Mon rythme de vie était particulièrement intense et mouvementé car mon existence même tournait principalement autour de mon travail, c'était lui qui me donnait le ton. Je ne faisais que suivre avec bonheur et entrain la cadence qu'il m'imposait et que j'appréciais toujours autant durant toutes ces années. Ayant de plus grandes responsabilités, car mon ambition était sans limite et mes idées toujours dans l'intérêt de développer la marque de la famille Saint-Amand, je me devais d'être d'autant plus vigilante et plus stricte que lorsque je me trouvais en France. En effet, je dirigeais (et je dirige toujours) le département marketing et ventes des vins "Domaine St-Amand" et j'étais entourée de tout un groupe de personnes extrêmement compétentes dans leur fonction en plus d'être épaulé par les membres de ma famille. Mais depuis plus d'une année, j'étais également à la tête de mon projet d'agrandissement à l'échelle internationale des vins de ma famille aux Etats-Unis. Dans un sens, j'avais bâti à moi seule une branche externe, avec mes compétences et avec mon équipe que j'avais moi-même sélectionné. C'était une fierté, lorsque j'y pensais, seule avec moi-même et peu importait l'endroit où je me trouvais, j'en souriais. Aujourd'hui, malgré le fait que mon frère ait le soutien sans faille du Conseil d'administration, sans parler des coups bas de certains des membres du clan, tous ne pouvaient qu'admettre et constater que j'étais une adversaire coriace et redoutable, au sens des affaires aigues! Personne à part moi n'avait réellement cherché à agrandir davantage notre champs d'action à l'international. Le marché européen était un beau projet, une réussite mais pourquoi se limiter? Je voyais toujours le verre à moitié plein et je ne comptais pas m'arrêter en si bon chemin. Toute la matinée, j'avais été en rendez-vous professionnel, soit en vidéo conférence ou soit par téléphone. Cet état de fait avait été particulièrement épuisant au bout de la quatrième heure consécutive à bavarder sur des sujets de logistique ou de budget et j'avais bien eu besoin de me poser un peu pour reprendre le boulot plus tard. Curieusement, j'avais songé à la conversation que j'avais eu quelques mois auparavant avec ma mère. Elle m'avait parlé d'une cousine qui vivait elle aussi à Los Angeles. Bien sûr, je la connaissais de nom mais je n'avais jamais cherché à la rencontrer. Après tout, nous ne nous connaissions pas. Mais après mûre réflexion, et surtout pensant aux relations que j'entretenais avec les membres de ma famille du côté paternel, je me disais que peut-être que pour une fois je pourrais avoir des relations cordiales avec quelqu'un issu de la famille de ma mère et n'ayant aucun rapport avec l'entreprise. Fronçant les sourcils un instant, je fis appel à mon assitant. Veuillez contacter Mme Paulsen et obtenez moi un rendez-vous avec elle dans les plus brefs délais!! Ensuite, organisez-moi un déjeuner aujourd'hui, si possible, avec Mme Keagan. Précisez-lui que je suis sa cousine française et que j'aimerais la rencontrer. Merci. Je ne savais pas ce que ça donnerait mais bon.. Je continuais mon travail en attendant la réponse. Je n'allais pas non plus rester là attendre alors que j'avais encore des réunions à organiser avec mes responsables. Le temps passa très rapidement et la réponse de la jeune femme avait été positive. Nous allions nous rencontrer dans un petit café à Malibu. Après tout ce temps passait dans cette ville, je décidais enfin de rencontrer cette fameuse cousine. Mon chauffeur ne tardait pas à faire avancer la voiture et à me conduire au lieu de rendez-vous. Une fois entrée dans le café, je cherchais du regard une jeune femme qui pourrait potentiellement avoir les "mêmes" traits que moi. Elle se trouvait assise à une table, seule et je ne m'empressais d'aller à sa rencontre. Perchée sur mes hauts talons, et arrivée à sa hauteur, je lui adressais un sourire amical. Sanaa Keagan? Dis-je d'abord avant d'enchaîner. Bonjour, je suis Agathe Saint-Amand. J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre.

