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 Dancing on a wire, both ends on fire 

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MessageDancing on a wire, both ends on fire écrit Mar 6 Juil - 13:38
Dancing on a wire
@raffaella luci & ciaran yeats
Il n’y a plus de musique, il n’y a que du silence, dans la salle de danse désertée par les corps nubiles qui s’y enchevêtraient. La compagnie est au repos, le temps d’un souffle trop long, de deux heures uniquement, et Ciaran erre dans les couloirs, au travers des pans de murs escamotables et des rideaux de velours noir. Aujourd’hui, sa démarche est plus lente, il doit compenser la douleur lancinante que sa jambe élance entièrement. Parfois son genou brisé le torture, alors que le médecin lui dit, chaque fois qu’il le voit, que la douleur ne devrait plus être aussi intense. Mais la douleur est bien là, un aplat pourpre sur chacun de ses regards froids, alors que vêtu sobrement, d’un pantalon lâche et d’un simple t-shirt, il continue de déambuler. Il continue de se torturer. Elle n’est pas venue les jours précédents, et il l’attend, comme à chaque fois, pour l’entraînement privé. Le chorégraphe s’est dévolu à son étoile, depuis qu’elle a intégré le L.A.D.R. S’il ne fait qu’assister aux répétitions de groupe, et donne vaguement quelques instructions glacées dans l’air embrumé par la musique de Tchaïkovsky, ses séances avec elle sont en particulier, ce qui vaut à Raffaella bien des jalousies, de ces danseuses plus jeunes qu’elles, et parfois même plus brillantes techniquement, qui aimeraient recueillir la solitude du maître. Ciaran n’a de solitude que celle qu’il partage avec ses souvenirs déchus, et ces quelques minutes parfois qu’il réapprend dans la flexion des muscles de Raffa. Parfaite, trop parfaite, trop enfoncée dans son délire avec l’alcool et des ténèbres qui demeurent opaques, qu’il a cherché à lui arracher il y a quelques mois, quand elle s’est enfin donnée à lui, et que l’oubli fut enfanté par la couche froissée de leurs amours maudites. Des mots depuis, trop ténus, jusqu’à ce qu’il la confronte il y a plus d'un mois, et qu’elle nie tout ce qu’il avançait, jusqu’à ne plus reparaître du tout devant lui. Depuis, la solitude est nue, éternelle note qui s’ébat entre les hauts murs de cet immeuble réaménagé sur Venice Boulevard. L’air extérieur commence à chanter la dureté d’un été caressé par la mer, mais ici il fait toujours plus froid. Il a froid lui-même, Ciaran, et il frissonne un peu, de n’avoir pas pu lui présenter ses excuses alors qu’il lui a hurlé dessus, et qu’il l’a gratifiée d’une mépris dur, et tranchant. Visage infernal qu’elle a distingué pour la toute première fois, celui que tant d’autres dépeignent sous l’entremise de quelques confidences…

Il entend son pas, et saisit sa silhouette par le biais des miroirs qui courent sur la longueur de la salle de danse, elle est vêtue, comme pour répéter, et se tient à distance. Son regard se rive au sien, ou plutôt à celui de son reflet, et il demeure muet, avant que le murmure ne semble s’excaver de son corps, murmure profond, où le désespoir ne cherche guère à se maquiller. Tu as fini par revenir. Revenir, lui revenir, voilà ce qu’il sous-entend. Il a rencontré Raffa juste après s’être installé à Los Angeles, il l’a trouvée charmante, mais c’est lorsqu’elle a dansé pour la première fois qu’il s’est abîmé dans un trouble qui depuis ne l’a jamais quitté. Depuis, il continue de lui demander, plus que sa technique impeccable, plus que sa contrition, il veut la vérité, exposer la fêlure béante qui parfois vacillait dans ses regards assombris par un passé qu’il ne connaît guère. Relation professionnelle, éminemment charnelle, parce que sous l’aplomb de ses mots, son corps ployait. Une seule fois, une seule nuit cependant, où il a su la séduire, il ne sait pas pourquoi, ni comment, car il était lui-même habillé par le deuil d’une vie qui continue de le trahir à chaque pas. Il n’a jamais dansé avec elle, il n’a jamais osé aller jusque là. Depuis des années, depuis le drame, il ne danse plus, il ne fait qu’entretenir des muscles qu’il sculpte sans plus jamais devenir celui que l'on reverrait pour la force qui émanait de lui, dans le mouvement, agressif et sensuel. Je t’ai attendue des jours durant, Raffa. Son prénom est doux sur sa langue, mais le reproche est bien là, niché dans le creux de sa voix, de ses prunelles aussi. Ils ont beaucoup trop à rattraper déjà, car le spectacle n’est que dans quelques mois.
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Dernière édition par Ciaran Yeats le Jeu 8 Juil - 10:28, édité 2 fois
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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Mer 7 Juil - 17:21
Dancing on a wire
Perdue dans ses pensées, elle deambule dans les couloirs de la compagnie, regardant les portraits des grands danseurs du 20e siècle. Autant de cadres colorés de noir et blanc qui rappellent que l'excellence est à portée de main et que c'est ce que l'on cherche entre ces murs. Mais l'excellence, Chiara ne connaît pas ça. Chiara est le fruit abandonné d'un couple qui a jugé qu'elle ne méritait pas leur amour. Tout comme Raffaella. Sauf que le destin a visiblement décidé de tout donner à l'une et de tout voler à l'autre. Même dans son royaume de la rue, Chiara a fini par déchanter. La bombe a explosé... à ses propres frais. Et aujourd'hui, elle doit vivre par procuration, puisant ce qu'elle est dans les histoires que sa jumelle a bien voulu graver sur le papier de plusieurs cahiers en cuir dont la reliure s'est usée sous les doigts curieux de Chiara.

《 [...] leur vie est tellement insipide. Et le volcan de leurs envies me tue à petits feux. Des écoulements de lave qui brûlent sous mes pieds. Des lueurs dans leurs yeux à chaque pas que je fais,  à chaque danse que j'effectue. Des lueurs dans ses yeux. Car il me dévore, me consume, m'achève.  》

Il. Ce "il" qui revient un peu partout. Ce "il" qui hante les pages des journaux de Raffaella. Jamais nommé mais tellement présent, tellement pressant.

Et si elle se doutait de qui était cet homme, Chiara avait besoin de s'assurer de cela. Une date était encerclée dans l'agenda. cours avec lui, lundi 21 juin. C'était une certitude alors. Elle devait aller à ce cours. Tous les journaux devaient être lus d'ici là.

