Les tatouages étaient une vraie passion pour Rayden. Elle adorait cela et elle en avait une multitude sur le corps. Chacun des dessins qu’elle se faisait graver sur la peau avait une signification particulière pour elle. Aucun de ses tatouages n’avait été fait au hasard sauf peut-être le tout premier. Il s’agissait d’un agneau qu’elle avait dans le dos, elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait fait ce choix. Elle aime les agneaux, c’est un animal qu’elle trouve adorable, mais il n’y avait rien de plus. La jeune femme avait songé à se le faire retirer. Mais finalement, elle avait décidé de le garder tout simplement parce qu’il s’agissait du premier et qu’il avait ouvert la voie aux autres. Il avait été celui qui avait éveillé l’amour qu’avait Rayden pour les tatouages.

Aujourd’hui, la demoiselle Whitmore avait pris rendez-vous chez L.A Ink & Percing. Elle souhaitait faire des retouches sur l’un de ses tatouages. Le coucher de soleil qu’elle avait sur le bras, elle trouvait que les couleurs s’estompaient et qu’elles étaient ternes. Elle espérait qu’ils sauraient arranger ce tatouage. Rayden avait également des questions sur un futur tatouage qu’elle comptait faire. Un tatouage qui serait synonyme de renaissance et d’un nouveau départ. Un tatouage qui lui permettrait de tourner une page et à masquer en quelques sortes un passé douleur par bien des manières.

Une jeune femme accueillait Rayden et la dirigeait vers une salle où se trouvait la personne chargée des tatouages. Il s’agissait d’une blonde souriante, elle se présentait chaleureusement. La demoiselle Whitmore se sentait déjà en confiance. Elle lui serait la main pour la saluait en se présentant à son tour. « Je m’appelle Rayden. Oui, je suis venue pour des retouches. » Elle relevait sa manche pour dévoiler le tatouage en question. « Ça serait pour réveiller un peu les couleurs que je trouve triste et fade. »

Rayden a été accueilli assez rapidement par la tatoueuse des lieux. Après des présentations rapides, la cliente expliquait la raison de sa venue et qu’elle attendait de cette entrevue. La demande de la demoiselle Whitmore avait l’air réalisable pour son plus grand bonheur. Un petit coup de neuf sur ce tatouage ne ferait pas mal et ça pouvait peut-être lui rendre le moral ou au contraire la rendre mélancolique. Rayden s’était contenté de dire « Merci » lorsque Erika complimentait son tatouage. Elle avait poursuivi en commentant les couleurs avant de demander la signification du tatouage. « À l’origine, le coucher de soleil est le moment de la journée que je préfère. Je trouve que c’est un moment plein de magie et qui représente en quelques sortes le rêve… » Elle marquait une légère pause avant d’ajouter. « Aujourd’hui, c’est pour une personne que j’ai perdu. » Cette personne, c’était évidemment Asher, on en revenait toujours à lui. Malgré les années, Rayden n’arrivait pas à tourner la page, il hantait constamment ses pensées. Il lui avait été arraché trop rapidement et trop brutalement au moment où sa famille vivait déjà un drame. Comme si cette année-là les Whitmore n’avait pas eu assez de perte avec la famille de Devon… L'année a été très éprouvante.

Pour revenir au coucher de soleil, aujourd’hui, il lui rappelait Asher pour la simple et bonne raison qu’ils l’observaient souvent ensemble. Ils se rejoindraient souvent en fin d’après-midi également, mais c’est aussi sous un coucher de soleil qu’ils lui avaient demandé sa main. C’était leur moment à eux. Comme l’avait dit Erika, le soleil signifiait la vie, mais également la mort, le cycle de la vie, une renaissance. Rayden se plaisait à croire que cette renaissance se ferait dans une autre vie qui se déroulait après la mort. Un monde où elle retrouverait Asher. Mais c’était certainement utopique, il pouvait tout aussi bien avoir le néant après cette vie.

Après avoir consulté son agenda, Erika proposait de se mettre au travail immédiatement. Rayden n’avait rien à faire également. Elle avait sa journée de libre, c’est pour cette raison d’ailleurs qu’elle était passée. Ça tombait bien qu’elle est de la place aujourd’hui. « Tout de suite, c’est parfait. » Rayden suivait donc Erika pour commencer les retouches de son tatouage.

