Depuis qu’elle vivait à Los Angeles, cela fait dix ans maintenant, Cordelia avait complètement laissé sa passion pour l’équitation de côté. Elle avait fait passer son mariage et sa carrière avant ses envies et ses loisirs. Aujourd’hui, son mariage n’était plus d’actualité. Elle était désormais divorcée. Quant à sa carrière, Cordelia n’était plus obligée de fournir autant d’effort pour la maintenir à flot. Elle avait une certaine notoriété à la radio. En assurant chaque matin, elle contribuait à sa réussite professionnelle. Avec tous ces changements dans la vie de la demoiselle Henstridge, elle avait de nouveau du temps libre pour elle. Elle décidait donc de consacrer ce temps à son premier amour, l’équitation. Avant qu’elle ne se blesse grièvement à l’âge de dix-sept ans lorsqu'un concours équestre, Cordelia se voyait faire sa vie dans un métier en rapport avec les chevaux. Ça remontait à tellement longtemps que Cordelia avait l’impression que ce rêve appartenait à une autre vie qui n’était pas la sienne. Tant de choses s’étaient passées et avaient changé au fil des années. Finalement, la vie en avait décidé autrement et elle faisait tout autre chose. Un métier qui n’avait rien à voir avec les chevaux et les animaux. Si elle avait pu avoir des regrets au début, aujourd’hui, elle ne regrettait pas son choix de carrière. Elle s’épanouissait dans son métier d’animatrice radio sous le nom de Lux, son deuxième prénom. Ce choix l’avait également conduite à la rencontre de l’homme avec qui elle partageait sa vie aujourd’hui. Même s’ils devaient vivre leur amour caché pour le protéger.

Cordelia s’était donc rendue dans un centre équestre tout près de Los Angeles. Depuis quelque temps, la jeune femme était devenue une habituée des lieux. Elle y était bénévole, elle donnait un coup de main aux propriétaires. Elle s’occupait des chevaux et montait à l’occasion. Elle aimait aussi discuter avec des personnes qui partageaient la même passion qu’elle. D’ailleurs, la demoiselle Henstridge tombait sur Orianna. Une jeune femme que Cordelia trouvait vraiment adorable et qui elle prenait beaucoup de plaisir à échanger. Elle lui fit un signe de la main pour signaler sa présence et la salua. « Bonjour Orianna, comment tu vas ? »

Une passion commune

Depuis toute petite, Orianna avait une véritable passion pour les animaux et encore plus pour les chevaux. Cela avait commencé lors que ses parents lui avaient payé une balade à poney, l’année de ses quatre ans. Si au début la petite fille avait été un peu effrayée par le shetland qui lui avait été présenté, elle avait rapidement mis cette peur de côté pour se concentrer sur les aspects positifs de l’animal. À la fin de la promenade, elle s’était montrée totalement conquise et n’avait eu de cesse, par la suite, de harceler ses géniteurs pour qu’ils l’emmènent à nouveau au centre équestre.  Après plusieurs balades, la décision avait été prise de l’inscrire pour ses premiers cours d’équitation. Depuis elle n’avait jamais arrêté, même si sa situation financière n’était pas forcément toujours au beau fixe. En effet, son salaire d’agent animalier n’était pas mirobolant, mais elle avait toujours fait en sorte de s’en sortir et il n’était pas question pour elle d’arrêter de monter à cheval. Depuis quelques années, elle avait d’ailleurs trouvé un très bon compromis en s’occupant de la jument d’une de ses amies, qui manquait parfois de temps pour venir s’occuper de l’animal. L’équidé, répondant au doux nom d’Ottawa, était un savant mélange entre un Paint Horse et un Quarter Horse. Malgré son caractère bien trempé, Orianna s’était rapidement attachée à la jument et prenait toujours beaucoup de plaisir à venir la voir, plusieurs fois par semaine.