Les lignes passent dans sa tête tandis que les profils défilent sous ses yeux. La porte de la classe s'ouvre, et il est là. C'est bien lui. sa voix resonne dans le local de danse. Sans qu'il ne la regarde, Chiara voit son visage reflété dans les miroirs qui ornent tout le contour de la pièce. "Revenir sous-entends que j'étais partie." Froide, elle endosse la personnalité de sa sœur. Elle n'est plus Chiara, elle se doit d'être Raffaella. Elle le leur doit à toutes les deux. "C'est bien. J'aime me faire désirer." Elle regrette instantanément cet elan de force qui l'a prise. Elle doit être plus douce, plus renfermée. Les flammes du volcan, ca doit provenir des autres, pas d'elle. Le feu ne caracterise Raffa, comme il dit, que sur la poste de danse. "Je n'ai plus envie de revenir sur le passé.  Alors passons directement à l'entraînement." Distante, elle sent qu'elle est plus proche de celle qu'elle doit incarner. Ses yeux se baissent vers ses pieds muselés avec des fils qu'elle a essayés au cours des derniers jours. Elle tend son pied droit exactement comme le journal de Raffaella lui a appris qu'elle le faisait. Un tic de perfectionnisme qui agaçait celle qui le faisait avant chaque performance. Un tic qui caractérisait aussi son besoin de tout contrôler, jusqu'à son propre corps.
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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Mer 7 Juil - 20:42
Dancing on a wire
@raffaella luci & ciaran yeats
Le contrôle. Tout est toujours une question de contrôle, sur soi, sur les autres, sur le monde que l’on cherche à façonner, et qui finira toujours par engloutir nos envies, et tous nos avenirs. L’avenir, il le voit, à chaque pas qu’elle fait dans sa direction, et le contrôle verrouille de nouveau sa posture, il se tient droit, appuyant sur ce genou indocile, la douleur lancinante est comme un cri muet, qui meurt lentement dans sa tête. Il la goûte, elle lui laisse des relents de parjure sur la langue, ces mots et ces non-dits, balancés, criés aussi. Jamais il ne s’était emporté avec elle, jamais il n’avait osé. Certains ont entendu l’éclat sans en comprendre le sens, et des rumeurs courent, des rumeurs couvent, comme l’onde qui bruisse alors que le feuillage la caresse. Et il ne sait plus aujourd’hui, s’il est l’onde, ou bien l’arbre, les racines ou la frivolité d’un torrent qui creuse le tombeau des êtres éternels, dans la terre qu’il ronge. Le contrôle est peut-être dans tout son corps, tandis qu’il la regarde approcher, mais il ne s’éprend pas de son regard, qui la brûle et la brave, aussitôt que les reflets s’entrecroisent. Il se souvient de sa chair, un rêve éveillé qui l’étrangle et lui donne des allures sérieuses, et blêmes. Le silence est toujours un départ. Et le renoncement aussi. Il inspire en fermant les paupières une seconde uniquement, et dans ses yeux noirs ensuite, les troubles se distancent, la froideur lui revient, ou bien les reflets de ses regrets accumulés. Il fronce des sourcils quand la remarque détonne, jamais Raffaella n’a été provocante avec lui, jamais elle n’a essayé justement de se faire désirer. Et pourtant, il l’a désirée la première fois qu’il l’a vue. Non, tu n’aimes pas ça. Un constat plat, qui vient contredire ses mots, qu’il prend pour une manière de le défier un peu plus. La suite d’ailleurs ne le surprend pas, et s’il dessine un geste dans l’air, comme pour lui dire quelque chose, lui avouer son désamour ou son désarroi, il ne poursuit pas. Son bras retombe le long de son corps trop maigre, et il ne fait que ponctuer : Bien. Mais rien ne l’est, et peut-être même que rien ne le sera plus jamais. Ciaran passe une main dans ses cheveux pour chasser la tension qui demeure dans ses épaules, et la regarde se placer, de cette façon qu’elle a toujours eu de le faire, ce perfectionnisme qui parfois les fait se rencontrer et trop souvent les oppose. Tu t’es suffisamment étirée ? Une question rhétorique alors qu’il poursuit : On reprend au moment du second mouvement, juste après la première rencontre avec Siegfried. La musique ne retentit pas dans la salle, elle est dans leur tête, et dans leurs rêves, ils en ont discuté des heures, de chaque pas, de la chute également, la plus sombre qui soit. Forcément, Ciaran a sélectionné la fin qui fait qu’Odette se suicide, tragédie qui lui rappelle ses amours déchues, celles qui furent pour elle, en elle, l’espace d’une seule nuit, et qui continuent de l’agonir aujourd’hui. Ses amours sont les flammes du désir et de la possession, rien de pur, rien de beau, qui jamais ne l’habite. Il la laisse évoluer, sur le parquet ciré, la regarde comme chaque fois, comme s’il la découvrait, le chorégraphe sait saisir des détails qui lui ont toujours échappé, mais aujourd’hui, c’est différent, Raffa semble ailleurs, habitée par des pensées qui perturbent sa performance. On en a déjà parlé, Raffaella. Ici, tu te nourris de ce que tu expérimentes en dehors, mais tu ne te laisses pas entièrement posséder. Il y a une tonalité amère dans ses propos, et dans l’absence de ses sourires. Il la contourne, lui laisse de l’espace, mais la regarde directement cette fois-ci. Ta posture est trop raide. Je n’ai pas besoin d’une petite fille parfaite. Juste rétribution à leur joute précédente, et aussi dureté d’un maître qui ne lui passe jamais rien… Si ce n’est que Raffa, il ne l’a pas abandonnée, ni donnée au réseau monstrueux qui s’étend sous ses pieds. Il ne l’a pas reniée. Pas comme elle l’a fait.
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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Ven 9 Juil - 14:23
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《 Il insiste. Il persiste. Il veut savoir pourquoi je prétends que nous ne nous sommes pas donnés l'un à l'autre. Il ment et confond ses rêves avec une réalité qui n'a jamais existé. Et je souffre de ce que je ne peux lui donner. Car dans son regard et uniquement dans son regard, je me sens vivre. Mais il est impossible de lui céder ce qu'il me demande. Car me donner à lui, ce serait me trouver et me perdre. Il ... ce "vous" que je ne saurais jamais apprivoiser.  》

