Tout doucement, Blake tentait de reprendre une vie normale sans Asher. Elle n’arrivait toujours pas à mettre un pied à l’hôpital. Elle doutait également d’avoir la capacité d’y retravailler un jour. À chaque fois qu'elle approchait de ce lieu, elle revoyait le décès de l'homme qu'elle aime. Elle parlait au présent parce qu'aujourd'hui ses sentiments n'avaient pas changé, même s'il n'était plus là désormais. La jeune femme commençait à envisager de quitter le monde des urgences. Elle s’installerait peut-être dans un cabinet plus calme. Elle ne savait pas si l’absence d’action lui manquerait ou pas. Elle le verrait bien en temps voulu. Mais elle ne pouvait pas rester encore longtemps sans exercer son métier. Cela faisait déjà des mois qu’elle avait tout abandonné pour faire son deuil à sa manière. C’était probablement la pire manière de faire, mais c’était ce dont elle avait besoin à ce moment précis. Au moins, elle ne s’était pas plongée dans l’alcool ou la drogue. C’était une bonne chose qu’elle n’est pas choisie la facilité pour oublier sa peine.

Aujourd’hui, Blake avait recommencé à donner des cours d’autodéfense. Comme elle l'avait fait dès qu’elle avait quitté l’armée, que son état de santé lui permettait. Ces cours lui tenaient réellement à cœur. Elle aidait de nombreuses personnes à gagner, confiance en elle et à se sentir un peu plus en sécurité. D’aussi loin qu’elle se souvient, la blonde avait toujours fait des sports de combat, elle en avait fait plusieurs même. Ça lui avait bien servi dans l’armée, même si le corps-à-corps n’arrive quasiment jamais. C’était toujours utile de savoir se défendre en cas de besoin. C’est pour cette raison qu’elle faisait cela bénévolement. Parmi ses élèves, on pouvait compter majoritairement des femmes, mais pas seulement. Quelques hommes, également, y participent.

Blake rentrait de son cours, elle venait de garer sa voiture près de chez elle. Elle consultait son téléphone qui avait sonné lors de sa conduite quand son regard croisé celui d’un homme. Quelques secondes après, il avait chuté en rentrant en collision avec un groupe d’enfants. Il prenait un peu de temps pour se relever. Blake décidait d’aller à sa rencontre pour voir s’il avait besoin d’aide. « Je peux vous aider ? » Dit-elle en lui tendant la main. Elle l’aidait à se relever. Apparemment, il avait mal à la cheville et sa lèvre en sang. Elle l’installait sur un banc non loin. « Ne bougez pas. Je reviens. » Elle allait prendre dans sa voiture sa trousse de secours. Elle l’avait toujours dans son coffre, ça pouvait être utile en cas d’accident. Elle revient vers l’homme et s’installe à côté de lui sur le banc. « Je peux ? » Dit-elle en désignant sa lèvre ensanglantée. « Je m’appelle Blake et je suis médecin. » Histoire qu’il sache qui elle était et qu’il était entre de bonnes mains.  

En se garant devant chez elle, Blake vit un homme faire une jolie chute. Après quelques secondes d’hésitation, la jeune femme jouait les âmes charitables en lui apportant son aide. Il avait apparemment mal à cheville. La blonde le guidait donc jusqu’à un banc non loin. En voyant sa lèvre en saignée, elle le laissait quelques secondes, seul. Elle se dirigeait vers sa voiture pour récupérer une trousse de secours. Blake se présente en mettant du désinfectant sur une compresse. Elle demandait à Nick si elle pouvait désinfecter sa lèvre. Il avait une question, est-ce que ça va piquer. Était-il un homme douillé qui a peur de la douleur ? « Oui, ça peut piquer, mais vous aurez encore plus mal si cette coupure s’infecte. » Avec son autorisation, elle désinfecte sa lèvre. « Non, je n’ai pas de cabinet, j’étais urgentiste. » Parler au passé de sa carrière n’était peut-être pas très rassurant. Nick ne risquait rien avec la jeune femme. Elle ne faisait que désinfecter sa plaie, sa vie était loin d’être en danger. Il sortait son chèque en lui demandant combien il devait payer. « Rangez ça, vous n’avez pas à me payer. » Il était en difficulté, elle est médecin, c'était quelque chose de juste normal pour Blake. Elle n’attendait aucune contrepartie en retour. Elle ne faisait que son travail. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas pris soin de quelqu'un, même pas d'elle.

