Mon cœur battait à la chamade rien qu'en pensant à tout ça. Les vertiges me prenaient, tant tout ça me paraissait démesuré. Etais-je en plein rêve ? Ou plutôt en plein cauchemar ? Peut-être qu'en me pinçant très fort, je finirai par me réveiller... Très vite, la voix de mon frère me sorti de mes songes.

« Il se doute déjà de quelque chose. Lola, sérieusement… Tu lui as pas répondu de la journée, comment est-ce que tu crois qu’il va réagir quand tu vas rentrer ? Tu peux pas prendre un risque pareil. »

J'étais forcée d'admettre que Raphael avait raison. Et je le savais pertinemment. malgré tout, ce n'était pas la première fois que je ne donnais pas signe de vie à Ulrick. En rentrant le soir, je trouvais souvent des prétextes pour lui faire passer la pilule. Une journée bien chargée, un téléphone sur vibreur ou que sais-je encore... Aujourd'hui ne ferait pas exception.

« - Je lui sortirai une excuse bidon... lâchais-je d'un air nonchalant. C'est pas comme s'il n'avait pas déjà l'habitude... » rajoutais-je en murmurant.

Je reconnaissais bien là mon frère aussi borné que moi : chacun allait prêcher pour sa paroisse jusqu'à convaincre l'autre.
Je ne pouvais faire autrement : Ulrick savait où ma mère vivait, et la première chose qu'il fera quand il comprendra que je ne rentre pas, c'est se rendre au domicile familial dans l'espoir de m'y trouver. Je ne tenais pas à attirer d'avantage d'ennuis à notre Mère, elle n'en avait clairement pas besoin.

Je décidais alors de me focaliser sur la voix de Raph, qui s'exécutait à répondre à la question que je venais de lui poser. J'oubliais temporairement la douleur que je sentais raisonner dans mon ventre.

« Y a rien de vraiment bien à en dire, tu sais… Les premières années… Je buvais énormément. Beaucoup trop, d’ailleurs. Je me suis calmé quand j’ai commencé à bosser, dans un lycée privé. Les élèves étaient géniaux. Beaucoup d’entre eux étaient livrés à eux-mêmes parce que leurs parents travaillaient tout le temps. Ils venaient m’en parler d’ailleurs. Je sais pas si j’ai pu les aider, mais j’ai essayé de le faire. »

Je ne pu m'empêcher d'esquisser un petit sourire, à l'idée d'imaginer mon frère créer des liens avec des jeunes. Il s'était sans doute très clairement identifié à eux, lui-même loin de tout ce qu'il connaissait, et en quelque sorte livré lui aussi à lui-même. Tout cela me renvoyait à nous, lorsque nous étions plus jeune. À notre cercle d'amis, à Juliet. Là encore, j'en avais gros sur le cœur et il était temps que Raphael le sache. Il devait prendre conscience des dommages collatéraux que son départ avait causé.

« - Tu sais, après ton départ, j'ai perdu ma meilleure amie. commençais-je, les yeux baissés et rivés sur les doigts qui nerveusement s'entrelaçaient. Juliet a fini par mettre des distances entre nous. Quelque chose s'est brisé, ce jour-là. »

Songeuse, je fis une moue dont je n'eu même pas conscience, puis je relevais la tête vers mon frère, guettant le moindre signe de réaction.

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Raphael avait l’impression de se retrouver face à un mur, et ça n’arrangeait en rien la situation. Lola ne pouvait pas rentrer chez elle ce soir, c’était beaucoup trop dangereux. Il ne pouvait pas la laisser faire en sachant ce qui pourrait potentiellement lui arriver. Ce qui allait sans aucun doute lui arriver dès que la porte de sa maison se serait refermée derrière elle. Il était déjà violent avec elle et il ne suffisait qu’une fois de trop pour que les choses tournent au drame. Un emportement de trop, un coup de trop, une chute. Trop de possibilités qui pouvaient faire qu’il ne reverrait peut-être plus jamais sa sœur s’il la laissait faire.