Les mots de Raffaella tournent dans la tête de sa soeur, trouvant sans le vouloir du sens dans cette monstrueuse force que la décédée voyait en son prof. Et si elle comprend que Raffaella le vouvoyait pour maintenir la distance, Chiara se sent incapable de le garder aussi loin d'elle avec le verbal. Car cette femme qui s'est offerte à lui, c'est elle. Et la proximité de cette nuit pleine d'une passion qu'elle comprend désormais lui rend impossible de jouer de trop avec les verbes et les mots. "Partir sous-entend que j'étais là de prime abord." Elle claque sa langue sur son palais, déguisant son ton tranchant dans une amertume qu'elle associe à sa soeur. Mais il n'y a pas de leurre, Chiara sait anticiper les coups et prévoir comment mettre à terre ses adversaires. Sa première réplique était uniquement destinée à pouvoir glisser la seconde. "Tu ne me connais pas si bien que ça." Et le tutoiement qui lui échappe alors qu'elle est persuadée que Raffaella ne le tutoie pas. Mais c'est trop tard. Elle y avait pensé pendant des heures, se demandant quelle attitude adopter. Et voilà que c'est sorti tout seul. Elle soulève un sourcil quand il lui demande si elle est suffisamment étirée. L'envie de feuler lui vient mais elle sait pertinemment bien que la déprimée dont elle a endossé la vie aurait sûrement jeté un regard méprisant à son prof et se serait tue. C'est donc ce qu'elle fait. Elle fait quelques pas sur le parquet, tentant de se rappeler des notes qu'elle a lues concernant ce passage qu'il aime tant et qui fait grincer des dents la danseuse experte. La novice est aux abois, elle tente quelques figures mais il a raison, elle est terriblement raide. "De quoi as-tu besoin exactement?" Elle s'interrompt et le regarde en se forçant à ranger son hostilité pour n'être que douce, que brisée. Elle revient, quittant avec soulagement cette piste de danse trop cadrée pour elle et ses pulsions vibrantes. Elle s'adosse au piano à queue du studio et se masse la nuque doucement avant de lancer "Ca fait des semaines que tu es insatisfait. Soit ça vient de moi, soit c'est la chorégraphie. Mais autant se rendre à l'évidence, une des deux ne te convient pas. Je te suggère de changer l'élément qui te déçoit plutôt que de continuer à nous acharner ainsi." Chiara souffre d'ainsi prendre sur elle. Mais elle espère que ce stratagème fonctionnera. L'idéal serait qu'il change d'étoile cependant l'histoire qui lie Ciaran et Raffaella semble trop étriquée, trop intense, pour qu'il renonce à elle ainsi. Et une part malsaine d'elle désire s'immiscer sans cette histoire et y goûter. "Tu peux faire mieux que ça." Elle s'adresse à lui comme si elle le connaissait. Elle titille son ego, élément commun à tous les mâles dominants, et attend qu'il se plie à ses manipulations féminines.


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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Ven 9 Juil - 20:36
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@raffaella luci & ciaran yeats
Il la considère, dans la sévérité de sa douleur et de son désoeuvrement, face à elle. Toujours face à elle, car la désirer, vouloir la tenir et la sentir lui échapper irrémédiablement, comme l’onde indocile qui s’enfuit et creuse toujours plus profondément à l’intérieur de ses sensations, de ses sentiments, c’est un enfer. Un enfer qui se conjugue parfaitement à sa déchéance. Alors oui, il la considère, et le tempo de son désarroi tempête dans ses veines, alors qu’il marche, boitant ostensiblement aujourd’hui. Tu n’as jamais vraiment été là, je le conçois. Et il y a l’incommensurable deuil dans ces quelques mots, comme s’il cherchait à convoquer la figure d’un rêve ou d’un cauchemar, et qu’il se tenait devant l’être éthéré, au visage gommé, effacé par la douleur que seul le temps est capable d’effiler. Il aimerait se rapprocher, mais ne franchit aucune de ces limites qu’il a tant de fois conjurées. Il demeure son professeur, il demeure son guide, et ça devra rester ainsi, ça devra rester comme ça. Il cesse de soutenir son regard, préfère s’échapper, posant ses yeux sur les innombrables miroirs. Le constat qu’elle fait le navre plus qu’il ne le devrait, c’est un coup porté dans une blessure qui est déjà là. Il sourcille, son regard se perd dans le naufrage d’une autre nuit, et son murmure se glisse dans l’atmosphère tendue de la salle de danse. J’ai cru... Il secoue la tête, et recompose la froideur de ses traits, où la mélancolie ne fait que graver plus profondément les nuits blanches dont il a hérité lorsqu’elle a disparu. Ca n’a pas d’importance. Un pas encore, un autre, il la contourne, peut-être qu’il traque qui elle fut, l’espace d’une seule seconde, suspendue, alors que dans sa chair il était fiché, et qu'ils se comprenaient. Ils se comprenaient. Mais elle prétend que ça n’a jamais existé, et il commence à douter de sa santé d’esprit, la drogue le fait dériver de plus en plus profondément dans ses fantasmagories. La question après sa piètre démonstration lui excave un rire aigre, dangereux aussi. Il a besoin de tout, de qui elle est, de ce qu’elle peut offrir, et de bien plus encore. Il est revenu s’adosser au mur, et renonce à masser son genou, ne souhaitant guère apparaître dans cette faiblesse là, celle que la douleur constante nous donne en héritage, lancinante, infamante. Comme un putain de diminué. Toutefois, elle a raison, alors qu’elle se tient face à lui, tout contre le piano à queue, dont parfois il joue, quand le silence est trop aride, et la solitude trop grande. Il semble réfléchir, et son visage se contrarie de ce qu’elle propose. Les deux perspectives lui rappellent l’amertume d’un projet qui jamais ne se concrétise, comme s’il courait sans cesse après des chimères. Il aimerait pouvoir lui dire de s’en aller, qu’il se contentera de Nina pour jouer Odette et Odile, et qu’elle peut disparaître dans l’enfer qu’elle apprivoise. Mais il ne peut pas, et ce pouvoir qu’il a sur elle, ce pouvoir qu’elle a sur lui, ce pouvoir duel le terrifie. Tu ne me déçois pas. Et c’est la troublante vérité. Tu me laisses insatisfait, c’est différent. Ainsi dans le déséquilibre le plus imparfait qui soit. Il inspire profondément, et demeure silencieux de longues secondes après ça, plus pâle qu’auparavant, avec que son timbre ne se resserre sur les prémices de sa colère, sourde, sous le tissu sombre de sa voix. Mieux ? Mieux… Mieux que ce qu’on imagine, tous les deux, depuis quatre mois tu veux dire ? Putain, Raffa. Il serre les dents avant de se laisser aller sur cette pente-là, la considérant avec un regard vibrant, entrevoyant une vérité qu’ils connaissent l’un et l’autre, car ce qu’elle ne donne pas, c’est aussi ce qu’il ne propose pas dans sa chorégraphie, cela fonctionne dans les deux sens. Il dessine un pas, dans sa direction, et la douleur lui semble intolérable, creuse ses joues, empreint ses prunelles de ce trouble prégnant. Je peux faire mieux c’est vrai. Si tu acceptes de donner plus de toi que ce que tu as fait jusque là. Et il ne parle pas de sa technique, il n’évoque pas ces heures usées à parfaire un mouvement, non. Il avance encore, suffisamment pour se retrouver dans sa sphère, et la regarder de haut. Tu crois pouvoir le faire, Raffaella ? Ou alors sommes-nous dans une impasse ?
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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Sam 10 Juil - 11:41
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Amer. Il est amer et Chiara jubile de le sentir flancher. Parce qu'elle n'est pas la douceur de sa soeur, elle n'a pas son tact et sa gentillesse. Elle n'a pas ces qualités qui poussées à l'extrême dénaturent une personne, détruisent une âme. Non. Chiara est une enfant de la rue, une abusée par les monstres, une mère qui a perdu son enfant alors qu'elle n'en était qu'une elle aussi. Et là, devant elle, elle ne conçoit pas que cet homme soit un potentiel amoureux, un potentiel blessé à son tour. Là, devant elle, il y a un autre monstre. Un homme qui a couché avec une des soeurs, la confondant avec l'autre, brisant un peu les deux sur son passage. Ciaran peste sans colère, admettant que Raffaella n'était qu'un fantôme. Et la soeur survivante enfonce le clou encore un peu, rappelant qu'il ne la connaissait pas. Le leurre est tellement fort qu'elle voudrait aller jusqu'à lui révéler qu'il la connaissait si peu qu'il n'a même pas réalisé qu'il ne s'agit pas de Raffaella devant lui. Il la connait si peu qu'il pense qu'elle a pu se passer de la compagnie de danse pendant tout ce mois... alors qu'elle crevait loin du parquet ciré, qu'elle se mourrait loin de lui. 《 J'ai beau le fuir, je sais que je finirai par revenir. Et chaque jour qui passe me rend encore un peu plus folle. Je ne veux plus subir sa tyranie, son besoin d'affirmer qu'il m'a possédée. Mais n'est-ce pas vrai au final? Peut-être sommes-nous tous les deux fous à notre manière. . . Moi de ne pas reconnaître que je suis sienne. Lui de ne pas réaliser qu'il pousse trop loin ses métaphores.  》 Et sous ces lignes, le dramatique cygne noir qu'elle avait dessiné. Elle le griffonnait un peu partout, le coloriant avec des traits rageux, exprimant là et uniquement là sa colère.

