I beg for mercy

feat. Juliet & Lola

En retard comme souvent depuis le début de la semaine, j'attrapais clés et sacs et je filais au marché pour faire des courses vitales au réfrigérateur et à l'estomac de mon pré ado. En sortant de la voiture, je fis tomber les clés, les ramassais, me remis en marche et manquais de rentrer dans quelqu'un...

Lola.
- Lola... Soufflais je, en me prenant en pleine face ces 9 dernières années, où passé un certain cap de mon deuil du départ de son frère, j'avais sciemment coupé les ponts.

Et à cet instant, je me fis la réflexion : son frère est revenu, son père est mort, j'ai pas été là pour elle, je suis le pire être humain sur terre, qu'elle voudrait rencontrer par inadvertance.

- Attends ! Lui dis-je en bougeant légèrement pour qu'elle ne parte pas.

En réalité, je ne savais pas trop pourquoi, mais je sentis le besoin, là présentement, de lui dire combien j'ai été con.

- Je me doute que tu ne veux pas me parler, et franchement je comprendrais, mais j'ai été heurté au moins autant que toi du départ de ton frère, et j'ai du mettre au mon de Charlie, pratiquement toute seule... j'ai merdé en arrêtant du jour au lendemain de te parler... j'avais peur, j'étais trop jeune. Et surtout, je voulais savoir si tu tiens le coup... pour ton papa, le retour de Raphaël... Je pense à toi, faut pas croire.

Pas certaine que ça lui fasse du bien d'entendre ça, et avec certitude ça ne me fait pas du bien de dire en mots, des années de regrets et remords...

- Un café, je te demande un café.

code & icons by lilie

Je m'étais levée tôt ce matin, fuyant la maison et l'homme qui partageait ma vie. Je m'étais mise en quête de faire un peu de shopping, mais surtout d'aller faire des courses. Moi qui aimait travailler les produits frais pour des repas fait-maison, j'avais besoin de produits adéquats. Je tenais cela que mon père, fin cordon bleu qu'il était, et nous avions longtemps partagé tous les deux des moments cuisine. Il m'avait appris beaucoup de choses, dans ce domaine, et je mettais un point d'honneur depuis son décès à continuer à mettre en pratique tout ce qu'il m'avait apporté.

Je m'étais garée sur le parking de Farmer's Market, prête à rejoindre les allées d'étales qui s'étendaient à perte de vue. Mais très vite, perdue dans mes pensées, je ne fus pas en capacité d'anticiper ce qui était en train de se produire à l'instant même : je fus heurtée par une rouquine. Le choc passé, nos regards se croisèrent, et très vite mes poils se hérissèrent, provoquant une sensation d'électrisation. Juliet.

C'était donc ça le karma ? Neuf ans après, la vie vous renvoyait en pleine gueule les expériences du passé qu'elle estimait inachevées ? Je ne pu retenir une crispation au niveau de mon visage tandis que je marquais un écartement physique.

« Lola... » Son timbre de voix n'avait pas changé. Je me retrouvais là gênée tout autant qu'elle. La scène vu de l'extérieur était sans doute comique, semblable à deux ado qui auraient pu se regarder en chien de faïence.

« Juliet. » répondais-je plutôt froidement. Je ne voyais pas ce que nous avions de plus à nous dire que ces 9 dernières années. Très vite, donc, je décidais de passer mon chemin. La gêne était déjà à son comble, il était inutile d'en rajouter en restant plantée là. Pourtant, je n'eu que le temps d'amorcer mon pas que Juliet me barra la route.

« Attends ! » Je roulais du regard, agacée et mâchoire crispée. Comme si je n'avais pas assez de problèmes à gérer en ce moment, voilà qu'une discussion sans doute peu agréable se profilait à l'horizon.

« J'ai pas de temps pour ça, Juliet. » répondais-je en espérant que cela couperait court. Mais bien sûr que non. J'étais censée savoir mieux que quiconque que celle qui avait été autrefois comme une sœur était aussi obstinée que mon frère et moi étions. Nous nous étions bien trouvés d'ailleurs.

« Je me doute que tu ne veux pas me parler, et franchement je comprendrais, mais j'ai été heurté au moins autant que toi du départ de ton frère, et j'ai du mettre au monde Charlie, pratiquement toute seule... j'ai merdé en arrêtant du jour au lendemain de te parler... j'avais peur, j'étais trop jeune. Et surtout, je voulais savoir si tu tiens le coup... pour ton papa, le retour de Raphaël... Je pense à toi, faut pas croire. » Je la toisais en écoutant ses paroles. J'aurais tellement à lui dire, et pas forcément du positif. Elle s'en prendrait dans la tronche sans doute autant que ce que Raphael avait pris, et je ne savais pas si j'étais prête à ça. Mon frère, c'était une chose, Juliet, c'en était une autre. Alors je décidais de faire abstraction de ses premières paroles pour répondre au reste.