« Non, Lola. On sait tous les deux que peu importe l’excuse que tu pourras bien trouver ça l’empêchera pas de… Et tu peux pas savoir si cette fois il ira pas trop loin. Je veux pas avoir à dire à maman que j’aurais pu empêcher ça mais que j’ai pas réussis à te convaincre. Ne rentre pas chez toi ce soir, s’il te plait. »

Si sa mère ne le détestait pas encore, un drame comme celui qu’il envisageait serait sans aucun doute le coup de grâce donné à ce qu’il restait de leur famille. Raph avait déjà tant de choses à se faire pardonner, il ne voulait pas continuer à allonger la liste de ses erreurs. Surtout qu’il avait bien conscience de la bombe qu’il avait lâché sur tout le monde quand il était parti. Il n’avait pas besoin que Lola le lui dise, il se doutait que son départ l’avait éloigné de Juliet. Ils se ressemblaient tellement tous les deux. Ça devait être sans aucun doute beaucoup trop compliqué pour Juliet de se trouver en compagnie de Lola. Tout comme c’était dur pour lui de se retrouver dans cette ville, en sachant qu’elle était si proche, mais qu’il ne pourrait sans doute jamais la revoir.

« Je sais. Elle nous voyait jamais vraiment l’un sans l’autre. Qu’est-ce qu’elle disait déjà ? Lola soigne l’entrée et… »

Raph ferme la marche. Il s’en souvenait parfaitement. Il pouvait même encore entendre la voix de Juliet dans sa tête, en train de prononcer ces mots. Ça avait d’ailleurs dessiné un sourire de nostalgie sur ses lèvres. Ce souvenir lui faisait mal, comme tous les autres. Mais d’un autre côté, il le remplissait d’une chaleur qu’il ne ressentait que quand il pensait à elle. L’amour de sa vie, la seule femme qu’il avait jamais aimé. La seule qui pouvait à la fois lui donner tellement de bonheur et le tuer à petit feu à chaque seconde supplémentaire qu’il passait loin d’elle. Jamais il ne pourrait retrouver ce qu’il avait perdu.

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Qu'allais-je bien devoir faire pour finir par convaincre cette tête de mule qu'était mon frère ?

« Non, Lola. On sait tous les deux que peu importe l’excuse que tu pourras bien trouver ça l’empêchera pas de… Et tu peux pas savoir si cette fois il ira pas trop loin. Je veux pas avoir à dire à maman que j’aurais pu empêcher ça mais que j’ai pas réussis à te convaincre. Ne rentre pas chez toi ce soir, s’il te plait. »

Je sentais à nouveau cette montée de colère arrivée, comme plus tôt dans la journée lorsque je m'étais retrouvée face à lui. Commençant à perdre patience, mes yeux croisèrent à nouveau les siens et je répondais :

« - Et moi je n'ai pas envie d'avoir sur la conscience que Maman risque d'avoir des ennuis, à cause de moi. Je te rappelle qu'il sait pertinemment où se trouve la maison familiale, et qu'il est susceptible de me trouver là-bas ! » décrétais-je de manière un peu abrupte. « - Tu ne peux pas arriver 10 ans après et décider d'occuper la place que t'as refusé d'occuper pendant cette dernière décennie. C'est pas comme ça que ça marche. » lui rappelais-je au passage.

Bien sûr que son sentiment de protection envers moi était légitime, et je le comprenais. Mais ça faisait 4 ans que j'étais avec Ulrick. Et bien 2 ans que je vivais un enfer. Raph' n'avait pas été là durant tout ce temps. Et je partais du principe que ça n'était pas à mes proches de me sortir d'affaire : j'étais responsable de ma confiance et d'à qui je l'accordais.

Je laissais s'évader un long soupire, m'exhortant à me tranquilliser. J'étais déjà suffisamment fatiguée comme ça.

Je me focalisais alors sur ses paroles, esquissant au fur et à mesure de ses mots un franc sourire.

« - ... et Raph ferme la marche ! » ajoutais-je en complément. C'est vrai, nous étions comme cul et chemise à cette époque, et nous n'étions jamais vraiment l'un sans l'autre. Juliet voyait toujours double, avec nous... Perdue dans mes pensées, mes yeux parcouraient le drap du lit dans lequel j'étais allongée.

La porte de la chambre s'ouvrit sur une infirmière, arrivant avec un plateau de matériel dont des tubes de prélèvement. L'heure de la prise de sang avait sonnée.
Il ne suffit que de quelques instants pour que l'infirmière face ce qu'elle avait à faire, suite à quoi elle indiqua :

« - Le médecin passera vous voir tout à l'heure, une fois les résultats de la prise de sang reçus. »

La porte se referma derrière elle...

