Les fashions-weeks du début d’année venaient de toucher à leur fin. Le rythme de travail allait considérable ralentir. Il n’y avait pas de nouvelles fashions-weeks avant le mois de juin. Tous auraient enfin l’occasion de respirer et de prendre du temps pour soi-même. Cette année, les fashions-weeks avaient été plus compliqué que les autres années, du moins pour Ruby. Même si elle n’avait pas participé au début des festivités en évitant comme à chaque fois New-York, les semaines avaient été longues. D’autant plus qu’ils n’avaient aucun répit. Le jour même de leur retour des fashions-weeks européennes, ils avaient dû s’occuper de celle de Los Angeles. Cette fois-ci, la demoiselle Turner avait eu du mal à gérer la pression, le stress et la fatigue accumulée. Elle avait craqué à plusieurs reprises et avait fait des crises d’angoisse. Elle avait su être discrète à ce sujet, mais pendant ses dernières semaines. Depuis Londres, Ruby tournait grâce à ses antidouleurs, ses calmants et ses somnifères. Ce n’était pas très bon, mais la jeune femme avait quand même pris la précaution d’être suivi par un médecin. Elle respectait méticuleusement ses doses prescrites. Son agression du mois de novembre et la découverte que ses soucis liés à New-York étaient sûrement pour beaucoup dans son état actuel. Apparemment, elle n’en était pas totalement remise. Quant à la page de son agression initiale à New-York, visiblement, elle ne voulait pas se tourner. Comme si cette histoire était destinée à la hanter toute sa vie.

Son médecin lui avait conseillé de parler de son histoire à un professionnel - pour ne pas dire un psy - ou à une personne de confiance qui n’était pas présent, ni à New-York ou à Little Rock – donc quelqu’un d’autre que Blake. D’après lui, ça permettrait à Ruby de surmonter une partie de sa peur et donc d’avancer. Elle pourrait mieux gérer ses crises d’angoisse. Pour la demoiselle Turner, la seule personne a qui elle pourrait parler de tout ça s’était Matthew. La seule personne en qui elle avait confiance, même si l’avait déçu récemment et surtout la seule personne avec qui elle se sentait réellement en sécurité. Il avait le droit de savoir toute la vérité. Tout ce qui s’était passé à New-York et à Little Rock. Même de son histoire complète avec Blake. De cette manière, il aurait plus aucun secret entre eux. Mais Ruby ignorait comment, elle pourrait aborder ce sujet avec son petit-ami. Cela faisait quelques jours, que la brunette était de nouveau à la maison. À quelques fois qu’elle avait voulue aborder le sujet, elle s’était dégonflée.

Comme toujours après les fashions-weeks, Ruby s’était prise une semaine de congé pour se reposer. Matthew devait finir dans moins d’une heure au garage. La jeune femme avait donc décidé de le rejoindre. Et apparemment, elle avait bien fait. Il y avait une des femmes qui venaient au garage avec de fausses pannes, seulement pour pouvoir mater et draguer Jeffrey et Matthew. La demoiselle Turner s’en fichait un peu. Elle avait d’ailleurs totalement confiance en son petit ami, à ce propos. Mais Ruby ne pouvait pas s’empêcher de faire quelques choses qui l’amusaient beaucoup. Elle saluait amicalement Jeffrey avant de se dirigeait vers Matthew. Elle m’embrassait langoureusement et longuement pour montrer à cette femme que l’homme face à elle était déjà pris. Parfois, la demoiselle Turner avait encore son petit côté peste. « Je m’ennuyais à la maison. Donc j’ai décidé de passer vous voir. »

Les semaines, les mois, les années défilaient et passaient. Pourtant, Ruby n’arrivait pas à oublier. Pendant un temps, elle pensait réellement avoir tourné la page, mais elle se trompait. Elle s’était créé une vie heureuse et tranquille. Mais elle s’était rapidement rendu compte, qu’elle s’était bercée tout ce temps de belles et de douces illusions. La jeune femme aurait dû se douter que quelques choses n’allaient pas. Elle aurait dû savoir que quelques choses se tramaient derrière son dos. La vie n’est pas belle et rose. La vie, la vraie, est dure et pleines de péripéties qui semblent insurmontable. Elle nous met sans cesse à l’épreuve en tentant de nous mettre ou de nous maintenir en permanence plus bas que terre.

