J'avais douillé tout le long du trajet jusqu'à l'hôpital, mais les pompiers avaient été d'un grand soutien et s'étaient montrés réconfortant, sans pour autant se prononcer sur mon diagnostic. En quelques minutes, le camion était arrivé dans la zone de l'établissement hospitalier, et j'avais très rapidement été prise en charge. Plus les minutes passaient et plus je prenais conscience de l'ampleur de la situation et de ce qui se jouait. Je comprenais également pourquoi j'étais tellement à cran ces derniers temps. Les hormones m'avaient rendues à fleur de peau.
En arrivant au service gynécologique, une sensation d'étouffement me pris, et je compris rapidement qu'une grise d'angoisse arrivait doucement mais surement. Les larmes commençaient à rouler sur mes joues et je m'agitais malgré moi dans le lit dans lequel j'avais été installée. Très vite, une équipe me pris en charge en m'administrant un tranquillisant ainsi qu'une perfusion afin de me soulager de la douleur, en attendant qu'on vienne me chercher pour passer les examens nécessaires. J'avais été isolée dans une chambre, au calme. Et alors que je me sentais portée sur un nuage, j'entendis le bruit de la porte de la chambre s'ouvrir, mes yeux en firent de même. Raphael venait d'arriver, il pris ma main en s'asseyant sur le rebord du lit.

« Comment tu te sens ? »

J'entrouvris les lèvres, sans qu'aucun son ne sorte. Tout se bousculait et il était compliqué pour moi de suivre mes idées. Au même moment, une infirmière entrebailla la porte et s'adressa à mon frère :

« - Nous avons été obligé de lui administrer un calmant, elle a fait une crise d'angoisse en arrivant. Il est possible qu'elle soit un peu à côté de la plaque. » Elle lui adressa un signe compatissant de la tête, et s'en alla.

Je me mettais alors en tête de répondre à mon frère.

« - Je... » C'était compliqué de répondre à cette question, en réalité. J'étais sonnée par la découverte et par l'épreuve que venait de me faire vivre mon corps. « - Je culpabilise » Une larme s'échappa au même moment, dévalant ma joue à grande vitesse.

Tant de sentiments venaient à nouveau se mêler les uns aux autres, et j'étais complètement incapable de faire le tri dans tout ça. Je n'espérais qu'une chose : que je puisse sortir d'ici et très rapidement.

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Se retrouver dans un hôpital n’était jamais quelque chose de plaisant. C’était sans doute encore plus vrai pour les Ashmore depuis quelques semaines. Raph n’avait pas été là, il n’avait pas eu à endurer cette attente à l’hôpital avec sa mère et sa sœur. Mais ce n’était pas pour autant qu’il appréciait cette atmosphère pesante qu’il ressentait au sein de ces murs. L’inquiétude qui le tiraillait concernant Lola n’arrangeait clairement pas les choses. Heureusement que leur mère n’avait pas insister pour venir. C’était déjà compliqué pour lui de la voir dans cet état, leur mère aurait sans doute été totalement dévastée. D’ailleurs, quand il lui demanda comment elle se sentait, il ne reçut aucune réponse dans un premier temps. Elle lui semblait dans un état bizarre, très inhabituel de ce qu’il avait l’habitude de voir. C’est l’infirmière qui l’informa qu’elle avait eu droit à un tranquillisant, après une crise d’angoisse. Ce qui n’était pas vraiment étonnant aux vues des circonstances.

Raph remercia alors l’infirmière avant de se tourner à nouveau vers sa sœur qui essayait de lui dire quelque chose. Et les mots qui sortirent de sa bouche lui brisèrent le cœur. Surtout qu’il connaissait parfaitement le sentiment qu’elle venait d’exprimer. La culpabilité, il la traînait depuis dix ans, mais lui avait de bonnes raisons de le faire. Il avait prit une décision qui avait affecté beaucoup de monde, et il en payait encore les conséquences aujourd’hui. Pour Lola, c’était totalement différent.

« Eh, t’as pas à t’en vouloir. C’est pas de ta faute ce qu’il vient d’arriver. »

Ça n’était la faute de personne, après tout. Ça arrivait, sans que personne ne sache réellement pourquoi, au final. Et même si Lola ignorait qu’elle était enceinte, Raph la connaissait assez pour savoir qu’elle n’était pas du genre à faire des excès. C’était son truc à lui, ça l’avait toujours été. Elle avait toujours été la prudente et lui le téméraire. Il passait une main sur son visage pour essuyer les larmes qui y avaient coulées.