En arrivant au centre équestre  ce jour-là, elle aperçut Ottawa dans l’un des prés qui bordaient les infrastructures, broutant tranquillement l’herbe tout en chassant les mouches de mouvements de queue énergiques. À la vue de l’animal, la jeune femme esquissa un sourire et, après être sorti de sa voiture, s’approcha de la pâture et émit un petit sifflement. À ce signal, la jument releva la tête et s’approcha de la clôture pour venir à sa rencontre. Lorsqu’elle fut suffisamment proche, Orianna posa une main sur son chanfrein, qu’elle caresse affectueusement. Ce simple contact eu pour effet de l’apaiser instantanément et il faut dire qu’en ce moment elle en avait besoin.  Même si sa grossesse se passait bien jusque-là, elle était de plus en plus angoissée au fur et à mesure que les semaines passaient et que son ventre s’arrondissait. Elle n’était pas certaine de réussir à élever un enfant, même si elle savait qu’elle pourrait toujours compter sur ses sœurs pour l’aider en cas de besoin.

Attrapant le licol qui reposait dans l’herbe à côté de la porte du pré, la jeune femme entreprit de le mettre à la jument puis de la sortir de la pâture pour l’emmener dans l’écurie. Une fois à l’intérieur, elle passa un bon moment à la brosser pour retirer toute la terre qui maculait sa jolie robe pie alezan. Le pansage était une chose qu’Ottawa détestait et elle ne manqua pas de le lui rappeler en couchant les oreilles et en claquant des dents lorsque la brosse passa sur ses flancs. Pas impressionnée pour un sous, Orianna claqua des doigts sous le nez de l’animal pour la dissuader de tenter quoi que ce soit. Une fois le pansage terminé , elle équipa la jument de plusieurs enrênements, récupéra sa chambrière et la mena vers le rond de longe. À cause de sa grossesse, elle ne pouvait plus monter pour le moment et c’est pourquoi elle faisait désormais travailler l’animal à pied. Sur le chemin, elle aperçut Cordelia, qui lui fit un signe de la main tout en la saluant. « Bonjour Orianna, comment tu vas ? » Les deux jeunes femmes se connaissaient depuis maintenant quelques mois et partageaient la même passion pour les chevaux. Il n’était pas rare qu’elles se croisent, puisqu’elles passaient toutes les deux pas mal de temps au centre équestre pendant leur temps libre. « Je vais bien, et toi ? Je m’apprêtais à longer Ottawa, tu veux m’accompagner ? », dit-elle avec un sourire en esquissant un petit signe de tête en direction de l’équidé.

(c) Miss Pie

Le jour où Cordelia avait chuté de son cheval, elle avait cru que son monde tout en entier s’était brisé comme son genou. En effet, la jeune femme participait à une compétition de saut d’obstacles quand le cheval de la jeune femme perdit l’équilibre. La cavalière avait chuté en même temps que sa monture qui lui était tombée dessus. Elle s’en était sortie avec un genou en morceaux. Elle avait conscience qu’elle avait eue beaucoup la chance. Elle aurait pu avoir des blessures bien plus graves, elle aurait même pu se faire tuer. À la suite de cet accident, Cordelia avait subi plusieurs opérations et de longs mois de rééducation. Cela avait duré pendant toute sa dernière année de lycée. Il lui avait fallu également des mois pour qu'elle s'approche de nouveau d'un cheval. Une appréhension et une peur étaient installées en elle. Des sentiments qui avaient complètement disparu aujourd’hui. Avec de la volonté et du travail, elle avait réussi à surmonter tout ça. À l’époque, son frère Wyatt qu’elle considérait encore comme un pilier, avait été d’un grand soutien pour elle.

Avec le temps, la demoiselle Henstridge avait fini par croire que rien n’arrive sans raison. Il n'y a pas de hasard. Sans cette chute, Cordelia n’aurait jamais arrêté subitement ses études pour se recentrer et trouver sa véritable voie. Sans cette décision, jamais, elle aurait dû trouver un petit boulot. Sans cette obligation, elle ne serait jamais devenue serveuse. Sans ce travail, elle n’aurait jamais rencontré Graham. Sans cette rencontre, elle n’aurait jamais connu le véritable amour et vécu les plus belles années de sa vie en sa compagnie. Même si son divorce avec ce dernier était la pire chose qu’elle n’a jamais vécue. Cette liste des causes et des conséquences, Cordelia pouvait la continuer. Elle avait encore une longue liste d’exemple.