Nick sortait son pied de sa chaussure en demandant à Blake si elle pouvait faire quelque chose pour sa cheville ou s’il devait aller à l’hôpital. Elle s’accroupit devant lui pour voir sa cheville qui avait bien gonflé. « Vous ne pourrez pas remettre votre chaussure. Je ne peux rien faire, il faut faire une radio pour vérifier que ce n’est pas cassé. Je pense que vous avez une entorse. » Il devait aller aux urgences. Blake hésitait à l’y conduire ou appeler les pompiers. Ils avaient déjà bien assez de travail. Cela faisait déjà quelques semaines que la demoiselle Hartfield tentait de passer les portes de l’hôpital pour reprendre le travail. Mais sans succès, elle revoyait sans cesse le décès d'Asher. Elle était également prise d’angoisse. Elle fuit toujours le plus loin possible de l’hôpital. Est-ce qu’elle réussirait à conduire Nick jusqu’aux urgences ? Est-ce qu’il ne serait pas préférable pour tout le monde qu’elle appelle une ambulance ou les pompiers ? Toutes ses questions se bousculaient dans sa tête. Mais elle finit par dire en refermant sa trousse d’urgence. « Venez, je vais vous y conduire. » Elle lui proposait son bras comme appui pour l'aider à marcher jusqu'à la voiture où elle lui ouvrit la portière.

Nick avait drôlement l’air de souffrir avec sa cheville. Si du désinfectant sur sa lèvre lui faisait peur, une entorse ou une cheville cassée devait être pire. Il tentait de faire tant bien que mal, bonne figure. « Vous allez survivre. » Blake n’aimait pas beaucoup les personnes qui se plaignent. Elle pouvait cependant comprendre. Elle pensait qu’il avait une entorse étant donné que sa chute n’était pas trop violente. Mais au vu de la couleur de sa cheville et du volume de son pied, elle doutait de son diagnostic. C’était peut-être cassé. Il était drôlement malchanceux.

Après un débat intérieur, la demoiselle Hartfield décidait de déposer Nick aux urgences. Elle ne pouvait pas le laisser se débrouiller seul sur ce banc. Il était également ridicule de faire déplacer les pompiers pour quelque chose comme ça qu’elle pouvait faire. Elle risquait aussi de croiser les anciens collègues de son fiancé. Il lui reprocherait probablement de n’être jamais revenu leur rendre visite à la caserne depuis le décès d’Asher. Auparavant, elle passait régulièrement pour voir l’homme qui aurait dû devenir son mari. Le fait qu'il n'était plus là n'était pas une excuse. La caserne était une famille pour Asher et des amis pour Blake. Elle avait perdu son fiancé, mais eux aussi ont perdu un frère. Ils devaient s'autosoutenir au lieu de s'éviter comme elle s'entêtait à le faire.

Il semblerait que le débat intérieur de Blake se lise sur son visage puisque Nick lui demandait comment elle allait. Ils étaient dans la voiture. « Je vais bien. C’est gentil, mais votre statut d’avocat ne me sera d’aucun secours. » Elle n’avait aucunement besoin de ses services, elle n’avait aucun souci d'ordre judiciaire. Ces problèmes étaient simplement émotionnels. C’est d’un bon psychiatre dont elle aurait besoin. En se garant sur le parking des urgences, Nick demandait à Blake si elle pouvait rester avec lui. La blonde sortait son téléphone portable et envoyait un message à l’une des amies infirmières qui, elle l’espérait, travaillait aujourd’hui. Elle lui dit qu’elle avait un patient pour elle et qu'elle devait venir le récupérer avec un fauteuil roulant. Avec son évocation de sa fiancée, il avait fait remonter des souvenirs dans la mémoire de Blake. Elle ne pouvait pas aller plus loin et faire plus pour Nick. « Non, je ne peux pas rester avec vous. Vous êtes un grand garçon. On va très bien s’occuper de vous en attendant que votre copine arrive. » L’amie de la demoiselle Hartfield sortait de l’hôpital avec un fauteuil. Elles ne s’étaient pas revues depuis l’enterrement d’Asher. L’atmosphère était tendue, mais aucune des deux ne disait un mot. Elles savaient que ce n’était pas le moment d’en parler. Blake était sorti de la voiture pour ouvrir la portière de Nick et donner les informations à son ancienne collègue. Elle commençait par un « merci » avant de poursuivre. « Il était tombé et il se plaint d’une forte douleur à la cheville. Elle est peut-être cassée. » Elle l’aidait à s’installer dans le fauteuil roulant avant de remonter dans sa voiture.