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Cette conversation ne menait pas à grand-chose, et pourtant, Raph n’était pas près de lâcher l’affaire. Il sentait bien que Lola n’était pas d’accord avec lui, qu’elle recommençait même à être en colère. Mais en toute honnêteté, il préférait qu’elle soit en colère après lui, tant qu’elle était en sécurité. Ce qu’elle ne semblait pas vouloir comprendre pour l’instant. En vérité, la logique de sa sœur échappait totalement à son raisonnement. Elle avait là l’occasion de se sortir de ce cauchemar, de reprendre une vie qui lui conviendrait, et pourtant, elle refusait de le faire. Comme si elle avait encore plus peur de cette possibilité là que de retourner chez elle et d’être à nouveau face à lui. Et c’est là qu’il se rendit compte à quel point Ulrick avait de l’emprise sur elle, au final. Il la retenait par la peur, et ça le rendait malade.

« Oh donc t’es en train de me dire que tu passes ta sécurité au second plan parce que ta rancune envers moi est plus importante ? »

Oh oui, il regrettait ses paroles alors qu’elles étaient à peine sorties de sa bouche. Mais c’était ce qu’il ressentait, dans le fond. Et oui, évidemment, ça le mettait en colère. Parce qu’ils pouvaient trouver une solution pour que chacun d’entre eux soit en sécurité.

« Si tu t’inquiètes pour maman, on a qu’à passer la nuit chez elle. Comme ça s’il se pointe je peux t’assurer qu’il rentrera pas. Et puis de toute façon elle se doute très bien qu’il se passe quelque chose, elle s’inquiète déjà pour toi. Enfin Lola, c’est maman. Tu penses vraiment qu’elle va te croire si tu lui dis que tout va bien ? »

Il était bien placé pour savoir que ce ne serait pas le cas. Même si elle avait fini par arrêtée de lui poser des questions sur son départ, sa mère avait toujours su qu’il y avait eu plus qu’une simple opportunité pour ses études. Elle les connaissait mieux que personne, elle n’avait qu’à regarder leur visage pour savoir que quelque chose clochait. Et après ce qu’il venait de se passer, Raphael n’était clairement pas pour lui mentir encore une fois. Ça n’apporterait très certainement rien de bon.

Laisser la conversation dériver sur quelque chose de plus tranquille était certainement ce qu’il y avait de mieux à faire pour le moment. Même si parler de Juliet lui faisait toujours aussi mal, évidemment. Mais ça ne l’empêchait pas d’esquisser un souvenir à l’évocation de ces souvenirs. Il revint à la réalité quelques secondes quand l’infirmière arriva pour la prise de sang. Mais il finit par y retourner une fois qu’elle fut partie.

« Tu te souviens la première fois que j’ai invité Juliet à sortir ? »

Il était mort de trouille à l’idée qu’elle dise non. Tellement remplis de doutes qu’il était venu en parler à Lola avant de sauter le pas. D’une certaine façon, c’était elle qui l’avait poussée à aller jusqu’au bout. Elle l’avait rassurée, elle lui avait donné le courage qui lui manquait. Et en toute honnêteté, Raph ne la remercierait jamais assez pour ça. Même si l’histoire ne s’était pas bien finie, il serait passé à côté de tellement de choses si sa sœur n’avait pas été là.

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Je fini par retirer ma main de celle de mon frère, il était insupportable et beaucoup trop tenace.
« Oh donc t’es en train de me dire que tu passes ta sécurité au second plan parce que ta rancune envers moi est plus importante ? »

Il avait fait mouche, et mon regard en biais qui lui était destiné en attestait. Mes sourcils se fronçaient, il commençait vraiment à me taper sur le système.

« - Je m'attendais pas à ce que tu comprennes. » marmonnais-je de façon suffisamment audible pour qu'il entende.

Il me connaissait bien. Il savait à quel point cette fierté mal placée avait le don de ressurgir dans les moments semblables à celui-là. La mâchoire crispée, j'espérais réellement qu'il finirait par abdiquer très rapidement.

« Si tu t’inquiètes pour maman, on a qu’à passer la nuit chez elle. Comme ça s’il se pointe je peux t’assurer qu’il rentrera pas. Et puis de toute façon elle se doute très bien qu’il se passe quelque chose, elle s’inquiète déjà pour toi. Enfin Lola, c’est maman. Tu penses vraiment qu’elle va te croire si tu lui dis que tout va bien ? »
Je me tendais de plus en plus, à chaque mot qu'il ajoutait. Il ne comprenait pas. Ou alors, il refusait de comprendre.