Depuis quelques mois, Cordelia passait régulièrement du temps au centre équestre. Elle avait renoué un lien avec les chevaux. Le plus bel animal qui soit selon elle. Mais ce n’était pas seulement avec les animaux que la jeune femme avait noués des liens. Elle avait également rencontré des personnes avec qui elle pensait qu’une amitié naissait. Cela faisait maintenant dix ans que Cordelia était en Californie et pourtant, elle ne s’était pas faite beaucoup d’amis. Elle avait été trop concentrée par le déclin de son mariage pour construire des relations saines avec d’autres personnes. Elle avait aussi été trop prise par ses drames familiaux et son travail. Aujourd’hui, tout cela était derrière elle.

En parlant d’ami, Cordelia croisait le chemin d’Orianna qui lui proposait de l’accompagner à longer Ottawa. « Ça va, merci. Oui, ce serait avec plaisir. Tu t'occupes souvent d'Ottawa. Je te vois souvent avec elle. » Dit-elle en suivant les suivants. « On pourra en profiter pour que tu me dises ce qu’il y a de nouveau ici. Ça fait quelques semaines que je ne suis pas venu. » En fin d’année, la demoiselle Henstridge manquait de temps. La radio était en effervescence et lui pompait toute son énergie. Puis, il fallait qu’elle s’organise pour voir Kristian en toute discrétion. C'était plus compliqué que ce qu'on pouvait penser. Le couple ne voulait pas ébruiter leur relation. Il ne voulait pas que l’émission de radio se serve de leur histoire pour faire plus d'audience. D’autant plus que ça pourrait donner l’effet inverse étant donné que ça fait des années qu’ils répétaient tous les deux à leurs auditeurs que ça n’arriverait jamais. Surtout qu’au début de l’émission, l’animatrice était mariée. C’est la raison pour laquelle à la radio, elle était Lux Valentine et non Henstridge. Étant connu et fait carrière sous ce nom, Cordelia était condamnée à garder le nom de son ex-mari à la radio. C’était la preuve qu’à l'époque, elle pensait que son mariage et leur amour dureraient pour toujours. Elle en était persuadée à l’époque, mais la vie est pleine de surprises.

Une passion commune

Venir au centre équestre était un bon moyen pour Orianna de mettre tous ses problèmes derrière elle. Lorsqu’elle était avec les chevaux elle se sentait instantanément apaisée et appréhendait la vie avec beaucoup plus de facilité… jusqu’à ce qu’elle rentre chez elle, bien évidemment. Une fois de retour à la réalité, tout redevenait plus difficile, mais elle profitait de ces quelques heures en compagnie des équidés pour vivre plus sereinement. C’était également l’occasion pour elle de croiser des gens qu’elle appréciait, comme par exemple Cordelia, une jeune femme adorable qu’elle avait rencontré il y a quelques mois de cela et qu’elle apercevait régulièrement dans les allées de l’écurie, comme cet après-midi là. En la voyant, Orianna n’hésita pas à lui proposer de l’accompagner pour longer Ottawa, la jument dont elle s’occupait depuis plusieurs années maintenant. Même si elle n’était pas propriétaire de l’animal, c’était tout comme à ses yeux et elle aimait passer de nombreuses heures en sa compagnie. Son amie lui ayant répondu par la positive, la blondinette prit le chemin du manège, la jument sur ses talons. Elle aurait tout aussi bien pu faire ça dans la carrière, mais le temps n’était pas particulièrement au beau fixe aujourd’hui et elle ne souhaitait pas risquer de prendre la pluie. « Ottawa est la jument d’une amie, mais celle-ci manque de temps pour s’en occuper, c’est pourquoi c’est moi que tu verras la plupart du temps avec elle. » expliqua-t-elle à Cordelia tout en ouvrant la porte du manège. Elle y fit entrer le cheval, puis referma une fois tout le monde à l’intérieur. Elle se tourna ensuite vers l’équidé pour ajuster ses différents arnachements, puis la conduisit au centre du manège pour commencer sa séance de longe. D’un petit claquement de langue, elle invita Ottawa à prendre le pas, puis se renconcentra sur son amie qui lui avait demandé quelques minutes auparavant de lui raconter les dernières nouvelles du centre équestre. « Il ne s’est pas passé grand chose récemment. Quelques chevaux sont arrivés il y a deux semaines pour les cavaliers de club et le centre a organisé une compétition de saut d’obstacles le week-end dernier. Hormis ça, c’est la routine habituelle. » dit-elle en haussant les épaules et en reportant son attention sur la jument, dont l’allure était devenue plus molle au fur et à mesure qu’Orianna parlait. Estimant qu’elle avait suffisamment eu le temps de marcher, la jeune femme décida de la passer au trot. « Allez, au trot ! » s’exclama-t-elle d’une voix forte et tonique. Avec elle, il n’était pas particulièrement nécessaire de se servir de la chambrière et celle-ci était là juste pour la forme. En effet, la jument répondait particulièrement bien à la voix ou à de simples gestes. « Et toi alors, qu’est-ce que tu deviens ? Cela faisait un moment que je ne t’avais pas vue et pourtant je viens là assez souvent. » Cordelia avait probablement été absorbée par son travail, comme c’était le cas à chaque fois qu’elle disparaissait pendant plusieurs semaines. Néanmoins, Orianna préféra s’assurer qu’il n’était rien arrivé de grave à son amie durant cette nouvelle période d’absence.