Chiara ne cherche pas à savoir ce qu'il a voulu dire. Elle soupçonne que Raffaella se serait tue et aurait feint de n'avoir pas entendu. Pourtant, la sulfureuse jumelle voudrait l'attaquer et le confronter, le forcer à parler. Battre en retraite, cela ne lui ressemble pas. Tellement pas qu'elle ose même danser alors qu'elle ne s'entraîne que depuis deux semaines. La danse fait partie d'elle depuis longtemps. Il y avait parfois des rêves troublants qui la hantaient la nuit, des rêves où elle ne se ressemblait pas, ou seulement à moitié. Transportée sur des notes de Bach, elle faisait des pointes et s'approchait de figures inconnues, se contemplant dans leurs regards admiratifs. Etait-ce les rêves de Raffaella qu'elle partageait? La question la taraude depuis quelques jours. Est-ce seulement possible qu'elles aient eu une connexion invisible et tacite sans même le savoir? Il lui suffit de regarder l'homme qui exprime son insatisfaction pour savoir que oui. Ce qu'elle ressent pour lui est trop fort, trop intense pour ne pas être en partie un résidu des sentiments que Raffaella nourrissait à son égard. "Cela doit être dur pour toi." Encore une fois, cela lui échappe. Cette pointe d'ironie, ce sens double qu'elle donne naturellement, elle dévie son regard, l'évitant dans les miroirs. Chiara ne peut s'empêcher de voir ce genou qui semble lui porter préjudice. Mais elle ne sait pas si c'est elle qui se projette ou s'il a véritablement un problème. Elle devra fouiller plus en avant dans l'appartement de sa soeur car elle sait qu'elle n'a pas trouvé tous ses journaux. Certaines dates manquent, il y a des trous, des sauts dans le temps... Comme si certains journaux n'étaient pas là et parfois... comme si certains passages avaient été consignés ailleurs. Peut-être mieux cachés? Des trésors de ses pensées? "On n'a rien imaginé tous les deux. Je subis plus que je ne produis pour le moment. Cette version est trop ... classique. J'ai besoin de quelque chose de nouveau, de plus fort, de plus intense... Elle tente le tout pour le tout. Raffaella ne jurait que par le classique. Plusieurs passages de son journal font bien comprendre qu'elle a du mal avec le contemporain et qu'elle déteste lâcher prise. La danse classique est cadrée, rassurante. Dans son carcan et uniquement dedans, elle osait se dévoiler. En dehors, elle avait le sentiment de s'exposer.

La souffrance empreint le visage de son interlocuteur et Chiara l'interprète comme un mal généré par leur relation. A quel point l'a-t-elle subjugué et torturé? Une jalousie assez cruelle se dessine en elle. Car cet homme est possédé par la défunte, c'est indubitable. "Cela fait longtemps que nous sommes dans une impasse." Elle esquisse un sourire léger avant de réduire la distance entre eux. Il la regarde de haut mais depuis sa place, elle soutient ce regard sans difficulté. Chiara sait qu'elle devrait éviter de le provoquer, c'est pourquoi elle modère son ton pour ajouter "Je ne demande qu'à m'améliorer et à te satisfaire. Sur le parquet." La précision est d'autant plus importante qu'elle a le sentiment que Ciaran lui demandait une autre sorte d'investissement, un autre style de lâcher-prise. Et soudain des mots du journal lui reviennent en tête. 《 Mais lui, jamais il ne s'abandonne. S'il est excellent professeur, il est de ceux qui ne montrent pas comment faire. C'est comme s'il avait peur de nous éblouir de sa lumière et que jamais nous ne puissions à nouveau briller, si pâles à côté de lui. Ou alors...  》 Mais Raffaella avait laissé des points de suspension, ne comblant nulle part ces petits points. Ou les comblant dans un de ces journaux secrets que Chiara suspecte d'exister. "On pourrait créer bien plus et bien mieux si tu acceptais de donner plus de toi aussi." Cela tombe enfin. Ce que l'une a longtemps pensé et ce que l'autre a, en quelques sortes, deviné.

