C’est vrai que Lucas et Willow avaient tout ce qu’ils pouvaient désirer au niveau matériel. Mais pendant la grande majorité de leur enfance, ils avaient l’impossibilité d’avoir ce qu’ils voulaient réellement, à savoir un père présent. Ilkan avait toujours beaucoup de travail. Il n’avait jamais le temps de simplement dîner avec eux le soir, encore moins pour leur lire une histoire avant de dormir, ou pour les conduire à l’école le matin. Il y avait des jours où Willow ne le voyait pas du tout, simplement parce qu’elle dormait lorsqu’il partait le matin et pareil lorsqu’il rentrait le soir. Ça a été comme cela pendant de longues années, jusqu’à la destruction de leur famille. La jeune Williams tenait son père pour responsable de tout cela. Elle avait longtemps gardé cela pour elle, mais Lucas l’avait convaincu d’extérioriser et de dire sincèrement ce qu’elle pensait. C’est d’ailleurs ce qu’elle faisait ce matin. « Le problème avec tes fashions-weeks, c’est qu’en général, elles tombent en même temps que mes partiels. Une période que je ne peux évidemment pas manquer si je veux réussir mon année. » Willow ne demandait qu’à voir si le changement de son père était permanent ou comme trop souvent, comme toujours éphémère. Elle espérait sincèrement qu’il respecte sa promesse pour Arya. Au moins l’un de ses trois enfants auraient eu le droit à sa présence. « J’espère qu’Arya sera plus chanceuse que moi. » La rouquine était sincère, mais elle serait sûrement un peu jalouse dans le fond. Mais tout de même heureuse pour sa petite sœur, elle saurait ce que ça fait de grandir avec un mère même si ses parents étaient séparés.

Willow ne voulait pas l’annoncer de cette manière à son père qu’elle comptait déménager. Elle aurait voulu attendre le bon moment et le préparer à cette annonce. Mais il lui avait lancé une perche. Selon lui, si elle restait malgré l’emménagement de sa mère à Los Angeles, c’est parce qu’elle pensait qu’il était capable de changer. Ce qui n’était pas réellement le cas. C’était encore moins une preuve en soit pour la jeune femme. Elle ne savait pas si son père allait changer ou pas. Mais une chose était certaine, elle voulait plus le connaitre. Elle avait donc annoncé à son père, qu’elle avait demandé une chambre sur le campus de l’université. « Si ma chambre me plaît. Mais vivre sur le campus m’évite de devoir faire un choix entre toi et maman. Puis c’est plus simple avec les cours, j’économise le temps de trajet pour pouvoir faire mes devoirs et mes révisions. Il faut bien qu’à un moment, je vole de mes propres ailes. » Willow espérait seulement que tout se passerait bien. Elle n’avait jamais été hyper douée pour s’intégrer ou se faire des amis. Elle espérait seulement tomber sur une colocataire avec qui elle s’entendrait bien. Elle devait tenter sa chance, si jamais ça se passait mal, elle pourrait toujours retourner chez son père ou vivre chez sa mère. Elle ne pensait pas que l’un d’eux pourrait refuser son retour au bercail.

Ilkan avait envie de passer la journée avec Willow. La jeune femme avait refusé la séance shopping, même si la proposition était assez alléchante. Elle avait envie de partager autre chose avec son père. Quelque chose qui lui conviendrait mieux que flâner dans les rayons des magasins de prêt-à-porter féminin. Même s’il travaillait dans le domaine de la mode depuis qu’il était agent de mannequin. La jeune Williams lui proposait de l’accompagner à la salle de sport pour une petite séance de sport, de boxe pour être plus précise. C’était un sport que Willow appréciait, affectionnait particulièrement et très libérateur pour elle. Il lui avait permis de s’épanouir et de prendre plus confiance en elle. Après avoir fini son petit-déjeuner, Willow était montée dans sa chambre pour enfiler une tenue plus adéquate pour le sport et s’attacher les cheveux. Elle rejoint son père qui était aussi habillé pour un moment sportif. D’ailleurs, il lui demandait son avis. « Ça devrait aller. Je crois que c’est la première fois que je te vois habiller de cette manière. » Willow finit par mettre ses baskets avant dire. « C’est bon, on peut y aller. Évidemment, on y va à pied, on ne prend pas la voiture. » Autant commencer le sport dès maintenant, pas besoin d’attendre d’arriver à la salle de sport. « Papa, est ce que tu sais pourquoi j’ai commencé la boxe ? » La jeune femme était curieuse de savoir ce que son père savait à son sujet.