(c) Miss Pie

Cordelia avait remarqué qu’Orianna s’occupait régulièrement de la jument Ottawa. Du moins, lorsqu’elles se croisaient au centre, elle la voyait souvent en compagnie de cette dernière. La jeune femme lui expliquait gentiment la raison pour laquelle l’animal et elle étaient fréquemment ensemble. L’animatrice se contenta de lui répondre en acquiesçant positivement de la tête et en lui souriant. Avant, Cordelia aussi avait une jument, mais malheureusement, il y a des années maintenant qu’elle avait quitté ce monde. C'était la vie. La jeune femme n’avait jamais voulu en avoir un nouveau. D’une part, parce qu’elle ne pratiquait plus l’équitation autant qu’avant sa chute. Elle avait bien fait. Au fil des années, elle avait consacré de moins en moins de temps à sa passion, jusqu’à la délaisser. Comme la propriétaire d’Ottawa, elle aurait dû trouver quelqu’un pour s’en occuper régulièrement de sa jument ou de son cheval.

En accompagnant Orianna et Ottawa jusqu’au manège, Cordelia demandait à son amie ce qu’elle avait manqué durant son absence de quelques semaines. Le travail ne lui avait pas laissé le temps de se rendre au centre équestre depuis un petit moment. Apparemment, il n’y avait rien eu de très palpitant. « Je n’étais pas au courant qu’il y avait une compétition le week-end dernier. Sinon, je pense que je serais passée rapidement. Ça m’aurait rappelé des souvenirs de la belle époque. » Une époque lointaine, elle avait l’impression que c’était même une autre vie. Presque vingt ans étaient passés depuis son dernier concours. Beaucoup de choses avaient changé, elle n’était plus du tout la cavalière qu’elle était autrefois, et ce, sur de nombreux points, pour ne pas dire tous.

Tout en observant et en faisant travailler Ottawa, les deux femmes discutaient. Naturellement, Orianna se demandait où Cordelia était passée ces derniers temps. C’était une question totalement légitime. « Oui, ça fait un moment que je ne suis pas venue, tu as raison. La fin d’année, c'est toujours assez chargé à la radio, entre les émissions spéciales, les jeux concours et les préparations de tout ça, on n’a pas beaucoup de temps libre. Donc le peu de temps que j’ai eu, je l’ai passé avec mes proches. » Enfin, la demoiselle Henstridge avait plus passé de temps avec son copain même si elle le voyait déjà tous les jours au travail. Mais ce n’était pas pareil. À la radio, ils s’efforçaient d’être les amis professionnels. Ils avaient l’impression qu’ils jouaient bien le jeu, personne ne leur avait fait de réflexion sur un éventuel changement de comportement. Alors qu’ils ne se gênaient pas pour leur dire les fois où ils avaient été en froid. Et il y en avait eu des hauts et des bas entre eux, surtout quand Cordelia était encore mariée. Rien n’avait été simple. « Et toi comment tu vas ? Ça se passe bien ta grossesse ? » Elle supposait que oui, sinon elle ne serait probablement pas là, mais elle préférait tout de même demander.