La vie de bonheur, sans le moindre souci de la demoiselle Turner était bien derrière elle. L’agression de Ruby, dans la nuit du 31 octobre 2017, l’avait replongé dans la dure réalité. Une réalité qu’elle avait du mal à gérer et qui la paralysé un peu plus chaque jour. Sa vie et son esprit étaient encore coincés, prit en otage dans cet entrepôt de New-York, le 2 décembre 2011 et les jours qui avaient suivi. Cette période de sa vie la hantait totalement. Au point qu’elle l’empêchait presque de vivre. Ça la rendait même malade puisqu’elle suivait un traitement pour tenir le coup. La jeune femme ne pouvait pas et ne voulait pas continuer à vivre de cette façon. La demoiselle Turner en avait discuté avec son médecin et elle pensait suivre son conseil. Elle devait raconter son histoire à haute voix. Une chose qu’elle n’avait encore jamais faite ou elle l’avait fait, mais seulement partiellement. Jamais Ruby n’était parvenue à parler de ce qui lui était arrivé à New-York et à Little Rock de A à Z.

D’ailleurs, Ruby demandait de l’honnêteté à Matthew. Il lui avait parlé d’une période de sa vie. De son père violent et de sa fin tragique ce qui était peut-être la période la plus compliquée de sa vie. La demoiselle Turner, elle n’en avait jamais parlé. Elle avait parlé à son petit ami de son frère Ylan. Mais malgré sa disparition, c’étaient des souvenirs heureux. La période la plus horrible de sa vie était belle et bien New-York et Little Rock. Il fallait seulement que Ruby trouve le courage de le mentionner à haute voix, d’aligner les mots les uns derrière les autres. Aujourd’hui, la jeune femme se sentait prête à le faire. Elle devait raconter son histoire pour espérer y tirer un trait et allait de l’avant. Elle espérait simplement ne pas se dégonfler une fois de plus.


Ruby s’était rendu au garage où travailler Matthew. Il faisait des réparations sur une voiture pendant qu’une jeune femme ne se gênait pas pour le mater. La jeune femme n’était pas vraiment du genre jalouse – sauf dans certains cas que son petit ami connaissait – mais ce n’est pas pour autant, qu’elle appréciait qu’on le déshabille du regard. La demoiselle Turner s’était donc dirigée vers son petit ami et l’avait embrassé de façon à ce que la jeune femme comprenne bien qu’il était déjà pris. « On va dire que c’est un peu des deux. » Matthew avait malencontreusement mis un peu de cambouis sur le visage de la jeune femme qui essuyait presque aussi tôt. Avant de lui demander de lui laisser un peu de temps. « Bien sûr, prends ton temps. Je vais attendre dans la salle de repos. » Après un baiser, Ruby rejoins l’endroit qu’elle avait mentionné. Elle ne voulait pas le déranger dans son travail. Très peu de temps après Matthew vient vers sa petite amie en lui demandant ce qu’il pouvait faire pour elle. « Tu peux faire beaucoup de choses pour moi. Mais tu as fini ta journée-là ? Si tu as encore un peu de boulot, je peux attendre… Puis ce n’est pas désagréable de te regarder travailler. »

Prendre son courage à deux mains, c’est bien ce que Ruby comptait faire ce soir. Elle savait que si elle continuait à tout garder pour elle, jamais elle n’avancerait. Toutes ces histoires ne cesseraient jamais de la hanter et l’empêcheraient d’aller de l’avant. Pour ne pas risquer de se dégonfler une nouvelle fois, la demoiselle Turner avait décidé de se rendre directement au garage. Si elle attendait à la maison le retour de Matthew, elle aurait le temps de réfléchir, de cogiter et de finalement décider de se taire une fois de plus. Tout cela, la rongeait de l’intérieur. Ça la tuait même à petit feu. Sa santé commençait même à vraiment se fragiliser. Si elle était arrivée au point de devoir prendre des calmants, des somnifères et des anti-douleurs pour se sentir bien, c’est qu’il y avait un sérieux problème. En continuant comme cela, elle risquait même d’en devenir dépendante à tous ses médicaments. Il était inutile de préciser que ce qui serait une catastrophe. Pas seulement sur l’aspect physique ou psychologique, mais aussi pour son couple. Surtout avec l’accord, qu’elle avait passé avec Matthew, il y a quelques années maintenant. Si l’un des deux se droguait, il entraînerait automatique l’autre dans sa chute. Ruby savait que Matthew n’accepterait jamais que la brunette touche le moindre gramme de drogue. Et il s’avère qu’elle était une motivation suffisante pour qu’il se tienne loin des cochonneries qu’il consommait auparavant. Bien, qu’elle savait que l’accord n’était pas la seule raison. Mais il était toujours d’actualité, il manquerait plus que ça que ce soit elle qui le fasse replonger. La demoiselle Turner ne se le serait jamais pardonné.

