Qu'est-ce que tu veux au juste ?

-Pff, arrête de me prendre pour un débile, Anderson. J'ai pas besoin de tes leçons de politesse. Et ouais, les règles du basket, c'est sacré, connard. Ça forge le caractère et ça apprend à pas être une mauviette. Mais bon, c'est clair que t'as pas l'air de comprendre quoique ce soit au sport.

Il ne savait que j'étais si impoli. Mais mort de rire ! Cette phrase éclatée au sol, digne d'une bataille de bac à sable.
-T'avais qu'à me l'apprendre au lieu de te barrer. Comme quoi, on peut pas tout avoir dans la vie.

Il m'a même appelé Keagan. Pff, lui-même ne fait aucun effort pour être proche de moi... Donc bon. Si aucun de nous deux ne fait d'effort, c'est que c'était pas censé arrivé. Quoiqu'il croyait y avoir avec moi, cela n'arrivera pas, un point c'est tout. Si je l'appelle Anderson, c'est parce que c'est un mec que je connais pas. S'il m'appelle Keagan, c'est simplement pour confirmer que mon nom de famille n'est pas le sien.

Quand il me dit que je vais loin là, je n'ai aucune réaction. Je dirai même que pour l'instant, j'ai été sympa avec lui.

-Okay, ça fait plaisir de découvrir qu'au final, t'es le fond d'une capote. 'Fin bon, au moins maintenant je sais ce que je savais déjà, tu ne voulais pas de moi.
Vraiment, là, rien d'incroyable. Il ne m'apprend rien que je sais déjà. Je suis un accident, okay et ? C'est son excuse ?

Il se rapproche de moi. Je fronce des yeux. Qu'est-ce qu'il fout ? Qu'il reste à sa place, loin de moi ! Merci bien ! V'là, je suis poli, content saligaud ? Puis là, il dit que vu ma grande gueule, je ne pourrais pas l'écouter sans l'interrompre. A cela, je roule des yeux. Mais quel gamin sérieux. Pourquoi faut-il qu'il enfonce tous mes efforts ? Pourquoi quand je fais un pas vers lui, il me met un coup en pleine gueule ? Pff. Qu'importe. Je respecte ma parole, je ne l'interromps pas.

Quand il m'a sorti son histoire de barman camé, j'ai pas pu m'empêcher de lever les yeux au ciel. Comme si ça allait justifier quoi que ce soit. Mon père biologique, un junkie dealer, et ma mère, une alcoolo... Attends, une alcoolique ? Comment ça ? En tout cas, ces deux-là, c'était un vrai cliché à mort. J'avais envie de lui dire que sa vie merdique, c'était pas mon problème, mais j'ai tenu ma langue. Quand il eut enfin terminé son speech rythmé d'un violon là, je me suis permis d'ouvrir ma si grande gueule !

-Ouais, ouais, t'as eu une vie de merde, et alors ? C'est pas une raison pour tout foirer autour de toi.
J'ai dit que j'allais pas le juger en l'écoutant, j'ai rien promis pour après !

J'étais là, adossé au grillage, les bras croisés. J'aurais aimé qu'il comprenne à quel point il m'horripilait, mais je doutais que ça rentre dans son cerveau défoncé.

-T'as peut-être demandé à ma mère d'avorter, mais elle avait le droit de refuser. C'est sa vie, son corps, son choix. T'as pas le droit de décider à sa place, même si t'étais dans la merde jusqu'au cou. Assume tes conneries, au lieu de jouer à la victime. Tes décisions merdiques t'ont amené jusque là, te débine pas. Te cache pas derrière des excuses bidons. Mets-les au fond de ton cul, tes débilités à deux balles. Moi je vomis les faux-culs comme un doigt près de l'amygdale.

J'ai soupiré, les yeux rivés sur le sol. C'était difficile d'entendre tout ça, de voir à quel point il était pathétique. Mon père biologique est un dealer, un toxico et un ex-taulard ! Mais bon, peut-être que j'obtiendrais enfin des réponses claires. Tant pis s'il devait se ridiculiser encore plus.

-Tu voulais pas de moi. Okay. Pas de problème. Mais pourquoi tu m'as contacté, qu'est-ce que tu me veux ? J'étais très bien sans toi. Toi qui ne voulais pas de gosse, pourquoi t'as décidé de te réveiller un jour au matin en te disant "Bah putain, la capote craquée d'il y a 14 ans, qu'est-ce qu'elle est devenu ?".