Une passion commune

Cavalière depuis toute petite, Orianna n’aurait pas imaginé vivre sans être au contact des chevaux. Elle aimait passer du temps avec eux, s’en occuper, leur parler… Bien sûr, elle prenait aussi beaucoup de plaisir à les monter, mais ce n’était malheureusement plus possible pour elle depuis quelques mois, à cause de sa grossesse. Cette situation la peinait, mais elle relativisait en se disant que ça aurait pu être bien pire. Après tout, d’ici un an maximum, elle pourrait de nouveau s’adonner à ses disciplines favorites. En attendant, elle perfectionnait le travail à pied avec Ottawa, bien que cette dernière ne se montrait pas franchement très coopérative. En effet, elle profitait du fait que la jeune femme discutait avec son amie pour traînasser et, régulièrement, Orianna devait faire claquer sa langue ou hausser un peu la voix pour que la jument ne remette du rythme dans son allure. « Tu faisais beaucoup de compétitions avant ? », demanda-t-elle à Cordelia, le « avant » faisant clairement référence à la période antérieure à la lourde chute qui avait sévèrement blessée l’animatrice radio. La blondinette n’était pas au courant de tous les détails, mais son amie lui avait vaguement parlé de cette blessure. Elle espérait juste ne pas être trop intrusive en lui posant cette question. « Si je ne me trompe pas, il devrait y en avoir une autre dans trois semaines. J’y serai en tant que spectateur, si ça te dit de passer. » Orianna n’avait jamais été une adepte des compétitions, ne parvenant pas à gérer suffisamment son stress pour se montrer performante et pour prendre du plaisir à la chose. Néanmoins, elle aimait se poser aux abords d’une carrière ou même devant sa télévision pour regarder des cavaliers plus doués qu’elle se disputer la première place.

Alors qu’elles continuaient de discuter de tout et de rien, Cordelia lui expliqua qu’elle avait eu beaucoup de travail ces derniers temps et que c’était la raison pour laquelle elle n’avait pas pu venir plus souvent au centre équestre. C’était parfaitement compréhensible, Orianna elle-même avait ses périodes d’absence, notamment l’été, lorsque le refuge était plein à craquer à cause des abandons liés aux vacances estivales et qu’elle devait travailler deux fois plus. Chacun avait sa vie à mener et les loisirs passaient souvent au second plan, c’était aussi ça être adulte parfois. « Je vais bien et j’avoue ne pas avoir à me plaindre, cette grossesse est assez facile pour le moment. Je n’ai pas particulièrement été sujette aux nausées ou à de quelconques symptômes désagréables durant les premières semaines, donc je m’estime chanceuse. », dit-elle pour répondre à la question de l’animatrice. La seule chose qui l’handicapait vraiment c’était son incapacité à accepter l’idée qu’elle serait bientôt responsable d’un autre être vivant qu’elle-même, mais c’était une autre histoire qu’elle se garda bien de conter à Cordelia, ne souhaitant pas l’ennuyer avec ses problèmes personnels. « J’ai juste hâte d’accoucher pour pouvoir remonter à cheval. », indiqua-t-elle avec un sourire, tout en caressant doucement le chanfrein d’Ottawa qui était revenue s’arrêter près d’elle. À vrai dire, ce n’était pas tout à fait vrai, elle n’avait pas spécialement hâte de mettre au monde cet enfant, puisque cet instant la terrifiait. Elle avait surtout hâte de pouvoir faire à nouveau tout ce qu’elle souhaitait, sans que quelqu’un soit constamment derrière elle à s’inquiéter pour sa santé ou celle du bébé. Après tout elle n’était pas en sucre, juste enceinte, mais beaucoup de gens avaient du mal à faire la différence à en juger par le comportement de certains de ses proches.