Willow venait d’annoncer à son père que prochainement, elle emménagerait sur le campus. La jeune rousse avait bien réfléchi. Elle n’avait pas pris cette décision à la lègere ou sur un coup de tête. C’était pour elle le moment ou jamais de voler de ses propres ailes. « Je sais que ni toi, ni maman me demande de choisir. Mais j’ai quand même un choix à faire. Puis je veux faire de la peine à aucun des deux. Le campus, c’est bien aussi. Il faut bien que je quitte le nid, un jour ou l’autre. Je pense que là, c'est le bon moment. Merci, de garder ma chambre, je viendrais de temps en temps pour passer du temps avec toi. J’ai toujours envie de mieux te connaître. Si jamais ça se passe mal ou que je n’aime pas le campus, je reviendrais. » La demoiselle Williams espérait quand même qu’elle n’aurait pas à revenir et qu’elle se plairait sur le campus. « Papa, je crois qu’on n’a pas la même notion de jeune tous les deux. » La jeune femme le taquinait même si c’était vrai qu’elle ne qualifierait pas son père de jeune.

Une fois que tous les deux étaient en tenue de sport et prêt, ils prenaient le chemin de la salle de sport. En marchant avec son père, Willow lui demandait s’il connaissait les raisons qui avaient conduit sa fille à se tourner vers la boxe. Elle n’était pas surprise d’avoir suscité l’étonnement chez Ilkan quand il avait appris le choix de sport de Willow. Lorsqu’on voyait la jeune rousse, son visage angélique, son côté introverti, on n’imaginait pas qu’elle puisse faire une discipline considérait comme violente. Les apparences sont souvent trompeuses. Willow s'arrêtait de marcher avant de lui répondre. « Tu crois que je pense à toi quand je fais de la boxe ? Tu penses vraiment que j’ai autant de colère à ton égard ? » Willow ignorait que son père supposait cela. Si elle l’avait su, elle lui aurait surement déjà expliquer les raisons de ce choix. Une chose était sure, il en n'était pas la cause.

Ilkan avait accepté assez facilement l’envie de Willow de voler de ses propres ailes et son intention de s’installer sur le campus. D’un autre côté, il n’avait pas réellement le pouvoir de l’empêcher. Puis, il fallait bien qu’elle prenne son indépendance à un moment ou un autre. D’ailleurs, Ilkan avait été intransigeant avec Ezra quand il était venu vivre chez lui. Son frère avait dû trouver rapidement un travail. Il avait été plus souple avec sa fille probablement puisqu’elle était toujours étudiante. Sa scolarité lui prenait déjà énormément de temps. De plus, les bons résultats de Willow, lui avaient permis d’obtenir une bourse d’étude. Ce qui faisait déjà des frais en moins pour ses parents. « Tu es mon père, donc tu es forcément vieux à mes yeux. Après ce qui se passe dans ta tête ça te regarde. »

Le père et la fille se dirigeaient en marchant vers la salle de boxe tout en discutant. Willow se demandait d’ailleurs si son père savait les raisons qui l’avaient poussé à se tourner vers la boxe. Apparemment, il l’ignorait, comme quoi, tous les deux ne se connaissaient pas beaucoup. « Pas spécialement, j’ai appris à aimer ce sport. Mais ce n’est pas la première raison. Tu es au courant qu’à l’école pendant de nombreuses années, j’ai été harcelé. Donc pour me défouler et me calmer, Ezra m’emmenait frapper dans un sac de boxe principalement parce que je ne voulais pas le frapper lui. C’était un exutoire au départ et après, j’ai appris à apprécier la boxe. L’exutoire s’est transformé en passion. » Ezra a énormément d’influence dans la vie de Willow. Elle lui devait beaucoup. Il y a de nombreuses choses qu’elle n’aurait pas su surmonter ou affronter sans la présence de son frère. Il était réellement son roc et même tout pour elle. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle avait difficilement accepté son départ de New-York pour Los Angeles. Bien, qu’elle savait qu’il n’avait pas eu d’autres choix possible après, que sa mère l’est mis à la porte.