« Tu veux que je prévienne Ulrick? »

La question se posait, après tout, et il n’était pas certain qu’elle en avait envie. Les choses n’avaient pas l’air de se passer très bien entre eux, du moins de ce qu’il avait pu constater. Elle évitait ses appels, elle avait dit qu’elle ne le supportait plus. Et bien sûr, Raph aimerait en savoir plus mais il ne l’incendiait pas de questions pour autant. Si elle voulait se confier à lui, il était là, mais il ne voulait la forcer en rien. Elle n’avait clairement pas besoin de ça pour l’instant.

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Je voyais Raphael à la fois inquiet et troublé. Il fallait dire que le milieu hospitalier n'avait rien de chaleureux. Connaissant mon frère, il se sentait sans doute démuni par la situation, et pris de cours. Comme si nous avions besoin de ça en plus en ce moment...

« Eh, t’as pas à t’en vouloir. C’est pas de ta faute ce qu’il vient d’arriver. »

Ses doigts passèrent avec douceur sur mes joues afin de faire disparaitre les larmes qui y avaient trouvé refuge.

« - Tu ne comprends pas Raph... » disais-je tout bas. Je n'étais pas certaine de vouloir poursuivre la suite des explications. Il n'avait pas saisi le sens de ma culpabilité, et après tout, comment l'aurait-il pu ? Lui qui ne savait rien de ma situation sentimentale. Je me prenais déjà pour une cinglée de penser à tout ça.

« Tu veux que je prévienne Ulrick? »

« - Surtout pas. » avais-je répondu presque immédiatement et sèchement. « - Il ne doit rien savoir. » avais-je ajouté pour renforcer ma position. Je savais que mon frère pensait me rendre service, mais je ne voulais qu'Ulrick apprenne tout ce qui se passait. Ou c'en était fini de moi.

Je me rendais cependant bien compte que mes réactions n'allaient pas laisser Raphael sans questions. Et il prenait sans doute énormément sur lui pour ne pas m'assaillir avec toutes ces questions en suspens. Et après tout, il s'agissait de mon frère. De mon jumeau qui plus est. Celui pour qui je n'avais jamais eu aucun secret jusqu'à ce qu'on se retrouve séparé pendant 10 ans.
Croisant le regard de ma moitié, je lâchais un soupir en baissant mon regard en même temps, honteuse. Puis je soulevais la manche de mon pull jusqu'au coude dévoilant une ecchymose. J'en faisais de même en relevant cette fois mon pull jusqu'à mes côtes, laissant apparaître un deuxième bleu bien violacé et plutôt étendu sur la droite de l'abdomen.

Je savais qu'il ne lui faudrait pas longtemps pour comprendre.

« - Je culpabilise parce que je suis soulagée que cet enfant ne voit pas le jour. » finissais-je par lâcher, sans grande émotion dans la voix.

Puis peu à peu ma gorge se serra, mon visage se crispa, et je laissais échapper dans un sanglot :

« - J'ai toujours voulu être mère, mais pas comme ça. Pas dans ces conditions si désastreuses pour l'arrivée d'un bébé. »

Il n'eut pas le temps de me répondre. Quelques secondes seulement après mes paroles s'écoulèrent et une infirmière entra à nouveau dans la chambre.

« - Je vais vous emmener pour l'échographie. Vous serez remontée d'ici une vingtaine de minutes. »

J'implora du regard mon frère de ne pas bouger et de m'attendre. Je ne voulais pas rester seule dans cette chambre impersonnelle à mon retour.
Alors que l'infirmière emmenait le lit dans lequel j'étais allongée, je laissais derrière moi mon frère et mes affaires, dont mon téléphone portable qui vibra à nouveau dans mon sac, posé sur une chaise...