« - Parce que tu crois vraiment que je vais accepter de prendre le risque que tu te retrouves face à lui, quitte à ce qu'il t'expédie tout droit aux urgences à ton tour, ou pire encore, directement en prison ?! » J'avais perdu patience, et le ton avait été réellement élevé. « - Tu crois pas qu'on a déjà assez morflé comme ça au niveau familial ? Sans parler de Maman : tu crois franchement qu'elle a besoin de savoir tout ça ? Laisse-lui ses doutes, c'est toujours mieux que la réalité. »

Je soufflais bruyamment, et décidais de me lever du lit. Je supportais plus d'être allongée et assaillie par mon frangin plus borné que tout. Je me dressais devant la fenêtre, tournant le dos à Raphael, et je laissais mon regard se perdre sur le paysage urbain.

« Tu te souviens la première fois que j’ai invité Juliet à sortir ? »

Il tentait de noyer le poisson, de détendre l'atmosphère. Et force était de constater qu'il tâchait de faire ça bien. À l'évocation de ce souvenir, je ne pu m'empêcher de sourire. Ce jour-là, ça avait été digne d'une comédie humoristique. Et pourtant j'aurais précisément vendu tout ce que j'avais de plus cher à ce moment là, pour le pousser à franchir le cap. Heureusement, il n'en avait pas fallu tant.
« - T'étais tout rouge tellement le stress te montait à la tête... » rappelais-je dans un petit rire discret. « - Tu l'idéalisais tellement... ajoutais-je presque à voix basse. Je me souviens que la seule chose que j'ai trouvé à te dire pour te faire décompresser, c'était que Juliet était un être humain comme toi & moi... racontais-je en laissant en suspens la fin de ma phrase. Qu'elle allait aux toilettes tous les matins ! » ajoutais-je en ricanant.

« - Je me suis pris un oreiller en pleine tête le jour où j'ai raconté à Juliet ce que j'avais du te dire pour que tu passes à l'action ! » disais-je, nostalgique. C'était l'époque où Juliet était une sœur pour moi, et qu'on partageait tout, en tout confiance.

Je tournais toujours le dos à mon frère. Et c'était aussi bien comme ça. Silencieuse à présent, je ne voulais pas que la montée d'émotions me trahisse à travers ma voix. Cette époque me semblait si loin. J'avais perdu ma meilleure amie, j'avais perdu mon frère. Et je les enviais tant sur cette relation fusionnelle qu'ils avaient eu. Je remettais beaucoup en question ce ressentiment, cette jalousie que je trouvais finalement malsaine : j'avais été ravie pour eux, et je n'avais toujours souhaité que le bonheur pour mon frère. Moi aussi, j'aurais voulu trouver l'âme-sœur... Les yeux larmoyants en pensant à tout ça, je ne décollais pas de la fenêtre de la chambre, tentant de rester la plus discrète possible sur ce nouvel assaut émotionnel.

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En effet, Raphael ne voyait pas ce qu’il y avait à comprendre dans cette situation. C’était sans doute la première fois qu’ils étaient autant en désaccord, tous les deux. Ils s’étaient à peine adressé la parole en dix ans, et voilà qu’ils passaient 90% de leur temps à se disputer. Mais pour cette situation, ça lui semblait important. Raph ne pouvait décemment pas la laisser dans ce raisonnement alors qu’elle risquait gros. Ce n’était pas seulement une question de divergence d’opinion, à ce niveau-là.

« Non, je comprends pas que tu sois prête à prendre ce risque alors qu’on pourrait trouver une solution qui éviterait de te mettre en danger. »

Et clairement, rentrer chez elle n’était clairement pas l’une de ces solutions. Oui, il était buté, il voulait bien l’admettre. Mais il ne pensait pas l’être pour les mauvaises raisons, bien au contraire. Il était inquiet pour elle, en colère aussi parce qu’elle rejetait chacune des solutions qu’il lui proposait sans même prendre le temps d’y réfléchir. Pas qu’il pensait avoir la science infuse et pouvoir régler le problème en un claquement de doigt. Mais ils pouvaient bien trouver quelque chose, même si ce n’était que provisoire.