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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Lun 12 Juil - 12:01
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@raffaella luci & ciaran yeats
Ce tutoiement encore une fois. Cette familiarité qui leur semble si étrangère. Il se demande s'il a mérité d'ainsi déchoir de sa position en insinuant le soufre d'une nuit qui demeure gravée dans sa mémoire, ou si c'est une façon de lui tendre la main et de se rapprocher. Alors pourquoi se sent-il encore plus étranger à elle qu'auparavant ? Pourquoi ne parvient-il plus à la regarder, à lui parler, à la considérer comme il le fit tant de fois, avec la distance qui leur convenait tant ? Est-il arrivé au bout de sa patience, ou de ses limites quant à son élève ? L’a-t-il par trop désirée dans le noir pour que les ombres le poursuivent jusqu’ici, dans la salle de danse ? Fantôme, c’est ce qu’il l’accuse d’être, et c’est sans doute ce qui les rend si semblables à ses yeux. Fantômes, elle et lui. Mais parfois, dans la profondeur de ses yeux, comme un miroir, déformant l’indécence pour la rendre palpable. Elle est comme la métaphore de ce qui est beau, de ce qui est beau parce que le voilà fracassé. Murmure brisé sur le parquet ciré, elle est perdue ici, perdue à chaque fois que je la regarde, perdue par moi et par les pas que je dessine pour elle. Je suis retourné au classique, chose que je n’avais pas faite depuis la tournée Européenne, évitant soigneusement les lueurs trompeuses de mes anciennes amours, de peur de m’y éblouir. Mais contrairement aux autres, elle a cette fausse dureté héritée d’un apprentissage pointilleux, qui ne laisse rien aller. La première fois que je l’ai vue danser, j’ai souhaité qu’elle soit à moi, et qu’elle ploie, sous la faveur d’un autre langage. Le souvenir parcourt son visage, et interrompt les mots qui ne semblent plus pouvoir se dire. Ils n’ont pour héritage que cette frustration qui s’insère profondément dans l’esprit et dans le corps. Il reformule, hermétique à l’ironie qu’elle apprivoise telle une arme effilée, parce qu’elle fuit. Elle continue de fuir Raffa, elle continue de fuir ses yeux qui la traquent. Il ne cherche pas à savoir si elle parle de la douleur qu’il ressent, et qu’il montre pour la première fois aujourd’hui, autant que cela, ou s’il s’agit de quelque chose de bien plus profond. Douleur sourde d’un rêve inachevé, que l’on embrasse avant de le voir dépérir. Il ne répond pas, il ne nie cependant nullement ce qu’il traverse actuellement. Le manque lui semble plus cruel aujourd’hui, l’évasion n’est pas ici, et elle devra être artificielle. Il donnerait tout pour interrompre leur leçon et aller s’écrouler dans un coin, pour retrouver la faveur de ses composés morphiniques. Tu as la mémoire courte. J’ai choisi une composition classique pour toi, parce que c’est ton univers. Et parce que c’était le mien… L’amertume reflue comme une vague, le cueille, et le statufie aussi. Il secoue la tête mais il y a dans ses yeux une nouvelle lueur, celle qui s’apparente à la brutalité de la convoitise. Il continue de murmurer : Tu n’as jamais voulu rompre les codes. Et il a crevé de lui apprendre à le faire. Mais elle a raison, dans une impasse ils le sont, dans une impasse ils se sont dessinés l’un et l’autre. Il esquisse un sourire froid, presque une moue de dégoût quand elle parle de satisfaction, ajoutant ce détail qui continue de mettre des entraves quand la digue a depuis longtemps cédé. Sa langue vipérine frappe avant qu’il ne puisse se retenir. Ne t’en fais pas, j’ai compris tes limites. Et de sa part, de sa persona d’artiste stellaire, c’est une injure, car les limites ne devraient pas exister dans leur univers. Limites qui continuent de se rappeler à lui aujourd’hui, à chaque fois qu’il pèse un peu trop sur sa jambe droite. Il baisse son regard, sa proximité l’intoxique bien plus sûrement que n’importe quel songe, et il semble soupirer, sentence mutique qui lui fait plus mal encore que la douleur physique. Cette sorte de partage, il en a rêvé depuis leur rencontre, cela ne l’avait jamais torturé à ce point avec ses autres élèves, que de ne plus danser, danser avec une partenaire pour la guider dans les portés, dans les mouvements à opérer. Ses indications ne sont plus que verbales, parfois il façonne quelque peu le geste, se contentant de venir modeler le corps en répétition, du plat de la main dans la courbe d’une taille, ou sur la ligne du bras. Quel serait le sommet atteint, si j’acceptais de la guider. Combien de fois ai-je pensé que la tenir, la dessiner dans l’atmosphère, lui apprendre le ressenti d’un mouvement plus brutal, plus profond, plus trivial, ce serait enfin renaître ? Combien de minutes à égrainer cette folie en la regardant évoluer. L’ombre passe sur son front, quand ses yeux lui reviennent, et il y a ces mots qu’il ne peut pas lui dire. Nous avons dansé toi et moi, cette nuit-là, et c’était parfait. Alors il pourrait peut-être y consentir sur le parquet de danse. Uniquement pour elle. Je ne danse plus avec personne, ni pour personne, Raffa. Ca n’est pas une manière de lui répondre par la négative, c’est un simple constat. La tentation est palpable, et l’entrave semble cisailler plus encore son genou qu’à l’accoutumée, lui rappelant que bien des fois il sera incapable d’être un partenaire convenable, voire suffisant. Si j’accepte de te montrer ce qui m’appartient, je ne veux pas de retenue, je ne veux pas de perfection, je ne veux pas de ton classicisme, je veux ce qu’il y a en dessous. Une façon de lui avouer ce qu’il n’a jamais osé dire, ce qu’il veut bien plus que cette fusion due à l’abandon entre les draps trop blancs, d’une chambre d’hôtel, il veut l’indécence du mouvement, il veut son corps entièrement sculpté par ce qu’il lui apprendra. Le temps que l’on s’entende sur la chorégraphie uniquement. Et jamais en présence des autres. Pour les répétitions avec la compagnie, tu t’entraîneras avec Daniel. Celui qui tient le rôle masculin dans l’adaptation du Lac des Cygnes, celui qui pourra l’accompagner comme il se doit, la porter quand il le faudra, un sacrifice nécessaire. C’est ce qu’il ne cesse de se répéter, depuis qu’elle a inséré en lui l’idée folle de pouvoir la frôler, la modeler, comme il l’entendra.
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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Mar 13 Juil - 17:57
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La danse classique était clairement l'univers de Raffaella. C'était son monde. Mais si une des deux soeurs s'était découverte dans la rudesse des notes de Bach et Strauss, l'autre ne vibrait qu'aux sons qui percutent les tympans avec force et intensité. Chiara ne relève pas l'accusation concernant sa mémoire courte car elle ne peut se défendre sur ce domaine. Pour le faire, elle devrait lever le voile sur ce qu'elle doit désormais maintenir secret. Ce n'est pas la mémoire qui me fait défaut. C'est la vie. Car ce n'est pas facile de se souvenir des détails d'une ligne temporelle qui ne m'appartient pas. Ils se lancent dans une joute verbale qui fascine l'apprentie danseuse. Sa soeur se révèle à chaque phrase que Ciaran lui dit. Elle la découvre au travers des piques qu'il pense lancer à celle qu'elle n'est pas. C'est comme si Raffaella avait une vie rien qu'à elle dans la bouche de son non amant. C'est comme si l'amertume dessinait un peu plus cette femme qui se devine dans les pages des journaux trouvés dans son appartement.