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Non, sans doute qu’il ne comprenait pas. Et il ne pourrait sans doute jamais comprendre, d’ailleurs. Raph étant un homme, jamais il ne pourrait se mettre à la place d’une femme se trouvant dans cette situation. Et cela même s’il pouvait lire les émotions de sa sœur sur son visage comme dans un livre ouvert. C’était sans doute ça le plus dur au final. Il aimerait pouvoir comprendre, trouver les bons mots pour la rassurer, lui dire que tout irait bien. Mais il n’en savait rien. Et pourtant, il était quand même là. Il était là parce qu’il sentait qu’il le devait, parce qu’il sentait que sa place était ici, à ses côtés. Elle avait besoin de lui, et il n’était pas question pour lui de la laisser tomber à nouveau.

Quand il lui demanda si elle voulait qu’il prévienne Ulrick, sa réponse fut immédiate. Et en toute honnêteté, Raph n’en avait pas vraiment étonné. Il sentait que quelque chose n’allait pas, même s’il n’avait aucune idée de ce qu’il se passait réellement. Et c’était ça qui l’inquiétait, justement. Il ne le connaissait pas, après tout. Il n’avait jamais vraiment eu l’occasion de le rencontrer et l’avait peut-être entraperçue seulement quelques fois, quand il appelait ses parents en visio et qu’ils étaient là. Il n’avait aucune idée de l’homme qu’il était, et la réaction de sa sœur ne le rassurait pas vraiment sur la question.

« Comme tu veux. »

Loin de lui l’idée de la brusquer, au contraire. Et encore moins de l’assaillir de questions auxquelles elle n’avait peut-être pas envie de répondre. Surtout que Lola le savait, si elle voulait se confier à lui, il serait là pour l’écouter et pour la soutenir. Mais il doit bien avouer qu’il ne s’attendait pas à ça. Quand sa sœur souleva la manche de son pull, puis qu’elle dévoila ses côtés, son sang ne fit qu’un tour. Une colère noire montait en lui alors qu’il commençait à comprendre. Cet enfoiré la frappait. Il avait osé lever la main sur elle, et ça ne devait sans doute pas être la première fois. En d’autres circonstances, Raphael se serait certainement laissé aller à sa colère, mais là ce n’était clairement pas le moment. Elle n’avait pas besoin qu’il se révolte, elle avait besoin de savoir qu’elle n’était pas seule. Il la prit alors dans ses bras, caressant doucement ses cheveux. Mais il n’eut pas le temps de lui répondre. Une infirmière venait d’arriver.

« Je t’attends ici. »

Il laissait l’infirmière l’emmener, même s’il n’en avait pas du tout envie. Au moins dans cet hôpital, elle était en sécurité. Et il n’était pas question qu’il la laisse rentrer chez elle ce soir. Entendre son téléphone vibrer le fit un peu revenir à la réalité. Il le sortit de son sac pour regarder qui essayait de la joindre. Évidemment, c’était lui. Et cette vision attisa à nouveau cette colère qu’il avait ressenti quelques minutes plus tôt et qui le poussa à décrocher.

« Laisse-la tranquille, Ulrick. »

Sa voix laissait bien transparaitre toute la haine qu’il pouvait ressentir à son égard. S’il l’avait eu en face de lui, il lui aurait sans aucun doute déjà envoyé son poing dans la tronche. Mais pour l’instant, il ne pouvait pas le faire.

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L'infirmière avait arrêté mon lit dans un des couloirs de l'étage où se trouvait le service radiologique. Elle m'avait demander de patienter quelques instants, le temps que la salle soit préparée. Un temps interminable pour moi qui me renvoyait dans ma bulle, à mes pensées, et à tout ce que je venais de révéler à mon frère. Cela avait du faire l'effet d'une bombe à retardement. Mais qu'avais-je fait ? Et en même temps, je me sentais soulagée d'un poids d'avoir partagé ce lourd secret.

Très vite finalement, je fus déplacée dans la salle d'échographie et un médecin arriva. À sa demande, je remontais mon pull afin de dévoiler mon ventre, mais je veillais activement à ce que mes côtes restent camouflées. Je n'étais pas prête à subir un interrogatoire et une intrusion dans ma vie privée, c'était déjà assez compliqué d'en parler avec un proche.
La fraicheur du gel appliqué sur mon ventre me tira de ma torpeur, mais très vite, je retournais à penser à Raphael. Il m'attendait dans la chambre, il me l'avait dit. J'espérais vraiment qu'il serait là à mon retour. Je pensais également à ma mère, qui devait sans doute être morte d'inquiétude mais que je savais en sécurité à la maison. La pauvre. J'aurais tant donné pour qu'elle n'assiste pas à tout ça.