Après avoir fini ses réparations, Matthew était venu rejoindre Ruby dans la salle de repos. La jeune femme s’était éloignée pour le laisser finir. Quand elle venait traîner au garage, la brunette essayait de ne pas trop le déranger, lui et Jeffrey surtout s’il avait des clients. « Il faudrait lui expliquer, qu’il ne faut pas toucher aux câbles où lui apprendre à le rebrancher toute seule. Quoi que tu t’en fiches ça te fait de l’argent. Mais ça fait un peu gigolo, payer pour vous mater. » Dit-elle amusé. Après chacun dépense son argent comme il veut et tant qu’aucune ne toucher à son petit ami, Ruby s’en fichait. « Quand on est à la maison, je préfère que tu t’occupes de moi, plutôt que de ta voiture. » La jeune femme avait posé ses béquilles sur le côté et s’était rapproché tout près de Matthew. Elle avait ses avants bras sur ses épaules et ses doigts croisés sur sa nuque. « Je pensais rentrer à la maison ou aller dans un endroit calme où on pourra parler tranquillement… Il faut que je te parle d’un truc. » Ruby savait qu’elle avait suscité la curiosité de Matthew et maintenant elle ne pourrait plus se dégonfler.

Oui, tant que cette fameuse jeune femme se contentait simplement regarder et non de toucher, Ruby non plus n’y voyait aucun inconvénient. Puis cette femme pouvait toujours draguer Jeffrey qui aux dernières nouvelles est toujours célibataire. Mais cette situation semblait totalement lui convenir. Après sa rupture avec Ellen, il était redevenu le Jeffrey Anderson que la brunette avait toujours connu. Pourtant, il avait changé dans le bon sens quand il fréquentait la demoiselle Braden. « Après elle peut toujours toucher Jeff… Je n’ai pas très faim ce soir. Mais si tu veux aller au restaurant, je peux me forcer un peu. »

Quand Matthew était libre et à la maison. Ruby avait d’autre préférence que de regarder son petit ami bosser sur sa voiture. Elle avait dit que ce n’était pas désagréable, mais ce n’était pas non plus aussi agréable. Il y avait des activités bien mieux qu’ils pouvaient faire ensemble à la maison. La demoiselle Turner lui demandait souvent de délaisser quelques instants sa voiture ou de lâcher sa manette de jeu. Quand, il est absorbé par ses deux occupations, Ruby s’ennuie très vite. Mais ce n’est pour autant que la brunette devenait chiante, elle lui laissait le choix. Puis si de temps en temps, il ferait continuer ce qu’il faisait plutôt que de faire quelques choses avec elle, il n’y avait pas mort d’homme. Du moment, que sa console et que sa voiture n’était pas sa priorité absolue, ça ne posait pas de problème la jeune femme.

Depuis son retour de la fashion-week, Ruby devait parler à Matthew. Mais elle n’avait pas cessé de se dégonfler et ça devait s’arrêter. La fin serait ce soir. La demoiselle Turner trouverait le courage de tout lui dire de A à Z sans rien oublié de cette histoire. « Je te laisse choisir l’endroit. J’aimerais te parler de New-York et Little Rock… J’ai besoin d’en parler à quelqu’un… Je crois que tu es la seule personne à qui je peux en parler. Puis je sais que même si tu ne me le demandes pas, tu aimerais savoir ce que je cache sur cette période de ma vie…. En parler avec Blake ce n’est pas suffisant… Même s’il sait tout ce que j’ai enduré et qu’il a vécu quasiment la même chose. » Simplement énoncer, le contexte était difficile pour Ruby. Elle avait marché des pauses et chercher ses mots. La soirée risquait de s’annoncer très riche en émotion. La vraie différence notable entre ce qu’a vécu Ruby contrairement à Blake, c’est d’avoir été poussé sous les rues d’une voiture et lui non. Lui n’avait pas eu besoin d’accepter et de gérer les conséquences de cet accident et encore moins renoncer et dire adieu à sa carrière professionnelle. Ou effacer totalement de vies toutes les personnes à qui elle tenait sans avoir eu l’occasion de leur dire au revoir. Lui-il avait pu régler les choses en suspend et s’éloigner de ses proches en de bons termes sans regret. Ruby, elle n’avait pas eu cette chance.