Rompre les codes. Une chose que l'un ne voulait pas alors que pour l'autre, il s'agissait d'un moyen de survie. Un sourire se glisse sur le visage de Chiara. Elle ne peut tout contrôler. Jouer son rôle d'étoile est plus facile avec les autres. Les rapports que Raffaella avait avec eux étaient juste froids. Ici, il y avait bien plus que de la distance. Il y avait le paradoxe. 《 [...] Et à chaque fois que je le repousse, je me sens encore plus attirée par sa personne. C'est la peste qui s'empare de moi. Il n'est que maladie, que la noirceur qui secoue mes veines d'un assaut de sang incontrôlé. Chaque silence est évocateur. Et celui de ce soir l'est encore plus.  》 Chiara a cherché dans les pages avant et fouillé pour comprendre ce qui s'était passé ce soir-là. Mais il n'y avait pas de réponse. Pas de page arrachée non plus. Juste un vide, comme si Raffaella avait laissé des trous dans sa vie et dans ses mémoires. "Tant mieux." Elle martèle sans conviction. Les limites de Raffa ne sont pas les mêmes que celles de Chiara. Si cela ne tenait qu'à elle, elle coucherait avec lui là, maintenant, à cet instant pour pouvoir expulser cette tension entre eux et passer à autre chose. Cependant, sa soeur vivait son existence autrement. Elle semblait prendre du plaisir dans cette torture lancinante qui les unissait malgré eux. Et Chiara ne veut pas briser cette danse imparfaite qu'ils ont créée. Au contraire, être ici près de lui, avec les mots de la décédée en tête, lui donne envie d'y goûter. L'enfer t'attend. Elle en est certaine. Son attirance pour celui qui appartient corps et âme à celle dont elle a provoqué la mort est maudite. Mais ne pas s'y laisser aller quelques minutes serait du gâchis. Alors elle provoque, demande ce que Raffaelle n'a jamais osé réclamer : du contact, de la passion vécue, du travail acharné... à deux. Raffa. Il diminue son prénom et Chiara sent son coeur battre comme si c'était elle la destinataire de cette proximité subtile. "Je suis prête à laisser tomber le cadre à une seule condition." Elle sent que c'est le moment de créer son ouverture, de placer ce qu'il faut pour ne pas griller ses cartes d'emblée de jeu. "Si je lâche prise et que je te donne ce que je n'ai jamais ... donné..." Elle patine un peu, cherchant ses mots. Cela sert sa cause, elle ressemble plus que jamais à celle dont elle tient le rôle. Car elle est hésitante, partie dans ses songes. "... alors j'exige une sécurité. Tu oublieras qui je suis et mon passé. On oublie mes performances et la pression qui pourrait en résulter. Je ne suis pas Raffaella Luci. Je suis une autre pendant ces répétitions. Elle laisse tomber la blouse qui recouvre ses épaules, dénudant ses bras et sa taille de guêpe aux formes généreuses. Chiara s'avance vers le centre et lâche ses cheveux dans un balancé qui ne ressemble déjà plus à Raffaella. "Ce qui se passe ici, le temps de trouver notre équilibre, notre harmonie, cela reste ici." confirme-t-elle. Tant pour lui que pour elle. Daniel est encore un inconnu pour elle. Des journaux de sa soeur, elle a compris que l'homme était un homme plein de charme et qui avait couché avec la moitié des filles de la compagnie. Raffaella s'entendait apparemment bien avec lui, ils se confiaient beaucoup de choses. La survivante se demande s'il n'y avait pas une attirance du coureur de jupons envers sa partenaire mais les mots de Raffaella ne permettent pas d'en juger. Il lui faudra s'en rendre compte toute seule. En attendant, elle se demande comment parfaire son jeu en proposant autre chose que la perfection à laquelle le Professeur Yeats s'est habitué venant d'elle. Elle se penche vers le radio-cassette et lance la musique classique qui sort du dernier acte. Sa tête se secoue avec vigueur avant de chercher à passer sur les ondes de la radio. Une musique latine, dernier hit de l'année, se lance dans la pièce. "Si on veut changer les choses, il faut repartir de zéro, même pour l'échauffement." Trop sûre d'elle, elle s'arrête et relève la tête vers lui tout en revenant au centre de la pièce. Son visage s'empourpre tandis qu'elle tend une main vers Ciaran. "Vous m'accordez cette danse?" Et là, son coeur s'accélère. Elle le sent. En ce moment même, elle est Raffaella. Son teint de peau a rougi comme le sien l'aurait fait. La douceur de sa voix, le besoin qu'elle a de lui qui est refoulé, l'envie de plus qu'elle a contrôlé. Ses yeux se baissent pour éviter la confrontation visuelle. Mais son coeur pulse car elle ressent un picotement qui ne lui appartient pas. Cependant, bien qu'il soit le fruit de l'amour d'une autre, il l'habite avec une force démente, impressionnante, empoisonnante.