« - Hm. » avait marmonné le médecin. Mon regard se posa sur lui. J'étais comme à des milliers de kilomètres d'ici, et pourtant physiquement présente. Mon regard interloqué ne tarda pas à lui déverrouiller la parole.

« - Il s'accroche. » En même temps qu'il prononçait ces mots, il tourna le volume de la machine. Très vite, j'entendais les battements du cœur qui me prirent à la gorge. « - Il n'y a rien à faire pour espérer améliorer la situation. On va vous passer un produit en intraveineuse pour aider votre corps à terminer le travail. Et je vais demander à l'équipe médicale de vous faire un bilan sanguin également. »

Très vite, l'échographie pris fin.

« - Vous étiez enceinte de 7 semaines. Je suis désolé. » termina le médecin en jetant à la poubelle ses gants en latex et en quittant la salle.

Le coup de massue venait de tomber. Autant de détails que j'aurais préféré ignorer. Le nombre de semaines, le fait qu'il était encore là, niché dans le creux de mon ventre.

Une infirmière vint me récupérer, installant à nouveau mon lit en attente dans le couloir. Elle venait de me dire qu'elle allait me remonter d'ici quelques instants, le temps de finir les soins sur un autre patient.

Alors, je patientais.

---

Pendant ce temps, dans la chambre...

L'appel fut finalement décroché, mais un grand blanc survint lorsqu'Ulrick reconnu le timbre de voix qui lui répondait...

« - Passe moi ta sœur p'tit merdeux, j'ai à lui parler. » avait-il répondu avec un air presque amusé mais ferme.

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Raphael ignorait s’il avait bien fait de décrocher ou non, mais une chose était sûre, il ne pouvait pas rester les bras croisés à ne rien faire. Déjà parce que ce n’était pas dans sa nature, mais aussi parce qu’il s’agissait de sa sœur. La laisser dans cette situation, retourner auprès de ce monstre, ce n’était même pas quelque chose d’envisageable pour lui. Pas après ce qu’il avait vu, et encore moins après ce qu’il venait de se passer. Le pire étant qu’il n’était même pas au courant de toute l’histoire, et d’un autre côté, c’était sans doute mieux comme ça. Parce que le moindre détail supplémentaire pourrait le pousser à prendre sa voiture pour retrouver cet homme – si on pouvait l’appeler ainsi – et le massacrer sans même sourciller. Pourtant Raph n’avait pas un tempérament violent, mais s’en prendre à quelqu’un qu’il aimait pouvait le faire vriller en quelques secondes.

« T’as rien à exiger venant de moi, ou même d’elle d’ailleurs. Mais bon, venant d’un type qui prend plaisir à frapper une femme, je devrais pas vraiment être étonné. »

Il essayait de garder son calme, mais c’était de plus en plus difficile. En fait, rien que le fait d’entendre sa voix à l’autre bout du fil attisait sa haine et sa colère. Et sa peur aussi, d’une certaine manière. Très clairement, Raph ne laisserait pas Lola rentrer chez elle aujourd’hui. Et même jamais. Il ferait tout pour la protéger, quitte à l’emmener au travail et à venir la chercher le soir, s’il le fallait. Mais il n’était pas question qu’elle revoit cette ordure.

« Écoute bien ce que je vais te dire, sale enfoiré. N’approche plus Lola. N’essaye même pas de l’appeler ou de la contacter de quelque manière que ce soit. Parce que je te jure que si t’essaye, c’est moi qui vais te retrouver et t’exploser la gueule. »

Sur ces paroles pleines de poésie, Raph raccrocha et éteignit le téléphone de sa sœur avant de le remettre dans son sac. Elle n’allait sans doute pas tarder à revenir, et elle n’avait clairement pas besoin d’avoir connaissance de cette conversation. Même s’il allait falloir y faire quelque chose, bien entendu. Mais il serait là pour la soutenir, à chaque instant.