« - Si par tenir le coup tu entends : affronter la perte d'un proche, vivre un relationnel mis à mal avec son jumeau, une relation sentimentale chaotique et une fausse couche tout récemment, alors oui. Je tiens le coup. »
C'était gratuit, c'était méchant, mais je n'avais jamais su contrôle mon côté rancunier. Et aujourd'hui balancer tout cela à la figure de la personne que j'avais toujours voulu à mes côtés quoiqu'il arrive, me permettait une certaine forme de vengeance. Je décidais d'ailleurs d'en rajouter une couche :
« - Moi aussi j'ai longtemps pensé à toi, Juliet. Au fait que j'aurais tout donné pour t'accompagner à travers tout ça parce que la seule chose qui comptait, c'était qu'on se serre les coudes afin de traverser ce à quoi nous étions toutes les deux confrontées : l'éloignement inexpliqué d'un proche. » Commençais-je. Puis, ce fut le coup de grâce. « Mais j'ai du me résigner à faire le deuil de notre amitié. »

Je l'observais, tâchant de paraître détachée. Je ne l'étais pas, loin de là, et la situation ne me laissait pas de marbre. Je déglutis même avec difficulté.

- Un café, je te demande un café. Je percevais dans le fond de sa voix les remords face à la situation. Je baissais le regard vers le sol, soupirant, me sentant prise au piège et incapable de trancher. J'avais mis longtemps à me remettre de la disparition de mon frère et de ma meilleure amie. Accepter aujourd'hui un café avec Juliet, c'était prendre le risque de souffrir à nouveau. Et puis... si cela faisait comme avec Raphael, qu'est-ce que cela m'apporterait de bien positif, hormis des tensions supplémentaires ? « Je ne sais pas, Juliet... Je ne suis pas certaine que ça soit une bonne idée. » Alors que j'aurais pu la laisser plantée là avec ma réponse comme seule compagne, je décidais de rester là, guettant sa réaction.

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I beg for mercy

feat. Juliet & Lola

J'accusais les coups, parce qu'elle avait raison de m'en vouloir, d'en avoir voulu à son frère, on l'avait abandonné tous les deux, et maintenant on revenait la bouche en cœur ? Je me détestait de ne pas avoir été plus fiable, elle aurait pu m'aider c'est vrai, mais à l'époque je souffrais trop de la disparition de son frère, et j'avais voulu tout enterrer loin de moi.

Je grimaçais à sa première réponse, me sentant bien merdeuse, et la seconde ? La seconde je souris sans joie et je fis une autre grimace.

- C'est de bonne guerre Lola. Je mérite toute ta colère, ta déception, tes remontrances. Ce n'est pas agréable, mais tout à fait à propos ! Répondis-je avant de lui demander d'aller boire un café.

Mais même ça, ça a l'air trop difficile. Je vais me résigner, son frère veut vivre une nouvelle relation avec moi, et elle préfèrerait encore ne plus jamais me voir. Je mordillais mes lèvres, avant de prendre mon portable pour lui envoyer mon nouveau numéro. Un petit "ding" retentit dans son sac à main.

- C'est mon nouveau numéro, avec mon adresse. Mais ce serait sans doute... je sais pas... je sais pas quoi faire, je sais que tu me déteste Lola, mais je t'ai arrêté parce qu'il est temps d'assumer les conneries. Si ton frère est capable d'assumer le fait de m'avoir abandonner et ignorer pendant 9 ans... je peux assumer t'avoir fait la même chose, et espérer qu'un jour, on pourra se tenir dans la même pièce sereinement.

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J'observais intensément la rouquine. Elle avait changé, et pourtant semblait également être toujours la même. C'était une sensation étrange que de sentir le passé me rattraper alors que j'avais tout fait pour en faire le deuil.

« C'est de bonne guerre Lola. Je mérite toute ta colère, ta déception, tes remontrances. Ce n'est pas agréable, mais tout à fait à propos ! »

Je ne pouvais rien ajouter à ça, elle avait tout dit. Ce qui me démontrait que les années n'avaient finalement pas été vaines, et lui avaient servies à prendre le recul nécessaire pour se rendre compte de l'aberration de la situation. Mais, et si c'était trop tard ? Trop tard pour réparer tout ça ? Juliet semblait être dans cette optique, et pourtant aujourd'hui c'était moi qui n'était plus sur cette longueur d'ondes.

Je la voyais empoigner son téléphone, et quelques gestes plus tard, le miens sonna au fond de mon sac.

« C'est mon nouveau numéro, avec mon adresse. Mais ce serait sans doute... je sais pas... je sais pas quoi faire, je sais que tu me déteste Lola, mais je t'ai arrêté parce qu'il est temps d'assumer les conneries. Si ton frère est capable d'assumer le fait de m'avoir abandonner et ignorer pendant 9 ans... je peux assumer t'avoir fait la même chose, et espérer qu'un jour, on pourra se tenir dans la même pièce sereinement. »

L'entendre parler de Raph me crispa suffisamment pour laisser échapper une grimace. Nous ne nous étions pas laissé en bon terme la dernière fois que je l'avais vu. Il faut dire que notre famille traversaient de véritables tsunamis depuis quelques semaines.

« - Pourquoi tu fais tout ça ? » lui demandais-je, un peu secouée par tout ça. Son nouveau numéro, son adresse... Juliet semblait bel et bien décidé à débouler à nouveau dans ma vie.

Cependant, l'amertume se mêlait à la curiosité, aussi, je levais mon poignet droit pour regarder ma montre. Il n'était pas très tard, et dans tous les cas je n'avais pas de plan spécifique pour aujourd'hui.

« - Une heure. Je t'accorde une heure, Juliet. » disais-je froidement, le regard transperçant.

Je savais qu'un café-brasserie se tenait de l'autre côté de la place du marché. Aussi, je m'employais à reprendre la marche, dans cette direction. Aucun doute que Juliet suivrait, c'était elle qui était à l'initiative de la proposition, après tout.

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