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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Mer 14 Juil - 20:32
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@raffaella luci & ciaran yeats
Et ainsi, la mémoire s’enfuit, les moments où ils savaient se retrouver ici, projetant dans le secret le plus grand des projets, le plus exaltant aussi pour Ciaran, depuis le drame qui l’avait frappé. Quelque chose pour revivre un peu de cette gloire emportée. Il se demande, en voyant Raffaella le jauger, le repousser de ses mots, ou plutôt renoncer à ce qu’ils ont rêvé, s’il ne s’est pas là aussi laissé dériver à un fantasme qui n’appartenait qu’à lui, un rêve qui n’aura finalement existé que dans son esprit. Et qu’il aura abusé pour mieux la toucher, pour mieux la regarder, pour mieux se l’approprier, dans les mouvements classiques, qui savaient torturer son corps d’une si jolie façon, les abandonnant l’un et l’autre dans le charme d’une union froide, une distance qui peu à peu, les dévorait. Le dévorait. Sans doute que là aussi, la gêne, la précision, les oeillades précautionneuses de Raffa ne furent à son égard que poudre aux yeux, une jolie image que l’on redessine dès la nuit tombée, pour ne pas s’endormir dans la pâleur d’une autre solitude, et se rappeler tous les méfaits qui tissent ses occupations nocturnes. Ciaran, créature de la nuit, qui tente et qui emporte les âmes endormies par la drogue, dans les soirées qui n’ont pas d’adresse, ni de destination autre que les serres crochues de ces hommes qui dévorent l’innocence offerte. Il a un frisson, car souvent il a souffert d’imaginer Raffaella à la place des autres sacrifiées. Parfois il les embrasse, il les étreint pour les consoler, juste après. La douceur empoisonnée pour les dissuader de parler, c’est ce qui a toujours fonctionné. Ciaran, démon décharné de nuits inavouées. Peut-être sont-ce ces méfaits qui lui firent croire à autre chose avec elle, à un projet plus grand, plus puissant. Il laisse le projet se déliter, sous ses regards noirs et tristes. Il choisit d’oublier, tout comme elle l’a fait, l’oubli pour se raconter une fable, une fable de plus. Pour se réinventer. Ce soir-là, je lui ai dit toute la frustration, je l’ai traitée de tous les noms, ce soir-là j’ai essayé de la séduire, de la contraindre, de la rattraper, la douceur et la violence était notre mélopée. Elle était contre le mur, contre moi, et j'avais l'envie de la forcer à voir, à comprendre ce qu'il y avait, entre nous, depuis le tout début. La peur dans ses grands yeux, et autre chose aussi, de plus licencieux. Ce soir-là, je l’ai perdue, je le sais, lorsqu’elle s’est enfuie dans les ténèbres qui m’habitaient. J’ai voulu d’elle ce qu’elle ne souhaitait plus donner, je voulais l’aveu sur sa langue, la honte sur sa bouche, l’envie et ce désir dans ses yeux. Mais je n’y ai lu que la confusion, les mots interdits, j’ai perdu les soupirs qu’elle avait ébauchés dans le creux de mon oreille, je les ai vu lentement se fragmenter, se nier. Je nous ai vus disparaître, et j’ai ressenti autant de haine et de fureur que pour celle qui, il y a des années, me servait d’exutoire, et aura préféré me fuir là où je ne pouvais plus l’atteindre, plutôt que de subir, encore et encore. Mes passions sont dangereuses. Mes silences le sont plus encore…