Willow et son père parlaient des raisons qui avaient poussé la jeune femme à pratiquer la boxe. Elle racontait son histoire naturellement comme s’ils la connaissaient tous les deux. Mais à en juger par la réaction d’Ilkan, la jeune femme se trompait. Décidément, son père ne savait vraiment rien d’elle. C’était soudain une révélation pour elle. Elle s’arrêtait à son tour. Willow venait de réaliser que son père ignorait une information aussi importante la concernant. Une chose qui avait marqué la vie de la jeune femme et qui l’avait profondément anéanti. Apprendre que son père l’ignorait attrister énormément la jeune Williams. « Oui, maman était au courant. C’était difficile à cacher quand je rentrais de l’école la plupart des soirs en pleurant. » Il y avait des choses qu’on ne pouvait pas dissimuler et Ezra ne laissait pas sa sœur gérer tout ça, seule. Il avait été un grand soutien pour la jeune rousse. Si Willow n’avait pas informé sa mère, Ezra l’aurait probablement fait. Son frère s’assurait qu’elle ait toujours du soutien et qu’elle ne se laisse pas totalement détruire par ces personnes malveillantes. Le harcèlement était une situation qui avait beaucoup affecté la demoiselle Williams et qui l’avait fait énormément souffrir.

Aujourd’hui, elle apprenait que son père ignoré la souffrance et la douleur que sa fille vivait au quotidien. « Tu voulais que je t’en parle quand ? Et je pensais que tu étais au courant. Puis on te voyait tellement peu qu’on n’avait pas forcément envie de parler de nos problèmes ou de se plaindre quand tu étais enfin là. On profitait simplement de ta présence parce qu’on ne savait jamais quand serait la prochaine fois où tu nous accorderais un peu de temps. » Finalement, on en venait toujours au même sujet et au même reproche, l’absence d’Ilkan. Et maintenant son ignorance sur ce que vivaient ses enfants. « Ce n’est pas un sujet dont on parle au téléphone et tu n’avais pas toujours le temps pour prendre nos appels. » Willow était tellement de fois tombée sur son répondeur ou sur sa secrétaire, qu’elle avait rapidement arrêté de tenir le compte. « Finalement, tu ne sais rien nous concernant Ezra et moi… » Dit-elle en se remettant à marcher. Elle était très déçue.

Pour Ilkan, s’il n’était pas au courant de certains éléments de la vie de ses enfants, c'était de la faute de leur mère. Willow n’était pas du tout d’accord avec lui. Il aurait suffi qu’il soit plus présent pour sa famille. S’il avait été là, sa femme n’aurait pas eu tant de choses à lui raconter. Peut-être que comme ses enfants, elle préférait profiter du temps qu’il avait à lui accorder. C’était logique et toujours mieux que de l’informer de toutes les difficultés que la famille pouvait rencontrer en son absence. Tout ce qu’ils devaient affronter pendant qu’il se consacrait uniquement à son travail. La demoiselle Williams doutait même qu’il ait fait quoi que ce soit si leur mère lui avait absolument tout dit. Est-ce qu’il aurait été plus présent ? Est-ce qu’il aurait levé le pied au travail ? Willow en doutait fortement. Elle était persuadée que rien n’aurait changé. « Oui, tu aurais dû venir me voir ou mieux être plus présent et le remarquer toi aussi. » Mais rien de tout cela n'avait été fait. Ilkan remettait en question sa confiance en son ex-femme. Il pensait réellement qu’elle lui disait tout. « Peut-être qu’elle aussi manquait d’occasion pour tout te dire. » Le temps qu’il passait au travail avait toujours été plus important que celui qu’il passait en famille. Dans les 24 h que contenait une journée s’ils avaient le droit à 5 ou 10 % de son temps, ils pouvaient s’estimer chanceux. Sans parler des jours où ils ne rentraient pas pour x ou y raison. Des raisons qui avaient cessé intéresser Willow depuis bien longtemps. Ilkan se postait devant Willow en lui demandant si elle lui pardonnerait un jour. Elle tentait de le faire sincèrement, mais à chaque fois quelque chose l’a bloqué. Une nouvelle chose comme que son père ne la connaissait pas, une chose qui rappeler toutes ses absences. « Je ne sais pas... Ne fais pas de promesse que tu n’as jamais su tenir. Ce n’est pas maintenant que tu devrais quitter ton travail, d’ailleurs, on ne t’a jamais demandé de le faire. » Willow n’était plus certaine de vouloir de cette séance de sport en compagnie de son père. La bonne humeur de ce matin n’était plus qu’un souvenir à présent. La déception avait pris le dessus sur tout le reste.