Qu'est-ce que tu veux au juste ?

Jaimie Keagan & Jeffrey Anderson

Cette absence de saut coûtait drôlement cher. Jaimie n’en démordait pas. Comme quoi la sympathie et la gentillesse ne servaient à rien. Je devrais le rappeler à Jake qui m’avait mis en garde sur mon comportement vis-à-vis de Jaimie. Comme si son avis et ses mises en garde avaient un quelconque impact sur moi. Ça rentrait dans une oreille et sortait par l’autre. Puis, avant de me faire la morale, il devait se regarder dans un miroir et s’occuper du gosse qu’il avait eu avec cette russe. « Crois-moi, ce n’est pas avec moi que tu aurais appris la politesse. » On ne peut pas dire que je sois vraiment un exemple pour quoi que ce soit.

Jaimie conclut que je ne voulais pas de lui. Je n’allais pas le contredire, c’était la vérité. Mon comportement, toutes ces années, le confirmait également. Je me doutais, que cette conversation n’était pas simple pour lui. Mais rien ne servait de mentir pour qu’il se sente mieux. Dans cette histoire, on voyait bien que le secret et les non-dits n’avaient rien apporté de bons. Jaimie avait accepté d’écouter ma version des faits. Il était tout de même curieux et c’était totalement compréhensible. Je lui racontai donc brièvement l’histoire qu’il avait écoutée en silence. Malgré sa grande gueule, comme je l’avais désigné, il n’avait fait aucune réflexion. C’était certainement pour me montrer encore une fois que je me trompais sur lui. « Oui, tu as raison, j'avais une vie de merde. Ouais, ce n'est pas une raison de tout foirer. Mais tout foiré, ce n’est pas un choix. Ce que j’ai choisi, c'est de ne pas mêler un enfant dans cette merde. Tu étais bien mieux avec une cuillère d’argent dans la bouche avec Sanaa et l’autre que tu appelles papa. » Financièrement parlant, il n’y avait pas photo, sa mère était beaucoup plus à l’aise et il n’avait manqué de rien. Même question éducation et amour, Sanaa lui avait bien plus apporté que j’aurais pu lui donner. Elle était une très bonne mère, même si je savais qu’elle doutait beaucoup.

« Je suis totalement d’accord, c'est son choix, son corps, sa vie. C’est pour cela que je lui ai proposé et non imposé. Elle fait ce qu’elle veut. De toute façon, on ne peut rien exiger de ta mère. Elle t’a gardé et elle a assumé. » Je ne relevais pas toutes les attaques qu’il avait à mon égard et encore moins les insultes. Il avait probablement raison sur pas mal de choses. Même si ce n’était pas le cas, je ne le convaincrais jamais du contraire.

Jaimie me posait ensuite la question que je savais inévitable. Pourquoi j’étais revenue. « Je ne me suis pas réveillé un beau matin avec cette idée. J’ai toujours été dans la vie de Sanaa et dans la tienne. Même si apparemment, tu ne l'as jamais remarqué. J’ai voulu reprendre contact avec toi quand tu avais six ans, un peu près quand Jake est rentré dans vos vies. Sauf que sa venue a créé des tensions entre Sanaa et moi, donc elle n’a pas voulu. Elle m’a tenu éloigné pendant des années. J’ai retenté quand elle était enceinte de ta sœur, tu avais quoi ? Neuf ans ? Et c’est elle qui a pris des années avant de t’en parler et de te laisser le choix. » Cela faisait des années que je tentais de revenir, mais j'ai choisi sans doute constamment les mauvais timings. Jusqu’à repousser jusqu’à l’âge ingrat et l’adolescence. « Lorsque tu avais six ans, je sortais de cure de désintoxication, j’étais clean et j’ai arrêté de dealer. Aujourd’hui, je suis mécano. Pour répondre à ta question, je n’attendais rien de toi. J'estimais juste que tu avais le droit à la vérité et à des réponses à tes questions. »

AVENGEDINCHAINS

@Jaimie Keagan

_________________

J'ai plein de défauts. Je suis pas ce qu'on appelle un type bien...