On dit que la douleur et la tristesse s’estompent avec les années. Mais Rayden commençait à avoir des doutes à propos de cette affirmation. On apprenait à vivre avec, mais la souffrance était toujours aussi présente. Asher hantait constamment l’esprit de la demoiselle Whitmore. Pas un seul instant, elle cessait de penser à lui. À chaque fois qu’elle l’évoquait, elle avait l’impression qu’on lui arrachait le cœur. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle cesserait de parler de lui. Elle savait qu’à travers ses mots, il continuerait à vivre. Rayden ne supporterait pas qu’il soit oublié. D’ailleurs, elle l’avait également marqué sur son cœur, elle avait la lettre A gravé sur son bras et ce coucher de soleil même si à l’origine ce tatouage n’était pas pour lui. Mais avec le temps et les années la signification de celui-ci avait changé. Il était passé d’un moment joyeux et magique, à un moment plein de mélancolie et de tristesse. Apparemment, Erika aussi comprenait la peine que faisait de perdre un être cher. Elle était triste de l’apprendre. C’est une tragédie que Rayden ne souhaitait à personne, pas même à ses pires ennemis. C’était beaucoup trop douloureux. L’ex-militaire sourit aux mots d’Erika qui disait qu’elle rendrait au tatouage sa beauté des premiers jours. « Je vous fais entièrement confiance. » Elle laissait la tatoueuse consulter son agenda pour qu’elle une disponibilité pour réaliser les retouches. Au plus grand plaisir de Rayden, Erika semblait avoir de la place dès maintenant pour réaliser cette tâche. L’urgentiste ne travaillait pas aujourd’hui et elle n’avait rien de prévus pour la journée.

La demoiselle Whitmore suivait la tatoueuse et s’installait à la place, qui lui était destiné. Elle relevait assez haut sa manche pour qu’Erika puisse travailler sans être gêné. « Les couleurs déjà existantes. Je pense qu’il est bien assez coloré sans en ajouter davantage. » On disait souvent que le mieux était l’ennemi du bien. Donc elle préférait se contenter de ce qui était déjà présent. « Vous faites ce métier depuis combien de temps ? » Avant de se rendre dans ce salon, Rayden avait fait quelques recherches. Elle avait vu que ça faisait quelques années que ce salon avait ouvert. Mais ce n’était pas précisé si l’équipe avait changé ou pas au cours des années. Mais il n’y avait que des avis positifs sur cet établissement.

Rayden avait comme projet de se faire un nouveau tatouage. Mais il était important aussi bien sur sa taille que sentimentalement. Il recouvrerait une grande partie de son corps. Une zone assez sensible puisqu’il s’agissait de son dos. La source de bon nombre de ses maux et de ses tourments. La demoiselle Whitmore voulait couvrir la cicatrice qui y trônait et qui lui rappeler tant de souvenirs douloureux. Elle aimerait ne plus la voir et pouvoir porter des vêtements sans avoir la crainte qu’elle soit visible. Sans que cette cicatrice suscite tant de questions. Rayden n’aimait pas en parler. Elle le faisait déjà dans ses groupes de paroles, chez les vétérans et chez son psy. Elle estimait que c’était bien assez suffisant sans que des inconnus jouent les curieux. Elle savait que cette cicatrice ne disparaîtrait jamais. Mais si elle pouvait être estompée par de l’encre pourquoi pas ne pas tenter le coup. Questionner la tatoueuse à ce sujet ne lui coûtait rien. Puis ne disons-nous pas qui ne tente rien n’a rien ? Il fallait prendre des risques.

Avant de confier une telle tâche aussi ardue à Erika, Rayden voulait juger son travail. Elle le faisait en lui confiant une tâche qu’elle estimait assez simple. Mais peut-être bien, qu’elle se trompait. Après tout, elle ne connaissait rien au métier de tatoueuse, donc elle ne devrait peut-être pas juger. La demoiselle Whitmore lui demandait de raviver la couleur d’un tatouage déjà existant. Avec les années, celui-ci avait perdu de son éclat. Il s’agissait de l’un de ses premiers tatouages et le seul qui était coloré. Tous les autres étaient faits uniquement à l’encre noire et avec des jeux d’ombres. Rayden aimait la simplicité. Erika commençait le travail en demandant à sa cliente si elle voulait plus de couleurs ou rester sur celle déjà existante. Cette dernière choisit la seconde proposition. Les couleurs déjà présentes lui convenaient amplement, elle voulait seulement leur donner un peu plus de peps, si elle pouvait dire cela ainsi.

Rayden questionnait Erika sur son expérience professionnelle. Elle voulait savoir à qui elle confiait sa peau. Mais c’était toujours plus sympathique de faire les choses en discutant un peu au lieu d’avoir un silence pesant dans la pièce avec le seul son du dermographe. Quatre années, c’était déjà une jolie expérience. Erika questionnait à son tour Rayden sur sa profession. « Je suis médecin urgentiste. Ça fait un an que je suis titulaire à l’hôpital de Venice. » Reprendre le travail, après sa convalescence et le décès d’Asher a été une étape assez difficile et importante pour la jeune femme. Mais elle y était parvenue et elle faisait du bon travail. Du moins, c’est ce qu’elle pensait. Aucun de ses patients ne s’était plaint jusqu’à maintenant et ça ne devrait pas être le cas.