Tant pis. Bien au contraire, voilà ce qu’il se dit. Et il la regarde, préférant se taire, avant que la proposition ne déploie ses ailes monstrueuses, lui donnant des allures de prince maudit, qui chercherait à lier sa promise dans un destin qu’elle n’aurait jamais choisi. Il n’a aucun scrupule à exiger d’elle et la confidence, et la liberté usurpée de pas moins chorégraphiés, plus improvisés, il n’a aucun scrupule à lui demander la trivialité de la chair, cette chair qu’il n’a plus le droit de profaner, autrement qu’ici, sur le parquet doré, d’un enfer continu, la brûlure y dansera sous leurs corps unis. Il écoute, patiemment, le contrat qu’elle édicte, et il semble quelque peu désarçonné par sa façon de vouloir franchir une barrière qu’elle n’a seulement jamais osé frôler. L’oubli, c’est encore cela, l’oubli consenti, l’oubli artistique qui permet toujours de créer autre chose, la nouveauté, ou d’aller se pervertir dans un passé déformé par la mémoire exsangue. Ses prunelles suivent ce vêtement qui tombe, puis prennent la mesure de ce corps qui s’offre dans la pâleur d’un projet qui n’a plus rien de fixé. Les cheveux, soyeux, traîne somptueuse pour une épouse infidèle qu’il continue de dévorer à chaque pas qu’elle fait. Il n’a toujours pas parlé, il n’a toujours pas donné son assentiment, mais il sait déjà qu’elle l’a convaincu. Il ne la savait pas capable d’une telle proposition, et perdu, voire éperdu par la douleur dont il hérite de leur séparation, il accepte de sa façon mutique, seuls ses yeux parlent pour lui, se figent, apprivoisent une notion qui lui sert de langage ténu, c’est une entente tacite, qui cherche à tout prix ce qu’elle évoque : l’harmonie. Celle qu’elle pourrait lui donner, celle qu’il pourrait lui apprendre. Prononcer le prénom de Daniel lui a coûté, car le temps qui leur est dévolu leur semble compté, c’est un partage qui aura un terme, un duo qui ne pourra totalement exister. Les premières notes d’une rumba plus moderne retentit, comme pour édicter leur nouveau crédo et un sourire sibyllin se dessine sur ses lèvres, mais n’atteint pas ses iris qui demeurent observatrices. Il y a un changement, c’est comme si Raffaella avait osé éclore en un mois, et il se demande si c’est seulement à cause de leur dernière entrevue, ou à cause d’un événement dont il n’est pas au courant. Les pas qu’elle n’a pas complétés, c’est lui qui les fait, il se rapproche d’elle, lentement, son t-shirt laissant deviner ses clavicules légèrement saillantes, et il boit la gêne qui encombre sa danseuse, choisit d’encore plus l’appuyer, au moment où il prend sa main, cette main offerte. L’autre vient se poser dans le creux de sa taille, et il la rapproche de lui d’un mouvement souple, car la rumba est une danse lascive, sensuelle aussi, un très bon choix d’échauffement, qu’il proposait bien souvent à New-York, quand ses imaginaires n’étaient pas encore endeuillés. Il ne bouge pas cependant, dans l’agonie du silence uniquement fracturé par la musique, il attend, il attend qu’elle relève ses yeux vers lui, et lui murmure alors. Changeons les choses ensemble, Raffaella. Le pacte est conclu, et une autre lueur dangereuse vient s’éprendre de ses prunelles, alors qu’il se met à la guider, choisissant de passer outre la douleur qui raidit quelque peu sa jambe droite, mais ne l’empêche nullement de venir la faire ployer un peu plus en arrière, suivant le rythme de la chanson. Chaque fois qu’il avance, c’est pour mieux rencontrer son corps, pour mieux la provoquer, ou bien la laisser comprendre un langage incertain, qu’il leur faut réapprendre. Jamais il ne la quitte des yeux, surtout pas lorsqu’elle est obligée de se laisser aller en équilibre sur sa cuisse, il choisit de porter le mouvement sur sa gauche, plutôt que de torturer son handicap, le gommant par ce subterfuge qui leur donne un temps de retard. Il lui sourit avec malice, le rattrapant aisément en la laissant dessiner une figure plus courte, pour la ramener à lui, humant son odeur alors qu’elle se tient de profil un instant. Mais chaque geste semble arraché à son professionnalisme, et la sensualité qu’il dessine est une autre fable, offrant l’image mais pas encore la violence de la chair, sauf lorsque la chanson se termine, et que penché sur elle, dans un dernier mouvement, il esquisse cette spontanéité qui lui coûte autant à l’esprit qu’à son corps malmené. Son souffle tremble un peu, il a mal, et il lui murmure. Je ne savais pas que tu aimais les rythmes latins, un monde d'infinis s'ouvre à moi. Il la recueille avec plus de délicatesse, et si une autre chanson poursuit la précédente, il semble ne plus la suivre, alors qu'il a le corps menu de Raffa contre lui. C'est le désir qui manipule Odette jusqu'au bout. Le désir d'être reconnue pour qui elle est. Mais Siegfried lui préfère la noirceur d'Odile. Il ne parvient pas à se contenter de ce que la première lui a offert. La phrase n'a strictement rien d'innocent, tandis qu'il glisse son bras contre sa taille, l'amène à plier un peu plus en arrière, la laissant étirer son dos dans une posture plus indécente. Je me demande ce que toi, tu préféreras.
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MessageRe: Dancing on a wire, both ends on fire écrit Ven 23 Juil - 10:31
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Et alors qu'il cède à cette offre dangereuse, Chiara ne comprend pas. Elle ne comprend pas comment sa soeur a pu passer autant de temps avec lui, ressentir tout ce qu'elle a ressenti sans jamais pousser la passion dans ses retranchements, sans jamais pousser les pulsations de leurs coeurs dans un rythme partagé. Chiara a déjà du mal à comprendre que leurs corps ne se soient jamais épousés, jamais pour de vrai. Car la nuit qu'ils ont eue ensemble est un mensonge que Ciaran ignore. Il pense, et c'est normal, que les deux oiseaux blessés se sont retrouvés pendant une nuit agitée. Mais ce n'était pas elle. C'était l'autre. Cette même autre qui aujourd'hui défie le professeur d'être plus qu'un enseignant. Chiara lui ouvre la porte du studio pour qu'il devienne partenaire. Comment as-tu pu désirer autant cet homme et le maintenir à distance? Chiara juge la défunte et l'admire aussi. La force qui vivait en elle était impressionnante. La consomption du cygne l'habitait réellement.

《 [...] Et ce qu'il ne voit pas, c'est qu'Odette, c'est moi. Et Siegfried, c'est lui. Cherchant à m'habiller des couleurs de la nuit, cherchant à m'aimer dans mes pires ressentis. Me poussant à quitter...  》

La vie. Chiara le laisse lui ôter son souffle à elle aussi. La mélodie est suave, trop entêtante pour n'être qu'une simple danse. Leurs formes s'épousent et elle sent en elle tout le mal-être de celui qui se donne à ses côtés. Mais en ce moment, elle n'est plus là pour analyser et juger. En ce moment, elle a cédé son corps à celle dont elle a volé l'identité. La dissociation est trop forte pour être ignorée. Elle est Raffaella jusqu'au bout des ongles. Mais elle est une Raffa complétée par la force de caractère de sa soeur. Car dans sa façon de répondre à chaque mouvement de Ciaran, on ressent la fièvre latine qui la consume et qui entraîne son partenaire avec elle. Elle est une Raffaella libérée. Un monde d'infinis... qui se trouve dans un cimetière. Elle sourit malgré tout. "Avez-vous vraiment cherché à savoir ce qu'il y avait en dedans? Ou avez-vous préféré penser que vous saviez?" Le vouvoiement, marque de celle qui l'habite en cet instant, revient spontanément. Etonnée par cette politesse distante, Chiara ressurgit. La fille de la rue n'aime pas se sentir possédée par des émotions qu'elle ne contrôle pas. "Et toi? Tu parviens à te contenter de ce que la première version de moi t'offre?" Raffaella aurait rougi, pas Chiara. Elle le regarde droit dans les yeux, comme s'il pouvait comprendre ce qu'elle insinue. Elle perd tellement le contrôle qu'elle souhaite lui faire dire qu'il veut plus que Raffa, qu'il veut la version sombre, qu'il veut Chiara. "Moi, je préfère rester en vie." Et sur ce, elle détourne ses yeux de lui et s'en va retrouver son sac pour en sortir une bouteille d'eau. Tout tourne dans sa tête. Est-ce que Raffaella était à ce point triste à cause du mal qui la rongeait? S'était-elle trop approprié son rôle? Ciaran avait-il vraiment sa place dans ce qu'elle avait subi? "Pourquoi le lac des cygnes au fait? C'est vu, vu et revu. On aurait pu attendre de toi quelque chose de plus original." Mais elle sait pourquoi. Parce qu'il avait cerné Raffaella. Et que cette oeuvre, c'était l'oeuvre parfaite pour la sublimer et la détruire, pour l'asservir. Raffaella avait toujours rêvé de danser dans le rôle d'Odette. 《 C'est comme s'il avait su comprendre. Odette, c'est tout. C'est le personnage qui incarne tout. La fragilité, la force, l'ascension et la déchéance. C'est le profil parfait pour ceux qui veulent prouver leur excellence. C'est le test parfait pour ceux qui veulent la déceler chez vous. Mais je ne sais pas s'il me défie en me le proposant ou si c'est un compliment. Je ne le sais vraiment pas. Je ne sais jamais rien avec lui. Il est désarmant.  》

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