« On dirait que toi non plus tu veux pas l’accepter, cette réalité. A croire que te retrouver ici, c’est pas encore assez suffisant pour te faire ouvrir les yeux. Et je pense que maman préférerait te savoir en sécurité plutôt que d’assister à un nouvel enterrement. »

Il était sans doute allé trop loin, mais c’était la crainte qu’il avait qu’il venait de lui partager. Cette crainte d’un nouveau coup de téléphone pour lui annoncer une mauvaise nouvelle. Il n’avait pas la force de vivre ça à nouveau, de perdre encore quelqu’un. C’était cette peur qui le faisait agir de cette façon. Ils avaient beau avoir gardés leurs distances pendant dix ans, Lola n’en restait pas moins sa sœur. Une personne plus qu’importante dans sa vie qu’il n’avait aucunement envie de perdre.

L’évocation de leurs souvenirs d’adolescence en était d’ailleurs bien la preuve. Cette période de leur vie où ils étaient proches, où ils partageaient tout, y compris leurs craintes. Lola avait été un pilier pour lui, à ce moment-là. Et il voulait lui faire comprendre qu’il pouvait en être un pour elle aujourd’hui. Elle n’avait pas à se sortir de ça toute seule. Raph s’était d’ailleurs approché, se plaçant derrière elle pour passer ses bras autour de ses épaules.

« C’est grâce à toi que j’ai vécu les meilleures années de ma vie à ses côtés. Si t’avais pas été là, je serais passé à côté de tout ça. Alors je t’en supplie, laisse-moi t’aider. Parce que si je te perds toi aussi… »

Il n’avait pas pu finir sa phrase. L’émotion l’avait pris de cours à la simple idée que Lola ne soit plus là. Il n’avait encore jamais envisagé cette possibilité, et il ne voulait pas le faire. Vivre dans un monde où sa sœur n’était plus là n’était même pas quelque chose d’envisageable. Il avait toujours connu le monde avec elle, elle avait toujours été là, d’une manière ou d’une autre. Ils avaient déjà tant perdu… Si on lui retirait cette moitié qui l’avait accompagné tout au long de sa vie, ce serait comme si une partie de lui partirait avec elle.

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Je déglutissais, tentant de ravaler cette montée d'amertume qui prenait de plus en plus de place au fil des minutes.

« Non, je comprends pas que tu sois prête à prendre ce risque alors qu’on pourrait trouver une solution qui éviterait de te mettre en danger. »

Ma bouche se pinça, avant de laisser échapper d'un ton froid :

« - Et bien ne cherche pas à comprendre. De toute façon tu parles de ce que tu ne sais pas, et de quelque chose que tu ne pourras jamais comprendre. Il faut le vivre pour pouvoir estimer être légitime de porter un jugement sur la situation. »

Je passais machinalement mes mains sur mes avant-bras, frustrée et fatiguée par la tournure que prenait cette conversation. Clairement, ça ne menait à rien, et je pourrais encore tenter pendant des heures de faire comprendre les choses à Raphael, il en était incapable.

« On dirait que toi non plus tu veux pas l’accepter, cette réalité. A croire que te retrouver ici, c’est pas encore assez suffisant pour te faire ouvrir les yeux. Et je pense que maman préférerait te savoir en sécurité plutôt que d’assister à un nouvel enterrement. »

Ses mots n'eurent pour effet que de comprimer mon cœur dans ma cage thoracique. S'il y a encore quelques instants les larmes bordaient mes yeux, ce coup-ci elles roulèrent librement sur mes joues. Je me surprenais parfois à me demander quelle quantité de larmes un corps humain était capable de produire ? J'avais l'impression de passer ma vie à pleurer, ces derniers temps.

« - Tu vas trop loin Raph. » Je me sentais peu à peu me renfermer, derrière une coquille inviolable et solide comme du roc. Je n'avais rien à répondre de plus, c'était déjà trop pour moi.
Je décidais d'ignorer les bras de mon frère qui était venu m'entourer chaleureusement au niveau des épaules. Je n'avais pas envie de le repousser. Pour autant, je n'avais clairement pas non plus envie de lui sauter dans les bras.