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Le temps me paraissait interminable, et réfléchir constamment aux 1001 questions qui me heurtaient m'épuisait plus qu'autre chose. Finalement, une infirmière arriva à la hauteur de mon lit, elle accrocha une poche de liquide transparente sur la barre transversale et vint la relier à mon cathéter.

« - C'est le produit dont le médecin vous a parlé. » m'expliqua t-elle. « - Je vais vous remonter dans votre chambre et une collègue viendra vous faire votre prise de sang. »

J'hocha de la tête et la remercia, le lit se remis en mouvement. Au bout de quelques minutes et après un ascenseur, mon lit atterrit enfin dans la chambre où m'attendait mon frère, il était encore là. La porte se referma derrière l'infirmière, je me retrouvais enfin seule dans ma bulle d'intimité qui n'appartenait qu'à moi & mon jumeau. Je ne savais pas si je devais lui dire ce que j'avais su au moment de l'écho, je ne savais même pas si j'avais envie d'en parler. Envie surement pas, besoin peut être d'avantage. Mais la pudeur l'emportait et je ne parvenais pas à verbaliser tout ça. J'avais entendu son cœur battre. Cet instant, bien que douloureux, n'appartenait qu'à moi.

« - Une infirmière doit venir me faire une prise de sang... » disais-je histoire de briser le silence. Mais je ne parvenais pas à le regarder, et mon regard fuyant s'envola presque instantanément par la fenêtre de la chambre.

Il y avait une espèce de lourdeur dans l'atmosphère, et je sentais que mon frère était contrarié. Il avait de quoi l'être, au vue de la situation. Mais un étrange pressentiment me poussait à me dire que ça n'était pas tout.

« - Raph ? »

Une question qui n'en était pas vraiment une, mais j'espérais attirer suffisamment son attention pour qu'il me confie ce qui lui passait par la tête.

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Quand Lola fut ramenée par l’infirmière, Raphael essayait de reprendre contenance. Ce qui n’était pas facile, très clairement. De toute façon, cette situation n’était pas faite pour être simple. Surtout que plus Raph y réfléchissait, plus il se disait que les choses auraient sans doute été différentes, s’il avait été là. Loin de Los Angeles, loin de sa sœur, il ne s’était pas rendu compte de ce qu’elle vivait. Et pire que tout, il n’avait pas pu l’empêcher. Lui aussi ressentait de la culpabilité par rapport à ça. Il aurait dû être là, il aurait dû se rendre compte des choses, la sortir de tout ça. Mais il ne l’avait pas fait. Et c’était bien quelque chose qu’il comptait changer.

« D’accord. »

Cette information était entrée dans son oreille, mais sans vraiment atteindre son cerveau. Il était ailleurs, même s’il savait qu’il ne devrait pas. Mais cette colère et cette haine envers Ulrick était toujours en lui. S’il ne risquait pas de finir en prison, il serait sans doute déjà parti le tuer lui-même pour avoir osé lever la main sur sa jumelle. Mais il ne le pouvait pas. Il était perdu au milieu de tout ça, le regard dans le vide, quand sa sœur l’interpella à nouveau. Il leva alors ses yeux vers elle, se rendant bien compte que son comportement n’était clairement pas le meilleur à adopter dans cette situation.

« Tu vas dormir chez moi ce soir. Il est pas question que tu retournes là-bas pour l’instant. »

Il s’était à nouveau assit à ses côtés, reprenant sa main dans la sienne. Même s’il n’avait pas été présent pour elle ces dernières années, il comptait bien l’être maintenant. Il ne la laisserait pas affronter tout ça toute seule, il n’en était pas question.

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Raphael avait vaguement répondu. Il était ailleurs, et je sentais un sentiment néfaste le consumer de l'intérieur, sans trop savoir, bien que mes doutes étaient appuyés par l'idée que ce que je lui avais montrer tout à l'heure n'y était pas pour rien. Raph avait toujours eu un instinct de protection, depuis notre plus jeune âge. C'était le premier à aller casser des gueules dans la cours de récréation lorsque des garçons m'embêtaient. Et ça n'avait pas changé en vieillissant, c'était même pire.
Je ne pu m'empêcher de réprimer un sourire à cette pensée. Ces années d'innocence me paraissaient si loin. Nous étions à la fois comme chien & chat et en même temps tellement inséparable. L'un n'allait jamais nulle part sans l'autre et vice versa. De la route avait été faite depuis.