Blake se sentait un peu nulle de refuser à Nick une chose aussi simple que patienter avec lui aux urgences. D’autant plus que c’était seulement le temps que sa petite amie arrive. Malheureusement, c’était au-dessus de ses forces. En ce moment, ce lieu était synonyme d'un cauchemar pour elle. Bien qu’un jour, il faudrait bien qu’elle y retourne. C’était mieux qu’elle le soit en tant que médecin plutôt qu'en tant que patiente. Dans tous les cas, ce sera inévitable. La demoiselle Hartfield avait tout de même pris soin de confier Nick à une collègue de confiance avant de s’en aller.


Des mois avaient passé, Blake reprenait doucement du poil de la bête. Son appartement ne ressemblait plus à un champ de bataille, tout avait repris sa place initiale. Même si les affaires d’Asher étaient toujours présentes. Elle n’était pas encore prête à vider sa partie de son dressing et d’autres de ses affaires. Elle avait toujours besoin de ça pour sentir sa présence près d'elle. La jeune femme était en train de se préparer à déjeuner quand quelqu’un vient frapper à sa porte. Blake n’attendait personne aujourd’hui. Elle allait ouvrir en étant surprise de découvrir Nick sur le pas de sa porte. « Nick ? » Elle espérait ne pas s'être trompée de prénom, ça remontait à quelques mois déjà. Mais que faisait-il là ? Comment avait-il eu son adresse surtout ? C’était presque inquiétant. « C’est une surprise de vous voir. ici » Elle espérait qu’il lui fournirait quelques explications tout de même.

Nick était bien la dernière personne que Blake s’attendait à voir en ouvrant sa porte. Sa venue suscitait énormément de questions. Il ne tardait pas à lui expliquer la raison de sa présence. En l’aidant, la demoiselle Hartfield n’attendait rien en retour. Encore moins des remerciements ou des excuses. Elle ne comprenait pas. Ce qui l’intriguait le plus, c’est comment il avait connu son adresse. Il s’était blessé dans sa rue, mais Blake n’avait jamais fait référence à son domicile. Même les accessoires médicaux dont elle avait eu besoin, elle les avait récupérés dans sa voiture et non chez elle. Le médecin était persuadé de n’avoir rien dit à ce sujet. C’est quelque chose qu’elle ne ferait jamais en raison de sa nature assez méfiante. Elle est une femme qui vit seule, donc elle faisait attention aux personnes qui connaissaient son adresse ou qui venaient chez elle. D’autant plus qu’en ce moment, elle était plutôt vulnérable.

Elle sortait de chez elle, ce qui faisait reculer Nick. Elle refermait la porte derrière elle en lui répondant. « C’est gentil, mais vous n’avez pas besoin de me remercier et je pense que vous l’avez déjà fait. Et ne vous ne me devez aucune excuse, je ne sais pas ce que vous pensez avoir compris. Comme beaucoup de monde, je n’aime pas les hôpitaux, c'est commun. » Ce qui est bizarre pour une femme qui a choisi de se spécialiser dans les soins d’urgence. D’un autre côté, elle n’avait jamais prévu de quitter l’armée aussitôt, à peine trente ans. Jamais elle n'aurait pensé être blessée, au point de ne plus être apte. Encore moins qu’elle serait touchée également psychologiquement. « Je vois bien que vous êtes très fier d’être avocat. Mais vous ne devriez pas vous servir de votre statut à des fins personnelles, je ne suis pas sûre que ce soit très éthique. Et c’est une violation de ma vie privée d’avoir cherché mon adresse, non ? »