« C’est grâce à toi que j’ai vécu les meilleures années de ma vie à ses côtés. Si t’avais pas été là, je serais passé à côté de tout ça. Alors je t’en supplie, laisse-moi t’aider. Parce que si je te perds toi aussi… »

Je savais qu'il tentait de donner le change. Mais combien de fois je m'étais dis que finalement, le Destin était tel qu'il était, et que dans tout les cas, il se serait passé ce qu'il devait se passé entre eux, que je sois intervenu ou non ?
Prise dans mes songes, je laissais échapper comme seule réponse :

« - Je me suis souvent dis que ce monde n'était pas fait pour moi. » Et je m'étais souvent demandée dans quel but j'étais née, si ce n'était pour vivre cette mise à l'épreuve que m'avait réservée la vie ?
D'un revers de main, j'essuyais les larmes qui avaient coulées. En me dégageant de l'étreinte de mon jumeau, j'attrapais dans la main la poche de ma perfusion encore suspendue au dessus du lit. Puis, je me dirigeais vers la porte de la chambre et lançais :

« - Je reviens, je vais à l'accueil du service pour savoir quand est-ce que le médecin voudra bien venir me dire que je peux partir. »
Une manière pour moi d'échapper à cette discussion qui devenait trop compliquée. Nulle doute d'ailleurs que Raphael le comprendrait, il me connaissait par cœur.

Je refermais la porte derrière moi puis, zieutant à droite et à gauche en longeant le couloir, je remarquais le calme étonnant de l'endroit. L'occasion parfaite. Dans un recoins, je décidais de m'arrêter le temps d'arracher ma perfusion que je balança dans la poubelle d'un chariot de service. Puis, très rapidement j'accélera le pas, me mettant en quête de quitter cet endroit.

*Désolée Raph...* pensais-je avec sincérité.

Mais je ne voyais pas d'autre solution pour éviter tous les scénarios qui auraient pu possiblement se produire si j'avais accepté de le suivre en quittant l'hosto.

Un ascenseur puis quelques mètres plus tard, la sortie principale n'était plus qu'à quelques mètres.

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Sans doute qu’il ne pourrait jamais comprendre, mais ce n’était pas pour autant qu’il ne pouvait pas estimer qu’elle n’était pas en train de choisir la meilleure solution pour régler ce problème. Et Lola ne pourrait pas le faire changer d’avis. Le fait qu’elle ait l’intention de se mettre à nouveau en danger était quelque chose d’inconcevable à ses yeux. Et il se demandait sincèrement si elle avait besoin que tout aille beaucoup trop loin pour s’en rendre compte. Elle aurait dû partir au premier coup qu’elle avait reçue. Et pourtant elle était prête à y retourner. Ça n’avait aucun bon dieu de sens pour lui.

« J’ai pas besoin de le vivre pour voir à quel point ça te porte préjudice. T’en as les traces sur ta peau. »

Et c’était déjà trop. Ce connard méritait de croupir en prison pour ça, mais si Lola restait butter sur ses positions, il resterait libre. Et qui sait, peut-être qu’après elle, une autre femme finirait sous ses coups. Le fait que sa sœur subisse ça l’enrageait déjà. La possibilité que Juliet croise ce monstre le terrifiait encore plus. Même si elle n’avait rien à voir dans l’histoire, il ne pouvait s’empêcher de faire la comparaison dans sa tête. Et oui, peut-être qu’il était allé trop loin. Mais il ne savait plus quoi dire pour la faire réagir, lui faire réaliser qu’elle n’était aucunement dans l’obligation d’y retourner.

« Tu peux pas dire un truc pareil. »

Ses mots l’avaient frappé en pleine face, et ils lui faisaient mal au cœur. Même si lui-même l’avait déjà pensé, bien évidemment, dans ses moments les plus sombres. Il comprenait ce sentiment, mais il n’acceptait pas que sa sœur le vive. Surtout qu’elle avait sa place dans ce monde, beaucoup plus que lui. Elle était aimée, par beaucoup plus de personnes que ce qu’elle devait penser. Il la laissa cependant s’éloigner, sortir de la chambre pour aller à l’accueil alors qu’il l’attendait ici.

Mais le temps lui paraissait beaucoup trop long pour une simple demande de renseignement. Il avait fini par sortir, se rendant à l’accueil pour demander où était passé sa sœur. Et la secrétaire était incapable de lui répondre. Elle ne l’avait pas vu, elle n’était même pas venue la voir. Et Raph n’eut pas besoin de plus se questionner sur la question pour comprendre. Elle était partie. Et son inquiétude ne se fit que plus grande. Il s’était précipité à l’extérieur, dans l’espoir de la rattraper, mais elle n’était déjà plus là. Et il n’avait aucune idée d’où elle pouvait bien être.

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