bien que j’aie moi-même été adoptée. On a pris à deux, la décision de garder le bébé et de l’élever ensemble, même si on a fini par se séparer. » En effet, Moïra a été adoptée à l’âge de deux ans par la famille O’Hara tout comme Maddox. Tous les quatre forment une belle famille unie bien qu’ils n’aient aucun lien de sang. Mais ce n’était pas le plus important. La véritable famille de Moïra, c'est les O’Hara et elle n’a jamais éprouvé le besoin de chercher ou de connaître sa famille biologique.

Des regrets, la demoiselle O’Hara en avait des tas. Mais elle ne souhaitait pas les évoquer. Les seules personnes qui les connaissaient, c’était son confident de toujours son frère adoptif Maddox, Logan, le père de sa fille et sa fille, Gabrielle. Les autres n’avaient pas besoin de savoir. Sans la moindre hésitation, Moïra répondait à la question d’Elana. « Non, je n’ai pas de regret particulier. Si elles ne veulent pas être dans la même impasse. Je pense simplement qu’il faut simplement être prudente et ne pas tomber enceinte tant qu’on n’est pas prête et qu’on ne l’a pas décidé. » Pour la jeune blonde, il n’y avait pas de solution miracle. Forcement, on sera dans une impasse si quelques choses d’aussi gros nous tomber dessus sans être préparé.