Matthew finissait rapidement ses branchements sur la voiture de sa cliente, avant de laisser le relais à Jeffrey, pour rejoindre Ruby dans la salle de repos où elle attendait. La demoiselle Turner ne voulait pas interrompre ce petit moment de retrouvailles entre câlin et baiser. Mais elle ne voulait pas non plus se dégonfler. Elle ne tournait pas plus longtemps autour du pot, avant d’annoncer la couleur. La jeune femme avait directement précisé à Matthew le sujet dont, elle voulait lui parler ce soir. Ruby voyait bien l’étonnement dans le regard et sur le visage de son petit ami. C’était sûrement la dernière chose, qu’il s’attendait à entendre. En quatre ans, la brunette avait toujours pris soit d’éviter le sujet. Elle pensait que si elle n’y pensait plus, elle allait tout oublier. Mais évidemment, ce n’était pas aussi simple. Le passé nous rattrape toujours, rien ne sert de courir. Ruby avait laissé Matthew le lieu où ils allaient avoir cette conservation. C’est sans surprise, qu’il avait choisi de rentrer à la maison. Il serait plus tranquille et ils étaient certains d’être seuls, sans aucune oreille indiscrète. La jeune femme était prête à partager tout ça avec l’homme qui partage sa vie, mais pas avec tout le monde. « D’accord, rentrons à la maison alors… Non, je n’ai pas pris la voiture… J’avais besoin de marcher pour réfléchir. » Mais ce moment de réflexion n’avait servi à grand-chose puisque Ruby ne savait toujours pas par où elle allait commencer. Matthew récupérait ses affaires et attrapait sa petite amie par la main après avoir pris sa seconde béquille. Le couple disait en revoir à Jeffrey avant de prendre la voiture et de rentrer chez eux.

Le chemin se faisait rapidement et en silence. Arrivée à la maison, Ruby déposait ses affaires et elle sentait son cœur cognait contre sa poitrine. Elle s’installait sans le canapé, sa marche l’avait tout de même bien fatigué. Puis elle n’avait pas totalement récupéré depuis la fashion-week. Quand Matthew rejoint Ruby, la jeune femme commençait par dire. « Toi et Blake, vous aviez raison de me cacher, ce que vous saviez pendant un an. Je n’aurais jamais dû vous en vouloir… Je me suis sure estimée… Je n’aurais pas supporter de savoir que j’avais peut-être une épée de Damoclès au-dessus de la tête… Et je n’aurais pas pour autant éviter mon agression… » Admettre qu’elle avait tort, n’était pas quelques choses de simples pour la demoiselle Turner. Elle espérait qu’il lui pardonnerait quand, qu’elle le formule à haute voix. Elle sortait de son sac à main et les posait sur la table basse des médicaments. Il s’agissait de tous les comprimés que Ruby consommait pour tenir le coup pendant la fashion-week. C’était presque comme si elle se droguait ou se doper. Il y avait ses antidouleurs habituels, des plus puissants, des calmants assez forts pour ses crises d’angoisse, des somnifères parce qu’elle ne trouvait pas le sommeil sans compter des tas de vitamines. La jeune femme poussait les flacons de comprimés vers Matthew. « J’ai… J’ai dû prendre tout ça pour tenir ses dernières semaines… Pour gérer mes douleurs aux jambes, mes crises d’angoisse, ma paranoïa, mes insomnies, mes baisses d’énergie… Mais j’ai quand même demandé conseil à un médecin pour ne pas faire de surdosage ou de mauvais mélange et ne pas risquer de devenir dépendante de tout ça… » Depuis son retour à Los Angeles, Ruby essayait de réduire tout cela.