(c) Miss Pie

Les compétitions équestres étaient vraiment toute une partie de la vie de Cordelia. Une partie qu’elle avait adorée malgré sa fin violente qui avait chamboulé toute sa vie. D’ailleurs, Orianna questionnait l’animatrice à ce sujet. « Oui, j’en ai fait durant toute mon adolescence. J’avais au moins une compétition par mois. Je faisais du saut d’obstacles. Mais un jour, ma jument a raté un saut et elle est tombée sur moi. Par chance, elle n’a pas été blessée, moi, je n’ai pas eu la même chance qu’elle. Son poids a eu raison de mon genou. J’ai encore la cicatrice de la blessure et des opérations qui ont suivi. Depuis, je remonte à cheval, même si au début, ça n’a pas été simple de recommencer. En revanche, je n’ai plus jamais osé faire un saut d’obstacles. Je n’en retiens que les bons souvenirs. » Cordelia se souvenait comme si c’était hier de la sensation qu’elle ressentait avant chaque compétition. Elle adorait cela. L’équitation, les compétitions, c'est ce qu’elle préférait à cette période de sa vie. Ce n’était pas sa blessure qui lui avait fait le plus mal, mais d'avoir dû renoncer à tout ça. Au début, elle pensait devoir renoncer à tout. Pendant un temps, il était inconcevable pour elle de remonter à cheval. Elle s’était laissé dominer par la peur, mais son frère l’avait convaincue de dépasser ses craintes. C’est en remémorant ce genre de souvenirs que Wyatt lui manquait le plus. Elle savait qu’ils ne pourraient jamais récupérer la relation qu’ils avaient autrefois. Mais elle espérait qu’ils parviendraient un jour à tisser un nouveau lien. Parfois, Cordelia se demandait pourquoi et comment la vie était devenue aussi compliquée. Cordelia était déçue d’avoir raté la dernière compétition. Elle aurait bien aimé y assister. La déception devait se lire sur son visage puisque Orianna la rassurait en lui disant qu’il n'y en aurait une nouvelle dans trois semaines. « Si j’ai moins de travail, je serai spectatrice avec toi. » Avec la quantité de travail que Kristian et elles avaient fourni ces dernières semaines, les suivantes devraient être plus tranquilles.

Cordelia questionnait Orianna à propos de sa grossesse. Elle était ravie d’apprendre que pour elle tout allait bien. L’animatrice radio avait vécu plusieurs grossesses lorsqu’elle était avec Graham. Elle aussi avait eu la chance de ne pas avoir connu les nausées matinales. Malheureusement pour le couple, aucune grossesse n’avait dépassé le premier trimestre. Cordelia avait fait de nombreuses fausses couches. Un élément de sa vie que tout le monde ignorait. Elle n’en avait parlé à personne. Elle n’avait partagé cela qu’avec son mari. Ils avaient tous les deux gardé cela pour eux. Probablement pour ne pas susciter de la pitié et peut-être même par sentiment de honte. Même Kristian n’était pas au courant. Cordelia lui en parlerait un jour, s'il envisageait d’avoir un enfant. Un souhait que Cordelia ne partagerait pas. Avec Graham, elle avait voulu tout comme lui avoir une famille nombreuse, mais la vie en avait décidé autrement. Aujourd’hui, elle avait accepté le fait qu’elle n’était pas faite pour être mère et elle ne souhaitait pas retenter l’expérience. « Tu es chanceuse. Il n’y a pas beaucoup de femmes qui peuvent en dire autant. » Dit-elle en souriant. Elle riait même quand Orianna avouait qu’elle avait hâte d’accoucher pour remonter à cheval. « Est-ce que tu auras vraiment le temps de remonter à cheval ? Je suis sûre que tu ne voudrais plus lâcher ton bébé. Tu en as pour combien de temps encore ? » Cordelia pouvait tout de même comprendre que neuf mois pouvaient être longs et paraître une éternité, surtout les derniers mois de grossesse.