Et le peuple est chockbar de bz.
-Bah voyons, le contraire m'aurait étonné.
Puis vraiment, est-ce que j'ai une gueule de quelqu'un qui désire apprendre quoique ce soit de lui ? Bah non, que dalle. Ses gênes sont déjà assez pourris comme ça, pas besoin qu'il me refile son "savoir" -même s'il doit plus se rapprocher de l'inculte- alors que son ADN m'apprend que de la merde. J'ai hérité de sa connerie et de sa politesse là. Enfin, de son manque de politesse. D'ailleurs, je suis surpris qu'il puisse connaître ce terme. Politesse. Mais qu'il ne sache pas l'appliquer, alors là, c'est pas un scoop. En terme de non-politesse, même moi, je suis pas aussi doué ! J'arrive à faire un effort quand même, je suis pas un connard fini, seulement en cours.

Puis là, il me raconte sa vie, des choses et d'autres, des clics et des clacs, des flics et des flaques, des paroles qui me font me rendre compte que plus il cause, moins j'ai envie de l'écouter brailler. M'enfin, je le laisse terminer, j'imagine trop le violon en fond dans ma tête. Ouais, je me fous de sa gueule, et ?

-Tu sais quoi ? Enfin ça m'étonnerait vu que t'as l'air de jamais rien savoir. Ta vie de merde, tes choix pourris, tes désintox, tout ça, c'est pas mon problème. T'as peut-être changé, mais moi, je te connais pas. T'es qu'un mec qui débarque et qui veut se donner bonne conscience en balançant des excuses à la con.
Tout foiré, ce n'est pas un choix. Bah oui, c'est ça. Mais rien n'avoir que moi, je m'appelle choix numéro 1 que t'as foiré enfoiré.

-Et ça, t'en sais rien. Tu t'es jamais donné la peine de le découvrir.
Fis-je en le regard dédaigneux, ouais, il a fait aucun effort. Il a pas voulu de moi, il s'est lâchement barré. Maman est restée. Pourtant j'aurai juré que c'était elle qui n'avait pas de couilles...

-Ouais, elle a assumé. Et toi, t'étais pas obligé de coucher avec elle, t'étais pas obligé de finir en taule, camé, ni de te casser. Ces choix-là, ils n'appartiennent qu'à toi. Et me fais pas croire que ce que t'as fait, c'était pour moi. Je suis pas le dernier des imbéciles, ni le premier d'ailleurs. Tout ce que t'as fait, tout, c'était pour toi. Parce que t'avais pas le courage de tout encaisser, t'as préféré tout fuir. Et cela me va, je ne vais pas t'en tenir rigueur si t'es un lâche, après tout on ne choisit pas sa nature, mais il est peut-être temps d'assumer ce point, non ? Ha c'est vrai, j'oubliais, assumer, c'est pas ton fort hein ?
Je me fous de sa gueule, yep. Je vais me gêner. T'as cru que j'étais le roi de l'indulgence ? Je suis plutôt le bouffon dans cette histoire, on s'est bien foutu de moi !

J'éclate de rire quand il m'annonce, en le pensant, qu'il a toujours été présent dans ma vie.
-T'es un p'tit comique toi. Allez, blague à part, je vais t'avouer un truc : je me souviens de toi. Comment aurais-je t'oublier hein ? T'étais si chaleureux... Tu tirais une sale tronche H24, tu ne disais jamais "bonjour", "au-revoir" et apparemment, sourire t'aurait décroché la mâchoire. Et puis les seuls fois où tu daignais m'accorder un regard, c'était pour me dédaigner. Donc ouais, c'est vrai, t'étais présent dans ma vie. Je dirai même que t'étais, pour moi, la figure de l’épouvantail.
Il a déjà la gueule de l'épouvante et je ne doute pas que son halène ait l'odeur des trois lettres qui manquent.

-Ouais, elle m'a laissé le choix. Elle aurait plutôt dû me dire que mon père était mort en héros, cela m'aurait évité cette déception.
Je m'attendais à rien en le rencontrant et je suis quand même déçu.

-Tu n'as jamais voulu de moi, donc tu vas être ravi d'apprendre que maintenant, c'est moi qui ne te veux pas. Au moins, on est sur la même longueur d'onde.
La première et dernière fois sans doute. Je me lève et je me tire, sans demander mon reste. Parce qu'il ne reste plus rien, pas étonnant pour ce qu'il n'y a jamais rien eu.

@Jeffrey B. Anderson