Erika s’arrêtait un petit moment et touchait du doigt l’une des nombreuses cicatrices de Rayden. Celle-ci se trouvait tout près et en partie sur le tatouage sur lequel, elle travaillait. La jeune femme lui rend son sourire avant de répondre à sa remarque. « Ne vous en faites pas, cette cicatrice n’est plus douloureuse depuis des années. Vous pouvez y aller. » C’était une bonne chose, qu’elle s’en souciait et qu’elle prévienne le client. Ça plaisait plutôt bien à Rayden peut-être pourrait-elle lui confier le projet de tatouage qu’elle avait pour son dos. « Je vais vous poser une question un peu étrange. Est-ce que vous avez déjà tenté de couvrir une cicatrice bien plus importante que celle-ci… » Dit-elle en désignant la cicatrice qu’elle venait de toucher. « … Avec un tatouage ? »

Les tatouages étaient une passion que Rayden partageait avec l’un de ses grands frères, Raven. Un frère qu’elle n’avait pas vu depuis un moment et dont elle avait du mal à obtenir des nouvelles. Bientôt, il ne laisserait pas d’autre choix que de venir frapper à sa porte ou à débarquer sur son lieu de travail. Elle n’avait pas d’autre solution pour s’assurer qu’il allait bien et surtout qu’il était toujours en vie. Raven était celui qui avait initié Rayden au tatouage, c’était lui qui lui avait offert son premier. Ensuite, la jeune femme en était presque devenue accro en les multipliant. Mais elle était encore bien loin d’égaler son frère en matière de quantité de tatouage. D’ailleurs, elle n’avait pas la moindre intention de l’égaler un jour. D’autant plus que Rayden avait l’impression que Raven se cachait derrière sa masse de tatouage. Elle trouvait vraiment dommage qu’avec Raven ou même Devon, ils ne puissent plus parler comme avant. La complicité et honnêteté étaient bien loin derrière eux.

Alors qu’Erika ravivait les couleurs du tatouage solaire de Rayden, les deux femmes parlaient de leur carrière respective. « J’ai toujours été urgentiste. Mais avant, je travaillais dans l’armée. J’ai fait mon internat sur le terrain. J’ai eu un arrêt forcé, il y a cinq ans. J’ai réellement repris le travail, il y a un peu plus d’un an.» La demoiselle Whitmore s’estimait d’ailleurs très chanceuse qu’avoir trouvé un poste de titulaire aussi rapidement. Elle était encore plus chanceuse de l’avoir trouvé dans la ville et l’hôpital qu’elle souhaitait. Maintenant son rôle était de garder ce poste et de faire le meilleur travail possible. Rayden n’a jamais réellement arrêté d’exercer. Elle faisait seulement ce que son état et sa convalescence lui permettait de faire, ces cinq dernières années. Ce n’était pas grand-chose au départ, mais c’était beaucoup mieux que rien et ça l’aidait moralement. 

Erika avait prévenu Rayden que le passage de l’aiguille sur la cicatrice qu’elle avait au bras pouvait être douloureux. Une remarque qui mettait en quelque sorte, l’urgentiste en confiance. Elle lui posait donc une question qui lui trottait dans l’esprit depuis un moment. Elle avait le souhait de masquer sa cicatrice dans le dos avec un tatouage. Mais elle ignorait si c’était quelque chose de réalisable. La demoiselle Whitmore ne s’attendait pas ce que la tatoueuse parle de sa propre expérience. Elle n’avait pas remarqué qu’elle portait également des cicatrices. Rayden ne se serait jamais permis de questionner à ce propos. Elle savait que c’était quelque chose de très personnelle. Elle était aussi très bien placée pour savoir que les cicatrices étaient le synonyme de souffrance qu’on voudrait souvent oublier. Mais ses marques sur notre peau nous rappeler la douleur en permanence. C’est pour cette raison que Rayden voulait faire disparaître la plus douloureuse d’entre elle sous de l’encre. « Merci, vous n’étiez pas obligé de me raconter tout ça. C’est quelque chose que j’aimerais faire. Pour cette cicatrice, c’est un pur hasard. Je n’ai pas cherché à la masquer. C’est une cicatrice vraiment plus importante que celle-ci que j’aimerais couvrir. »