Pour moi, interagir avec le commun des mortels n'était pas chose aisée. Non pas du fait de mon rang, ni même de ma fortune et encore moins que je sois peu à l'aise en société, bien au contraire.. disons simplement que les déjeuners/dîners d'affaire étaient largement plus dans mes compétences. D'après moi, c'était une forme d'art de savoir mener une discussion d'affaire et un terrain de jeu des plus exaltant. Dans ce genre de rencontre il s'agissait surtout de flatter, de séduire, de rassurer mais aussi de s'imposer face aux clients ou futurs clients. La ruse, la diplomatie, l'éloquence, et bien d'autres outils étaient toujours de mise lors de ces entrevues. C'était généralement à ce genre de déjeuner/dîner dont j'avais à faire. Pourtant aujourd'hui, j'allais devoir m'adonner à un tout autre exercice, un exercice dont j'avais très peu l'habitude. Faire connaissance avec quelqu'un demandait d'avoir de la conversation, je n'en manquais pas mais je risquais de m'égarer dans le travail et je doutais que la jeune Sanaa y trouve quelque chose d'intéressant là dedans. Il fallait aussi savoir être à l'écoute et être attentif, de ce côté là, je devrais pouvoir être à la hauteur sans parler de faire en sorte qu'il n'y ait aucun moment de creux. Seule notre potentielle connexion, alchimie et notre capacité à rebondir en trouvant des choses à nous dire durant la conversation pourrait nous permettre de remédier à ce genre de fâcheux évènement. Il y avait tant d'autres choses que je ne maîtrisais pas lorsqu'il s'agissait de faire connaissance avec quelqu'un mais j'espérais que ma cousine ne m'en tiendrait pas rigueur. C'était déjà un pas en avant vers elle que je faisais. Certes, probablement pas pour les meilleures raisons car après tout ce qui me poussait à me rapprocher d'elle, c'était les relations plus ou moins déplorables que j'entretenais avec les membres de ma famille du côté paternel. Cette hargne et cette détermination à vouloir à tout prix diriger l'empire Saint-Amand.. Bref, je ne devais pas y songer pour le moment. Je devais me concentrer sur la jeune femme que je n'allais pas tarder à rejoindre dans ce petit café. Très vite, je me retrouvais nez à nez avec elle et elle était vraiment très belle. Je voyais plus ou moins ce petit air de famille dans les traits de son visage. Au moins, j'avais à faire à la bonne personne! Elle se leva pour me saluer. Et je souris face à ses paroles. En bonne française, j'eus le réflexe de lui faire la bise. Bon, les américains ne se saluaient pas de la sorte mais puisqu'il s'agissait de quelqu'un de ma famille, il me semblait normal de la saluer de manière plus personnelle. J'en suis ravie également! Dis-je pour répondre à la première partie de ses dires. Concernant la deuxième partie, j'étais moins à l'aise parce qu'effectivement, nous ne nous connaissions pas du tout mais après tout puisqu'elle préférait que l'on se tutoie, je n'allais tout de même pas refuser même si cela me paraitrait assez étrange. Cela ne me dérange pas. Je lui souris une nouvelle fois avant de m'installer. J'observais les lieux, c'était plutôt charmant. Je pris la carte des menus sans pour autant la parcourir avant de regarder la jolie brune. Pardonne-moi pour ce déjeuner improvisé! J'espère ne pas avoir trop bouleversé ta journée! Il était vrai que je n'avais pas vraiment cherché à savoir si elle était occupée ou non. Et puis si elle avait eu des choses plus pressantes à faire, elle aurait décliné, non? En tout cas, j'aurai pu être moins brusque pour le coup mais les choses étaient déjà faites donc je ne pouvais pas revenir en arrière. Comment vas-tu? Ca fait longtemps que tu vis à L.A.? Les banalités d'usage font leur entrée. Après tout, il faut bien commencer quelque part.