« Tu vas dormir chez moi ce soir. Il est pas question que tu retournes là-bas pour l’instant. »

Je ne su retenir un râle et un long soupire s'empara de moi, tandis que je roulais des yeux, agacée.

« - Ça, ça ne va pas être possible. commençais-je à dire avec un regard inquisiteur dans sa direction. Il va se douter de quelque chose si je ne rentre pas. »

Et puis même. Raphael avait été absent pendant 10 ans. Il ne pouvait pas prétendre revenir et du jour au lendemain envoyer tout valser selon ses désirs.

Je déglutis, puis tentais de dévier son attention sur un autre sujet.

« - Tu ne m'a pas raconté, ta vie, à Londres... »

Mes yeux se levèrent lentement vers la poche de produit, et je constatais que celui-ci s'écoulait doucement, au goutte à goutte, dans ma perfusion. Je m'en étais plus ou moins douté, les contractions m'ayant repris il y a quelques minutes, semblables à des coups de couteau. Ma main glissa instinctivement jusqu'à mon ventre, comme un dernier adieu pour l'ange qui prenait son envol.

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Peut-être que ça venait de ses parents, mais une chose était certaine : Raphael n’avait jamais supporté qu’on fasse du mal aux gens, et encore moins aux personnes à qui il tenait. Alors forcément, la vision de ces bleus sur la peau de sa sœur l’avait révolté. Son instinct protecteur avait refait surface, et le fait qu’elle rentre chez elle le soir-même n’était même pas une chose envisageable à ses yeux. Encore moins après la « conversation » qu’il venait d’avoir au téléphone avec ce monstre, même si elle l’ignorait encore. Et le fait qu’elle envisage d’y retourner pour éviter d’éveiller ses soupçons – ce qui était déjà trop tard – lui fit lui lancer un regard noir. Il ne comprenait pas à quel point elle pouvait être imprudente et inconsciente à ce point. Pourtant elle devrait se douter que c’était la pire des idées.

« Il se doute déjà de quelque chose. Lola, sérieusement… Tu lui as pas répondu de la journée, comment est-ce que tu crois qu’il va réagir quand tu vas rentrer ? Tu peux pas prendre un risque pareil. »

Il avait comme l’impression que ce serait compliqué de lui faire entendre raison. Le problème étant bien qu’ils étaient aussi butés l’un que l’autre, quand ils s’y mettaient. Mais Raph devait réussir à la convaincre. Il avait comme l’impression, au fond de lui, que c’était une question de vie ou de mort. Il était question de sa vie à elle, et il ne pouvait pas la laisser prendre le risque de retourner auprès de lui. Pas sans quelqu’un pour la protéger au cas où les choses tourneraient mal. Et même dans ce cas… Rien que l’idée qu’elle se retrouve une nouvelle fois dans la même pièce que cette ordure lui donnait la nausée.

Autant dire que parler de sa vie à Londres lui semblait un peu négligeable, dans l’instant. Mais elle en avait sans doute besoin. Se changer les idées, penser à autre chose. Sauf que Raph n’avait rien de très glorieux à lui raconter. Il aurait pu lui mentir, lui dire qu’il avait vécu sa meilleure vie là-bas, mais c’était très loin d’être le cas. Et il ne voulait plus lui mentir, justement.

« Y a rien de vraiment bien à en dire, tu sais… Les premières années… Je buvais énormément. Beaucoup trop, d’ailleurs. Je me suis calmé quand j’ai commencé à bosser, dans un lycée privé. Les élèves étaient géniaux. Beaucoup d’entre eux étaient livrés à eux-mêmes parce que leurs parents travaillaient tout le temps. Ils venaient m’en parler d’ailleurs. Je sais pas si j’ai pu les aider, mais j’ai essayé de le faire. »

Probablement qu’il ne le saurait jamais, d’ailleurs. Maintenant qu’il était parti, ce serait compliqué pour eux de leur donner des nouvelles. En vérité, ils avaient été sa seule échappatoire, ces dernières années. Leur apprendre des choses, leur donner des conseils, tout ça avait permis à Raphael de penser un peu à autre chose, se sentir utile. Et aussi se dire qu’il avait définitivement choisi la voie qui lui convenait.

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